La Forza del destino de Verdi à Munich

L’accord parfait

Jonas Kaufmann (Alvaro) et Anja Harteros (Leonora)
29 décembre 2013
En cette fin d’année célébrant le bicentenaire de Verdi, le plus brûlant couple lyrique actuel se reforme dans La Force du destin, une nouvelle production du Bayerische Staatsoper de Munich. Comme d’habitude, le tirage au sort du billet-sésame laissa de très nombreux postulants aux portes de l’opéra bavarois. Le rendez-vous fût toutefois rendu possible par la diffusion en direct de la représentation du 28 décembre. 
Les mélomanes du monde entier ont pu ainsi se réjouir de retrouver Anja Harteros et Jonas Kaufmann, le couple brisé par le destin : Donna Leonora et Don Alvaro. Don Carlo di Vargas, l’autre force obscure du destin, est incarné par Ludovic Tézier. L’harmonie des voix de cette trinité soprano-ténor-baryton est absolument fascinante. Le feu verdien est porté par ces interprètes d'exception qui savent redonner un nouvel éclat à la vocalité généreuse de l’ouvrage.

Jonas Kaufmann (Alvaro), Vitalij Kowaljow (Padre Guardiano),
Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas), Anja Harteros (Leonora)
La Force du destin n’est pas seulement l’opéra avec l’Ouverture la plus célèbre de Verdi. C’est aussi une œuvre admirable qui s’inscrit dans un climat humain bouillonnant qui oscille entre amour ardent, désespoir sans fond et pulsions de vengeance. A ce jeu des exaspérations passionnelles, les artistes rivalisent d’intensité, de splendeur vocale et d’investissement dramatique. A eux seuls, ils font émerger les frémissements de l’âme dans ce drame de l’amour et de la mort. Totalement absorbés par la beauté des voix et le jeu enflammé des artistes, on en oublierait presque la mise en scène de Martin Kujek qui lui a oublié de mettre en relief la dimension si particulière de l’opéra, notamment la Force

Juan Diego Florez dans La Favorite de Donizetti

Tremblement de terre avenue Montaigne !

20 décembre 2013 : Rarement le Théâtre des Champs Elysées n’aura tremblé d’une telle ovation à la fin d’un concert. Cette standing ovation nous la devons au ténor bel-cantiste inondé de superlatifs Juan Diego Florez. Sa voix inouïe et sa virtuosité donnent des frissons de plaisir au public qui salue la performance artistique quasi sportive. 
Ce 18 décembre, La Favorite de Donizetti s’installe à Paris pour une unique représentation de version de concert. Pour clore le programme 2013 des "Grandes Voix" en beauté, le fidèle invité de la série incarne Fernand, le jeune novice amoureux de la maîtresse "favorite" d’Alphonse XI, roi de Castille. Une intrigue qui se joue dans l’Espagne du XVIe siècle, au temps des luttes de pouvoir entre Eglise et Etat et de leurs tumultes illustrés de très belles pages lyriques.

Chaque intervention de Juan Diego Florez est un délice et une performance vocale bénie par ce timbre unique reconnaissable entre tous. Le ténor péruvien affiche l’éclat insolent de ses aigus dans une aisance déconcertante. Tel un ruban d’or, le superbe phrasé et la ligne musicale tendre et moelleuse nous transportent dans le ravissement extatique des cimes du bel canto. Ses possibilités paraissent sans limites et on en tremble pour lui par moment. Mais comment fait-il ? On a l’impression que Juan Diego Florez va puiser au fond de lui-même ces ressources intarissables qu’il souhaite faire partager à ce public déjà conquis par le silence qui précède l’exploit technique.

Dialogues des Carmélites de Poulenc au TCE

Touchées par la grâce

Rosalind Plowright (Madame de Croissy)
et Patricia Petibon (Blanche de la Force
15 décembre 2013 : 
Le Théâtre des Champs Elysées présente une production marquante des Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc
Ce chef-d’œuvre lyrique du compositeur a été joué dans de nombreux théâtres lyriques français  en 2013, célébrant ainsi le cinquantenaire de sa disparition. Très inspiré par la résonance spirituelle de l’œuvre, Olivier Py signe une mise en scène fascinante de pureté, un dénuement scénique monacal et de sublimes lumières qui décuplent la beauté des douze tableaux de l’opéra.

Cette tragédie théologique est inspirée de l’histoire réelle des Carmélites de Compiègne qui furent arrêtées puis guillotinées pour "conspiration" en 1794. Le mystère de la foi comme argument d’opéra, de quoi constituer un réel défi pour un compositeur. La réussite est totale, mêlant l’adaptation ingénieuse du texte de Georges Bernanos à la richesse de sa partition musicale, une écriture "follement vocale", passant du récitatif intimiste au lyrisme bouleversant. La puissance émotionnelle de la musique de Poulenc est portée par un plateau vocal prestigieux composé des plus belles voix françaises.

Les Puritains de Bellini à l'Opéra de Paris

L’amour en cage
8 décembre 2013 : Les Puritains, l’un des sommets du Bel Canto, reviennent à l’Opéra de Paris. Le génie mélodique de Bellini éclate dans cet ultime opéra composé peu de temps avant sa mort à l’âge de 34 ans. Ce bellinissime ouvrage n’avait pas été joué depuis son entrée au répertoire parisien en 1987 à l’Opéra-Comique. En 2012, une version de concert au Théâtre des Champs Elysées en 2012 avait permis de redécouvrir cette partition truffée de difficultés techniques surmontées avec brio par Olga Peretyatko. Le livret étant assez faible et improbable, Bellini exploite le romantisme de la situation dans un florilège de mélodies somptueuses. Ces magnifiques pages furent écrites sur mesure pour un quator de très grandes voix de l’époque. Les jeunes talents qui l’abordent ne doivent pas être trop frileux.
Le drame se joue dans le décor romanesque d’un château anglais du XVIIe siècle. Laurent Pelly appréhende l’espace scénique à travers les mouvements d’une caméra imaginaire et le rideau s’ouvre sur une structure métallique de château sur un plateau tournant, comme une image filaire en 3D conçue avec un logiciel de CAO - Conception Assistée par Ordinateur -. Le décor se réduit à cette immense cage "qui enferme le personnage dans un monde rigoureux et austère, historique et irréel" dit-il. Il ajoute "les costumes sont travaillés sur des lignes d’époque mais complètement épurées". Epure et transparence, un vrai coup de jeune dans la déco !

Il Trovatore de Verdi à Munich

Reprise enflammée

29 novembre 2013 : Après l’excitation de la découverte de la nouvelle production de Il Trovatore de Verdi au Bayerische Staatsoper de Munich en juin dernier, c’est dans un quasi silence médiatique que quatre nouvelles représentations ont été données en novembre. Pourtant, cette saison d’automne fût prise d’assaut par le public éconduit lors du festival d’été. Aimantés en masse vers l’opéra bavarois, les lyricomanes se réjouissaient de découvrir à leur tour Jonas Kaufmann incarnant son premier Manrico.

La production confiée à Olivier Py exhale le souffle verdien dans une noirceur à la fois diabolique et tragique. Le drame, le théâtre et la musique fusionnent à chaque instant, sublimés par la scénographie et les lumières de Pierre-André Weitz, le complice artistique. Le lyrique metteur en scène adore le mélodrame et sa vision dantesque de l’œuvre est en totale cohérence avec la substance sordide du livret. Le spectacle est porté par la conjonction des talents de Jonas Kaufmann et Olivier Py dont la vitalité inspiratrice partagée nous offre une de ces productions fascinantes que l’on n’oublie pas.

Aïda de Verdi à l’Opéra de Paris

Céleste et universelle
Marcelo Alvarez (Radames) & Roberto Scandiuzzi (Ramfis)

17 novembre 2013 : Aïda de Verdi, l’opéra égyptien chéri des théâtres antiques revient à l’Opéra de Paris après quarante cinq ans d’absence. On était impatient de découvrir la vision du metteur en scène et poète Olivier Py car tous les espoirs de "peau neuve" étaient permis. Dès le début, on est séduit et captivé par son interprétation de l’œuvre car cette nouvelle production apporte un nouvel éclairage. Visuellement et musicalement magistrale, cette Aïda réapparaît dans toute sa splendeur, notamment dans les passages intimistes, comme revigorée par la lecture du créatif.

Olivier Py
© Corinne Bellaiche
Pour Olivier Py, chaque œuvre invente un théâtre. En analysant le livret, il conclut que l’Egyptologie peut être évincée sans dénaturer les intentions de Verdi. Tout en respectant l’esprit guerrier et politique de l’œuvre, le metteur en scène opère une percutante transposition du contexte historique. L’Egypte est devenue l’Autriche-Hongrie et l’Ethiopie l’Italie. Il y ajoute des ingrédients contemporains car le poids du pouvoir politique et l’extrémisme religieux sont universels et de toutes les époques. Et tout cela fonctionne merveilleusement bien. Les spectateurs sont totalement immergés dans la narration de l’histoire et dans la beauté des décors.
Musicalement, on est aux anges avec l’esprit de Verdi bien représenté. Sa force dramatique et sa puissance musicale sont magnifiquement restituées par le chef Philippe Jordan, les voix du chœur d’un grand raffinement et les solistes d’un très bon niveau.

Orfeo ed Euridice à l’Opéra Royal de Versailles

Franco Fagioli met les dieux à ses pieds

Franco Fagioli, Laurence Equilbey, Emmanuelle de Negri
et Malin Hartelius à l'Opéra Royal de Versailles
10 novembre 2013 : Lors de la version de concert d’Orfeo ed Euridice de Gluck, la beauté du chant de Franco Fagioli a ému les dieux, les enfers et le public de l’Opéra Royal de Versailles. 
Le contre-ténor argentin est impressionnant. Aussi à l’aise dans la douce plainte que dans l'élan du désespoir, Franco Fagioli parvient à incarner Orphée avec une grande sensibilité pour se fondre dans le chagrin inconsolable de son personnage. Le pouvoir extatique de sa voix somptueuse et incandescente nous fait vivre une soirée d’exception. Deux heures de technique époustouflante dans l’enchaînement des airs plus virtuoses les uns que les autres du chef-d’œuvre de Gluck.
Corps frémissant, expression enfiévrée et regard éploré, Franco Fagioli aborde le rôle d’Orphée avec une telle intensité, un tel engagement dramatique et une telle virtuosité que l’émotion est grandissante. La prestation est exceptionnelle et nous partageons les mille tourments du poète musicien mortifié. Du très grand art.

Livre "Les plus beaux Opéras du monde"

Invitation aux voyages

7 novembre 2013 : Lors d’une soirée lyrique, le premier coup de cœur est pour la salle d’opéra dans laquelle nous pénétrons dans un silence de fascination. Une fois passé l’escalier monumental les portes s’ouvrent sur le temple, lieu de passions exacerbées. Car aimer l’opéra réserve quelques moments inoubliables lors de la découverte de ces trésors architecturaux dont la richesse ornementale éblouit.  

Ces temples lyriques sont d’une exceptionnelle beauté et d’une architecture unique. Pour s’en convaincre, un livre richement illustré - "Les plus beaux Opéras du monde" - nous les fait découvrir. 
Le photographe Guillaume de Laubier a passé des mois à réaliser ce magnifique reportage dans ces lieux mythiques. On imagine ses angoisses passées et les contraintes d’une telle aventure. Le temps des négociations, les voyages interminables, les heures d’attente pour accéder à l’espace, la préparation des plans inédits, le stress des prises de vue minutées et accordées entre les répétitions et les représentations, mais "tout est oublié à l’instant où se dévoile la belle désirée" dit-il.

Olga Peretyatko

Radieuse étoile montante

31 octobre 2013 : La soprano russe Olga Peretyatko est impressionnante de virtuosité et de grâce innée. Son récital "Arabesque" paru en septembre chez Sony est une nouvelle démonstration de son talent et créé l’enchantement. 
Son chant éblouissant, son timbre fruité et son aisance technique emportent tout. C’est gracieux, c’est plein de fraîcheur désarmante, c’est enjoué et la ravissante soprano irradie dans les rôles les plus périlleux de son programme mêlant Mozart, Bellini, Rossini, Verdi, Gounod, Bizet et Johann Strauss. Son interprétation d’Elvira des Puritains parée de la séduction jubilatoire de ses aigus est quasi céleste.

La Fanciulla del West au Staatsoper de Vienne

American beauty

Nina Stemme et Jonas Kaufmann
©Espace Lyrique
20 octobre 2013 : La nouvelle production de La Fanciulla del West de Giacomo Puccini vient de triompher à Vienne, après 25 ans d’absence et 100 ans après son entrée au répertoire de l’opéra autrichien.
Nina Stemme et Jonas Kaufmann sont les éblouissants interprètes de cette œuvre forte d’une grande richesse harmonique. Ils illuminent la soirée par leur splendeur vocale et leur engagement dramatique. 
En réunissant l’une des plus belles distributions actuelles, la nouvelle production confiée à Marco Arturo Marelli redonne vie et âme à l’œuvre la plus méconnue et la moins jouée de Puccini. Après des années d’exclusion des maisons lyriques, on redécouvre les qualités musicales incontestables de l’une des plus belles compositions du Maestro. Alternant lyrisme délicat et éclat orchestral, cette structure musicale moderne dégage une puissance qui réserve de grands moments d’émotion.

Exposition Verdi à Paris

La force d’un destin

Giuseppe Verdi, pastel de Giovanni Boldini (1886)
sur l’affiche de l’exposition
10 octobre 2013 : Jour de naissance de Giuseppe Verdi (1813-1901). 
A l’occasion de ce bicentenaire une exposition lui est consacrée à Paris dans le décor somptueux d’un hôtel particulier érigé sous Napoléon III (*).
L'exposition retrace la vie du musicien selon la chronologie de ses œuvres avec des documents historiques et des correspondances passionnantes jamais traduites jusqu'à maintenant. Mais aussi des livrets annotés de sa main, des costumes de scène et des reproductions d'affiches. 
Tout pour éclairer sur la personnalité du compositeur, le plus émouvant étant pour moi les murs de citations du maestro qui illustrent son rapport à la création, sa manière de vivre et ses liens avec sa terre natale. Entre les lignes émerge une forte personnalité avec un caractère fougueux et velléitaire mais aussi du cœur. Quelques objets personnels nous plongent dans la réalité de l’Histoire, comme son chapeau haut de forme et son écharpe blanche illustrés dans le célèbre portrait de Giovanni Boldini.

Le nom de Verdi restera fortement associé à l'histoire de l’opéra jusqu'à la nuit des temps. En cette année de célébration, on réalise à quel point son œuvre est universelle et vibre plus que jamais dans le cœur du public. Il a apporté une telle intensité à la musique qu’elle étourdit toujours autant plus de cent ans après sa mort. Nous emporter au cœur des passions humaines, tels étaient sa loi et son art.

Eugène Onéguine au MET

L’âme russe mise à nu
 
Anna Netrebko (Tatiana) et Mariusz Kwiecien (Onéguine)
7 octobre 2013 : La saison du Metropolitan Opera de New York a ouvert sur une superbe nouvelle production d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski. 
Une musique bouleversante, une distribution magnifique et une mise en scène ciselée pour cette grande tragédie romantique de la Russie à la fin du XIXe siècle, inspirée du roman de Pouchkine. 
Sous nos yeux, les destins s’entrelacent douloureusement, créant une tension dramatique immédiate. Car cette production enchante par la qualité du chant mais aussi par une direction d’acteurs rarement égalée. Totalement investis dans leurs personnages, Anna Netrebko, Mariusz Kwiecien et Piotr Beczala sont stupéfiants d’intensité et d’émotion.

Les tableaux d’une beauté absolue sortis d’une œuvre d’Anton Tchekhov s’enchaînent dans une admirable fluidité. Elégance des décors réalistes, lumières somptueuses et superbes costumes d’époque, la mise en scène de Deborah Warner captive par sa poésie et sa sensibilité. La direction musicale de Valery Gergiev introduit une dimension à la fois subtile et tourmentée. 

Lucia di Lammermoor à l'ONP

Sonya Yoncheva à l’assaut de Bastille et de ses décors

Sonya Yoncheva  ©Javier del Real
30 septembre 2013 : Pour sa première apparition à l’Opéra de Paris, Sonya Yoncheva a littéralement enflammé le public dans le rôle-titre de Lucia di Lammermoor, l’une des œuvres les plus inspirées de Donizetti. 
La jeune soprano bulgare au timbre aussi pulpeux que sa silhouette nous a réjouis tout au long de cette partition si difficile. Ses moyens vocaux paraissent inépuisables et cette voix généreuse enveloppe chaque spectateur dans l’espace infini de Bastille. Armée de son timbre fruité, de sa virtuosité et de son aisance, Sonya Yoncheva a confirmé quelle grande artiste elle est déjà. Sa performance a été saluée par de longues ovations après "Regnava nel silenzio" du premier acte et après le fameux "Air de la folie".

©ONP
Et comble de bonheur, l’Edgardo bien-aimé de Lucia était musicalement à sa hauteur. Le jeune ténor américain Michael Fabiano a été révélé au public parisien qui a découvert cette voix puissante projetée magnifiquement. Grâce à son intensité dramatique et sa vigueur vocale, il nous a offert une émouvante scène finale particulièrement réussie (une graine de star-ténor en germination qui m’a fait penser aux timides débuts d’un Jonas Kaufmann). Le couple apparaît scéniquement comme une évidence et on n’avait pas vu un public aussi enchanté et enthousiaste à Bastille depuis bien longtemps.


"The Verdi Album" de Jonas Kaufmann

Les déchirements de la passion d’un Opéra Roc

Photo © Gregor Huhenberg / Sony
23 septembre : Deux albums en moins d’un mois et deux coups de cœur pour Jonas Kaufmann, immense artiste qui continue de focaliser tous les regards ou plutôt tous les cœurs vers lui. Je l’ai souvent écrit sur ce blog, Jonas Kaufmann est un ténor de génie. Technique vocale impressionnante, incarnation dramatique stupéfiante de sensibilité et de justesse, puissance émotionnelle de son timbre de bronze et art des nuances, il a toutes les qualités pour toucher le spectateur au cœur.

Personnalité forte et intuitive, ce ténor a inventé une modernité sensible et raffinée du jeu de scène. Imprégné de l’intériorité du rôle et du plaisir de créer, il dessine son personnage comme une évidence. Quand il apparaît sur scène, la tension dramatique monte d’un cran et dans "The Verdi Album", les déchirements de la passion sont à leur paroxysme. C’est un coup au cœur et à l’estomac !

The Giacomo Variations

Mozart, Casanova, Malkovich et Kaufmann

John Malkovich et Jonas Kaufmann sur le tournage
de "The Giacomo Variations" à Lisbonne
14 septembre 2013: Le spectacle "The Giacomo Variations" fait l’objet d’une version cinématographique en tournage au Portugal. Mise en scène par Michael Sturminger, la pièce de théâtre musicale fût créée à Vienne en 2011. 
John Malkovich endosse le costume de Giacomo Casanova dans ce spectacle inspiré de sa biographie et des trois opéras que Mozart a consacrés à l’illustre séducteur.

Pourquoi un tel intérêt sur ce blog ? Tout d’abord, le film ne se résume pas à évoquer la vie de Casanova mais il est enrichi de scènes d’opéra conçus par Mozart et Da Ponte : Les Noces de Figaro, Cosi fan tutte et bien évidemment Don Giovanni. Mais aussi, parce que quelques chanteurs d’opéra ont rejoint le casting, parmi lesquels Jonas Kaufmann, ce qui donne un relief tout particulier à l’ensemble, d’autant plus que le film sera présenté au Festival de Cannes en 2014 !

Lucia sans Lammermoor

Grève à l’Opéra national de Paris

Une récente version concert à l’Opéra de Paris en juin 2011
Otello de Verdi avec Renée Fleming et Aleksandrs Antonenko

11 septembre 2013 : Comme beaucoup, je me réjouissais d’avance de découvrir la délicieuse et talentueuse Sonya Yoncheva dans sa prise de rôle de Lucia et sa première apparition à l’Opéra de Paris. Mais hier soir, aucune chance de découvrir la deuxième distribution de Lucia di Lammermoor de Donizetti dans le mise en scène d’Andrei Serban. Pour son premier contrat avec l’ONP, la jeune soprano aura vécu son baptême de feu dans les turbulences de cette spécialité française.

Les spectateurs ont été confrontés à la rituelle alternative de la version concert "à la suite de préavis de grève déposés par les syndicats SUD et FSU, l’Opéra national de Paris, et de la CGT au niveau national". Cette information ayant été communiquée par email deux heures avant le lever le rideau et par SMS à 19H23 - soit 7 mn avant - les artistes et le public sont les perdants de cette soirée.

Don Carlo au festival de Salzbourg

Les voix humaines


Jonas Kaufmann (Don Carlo) et Anja Harteros
(Elisabeth de Valois)
18 août 2013: Avec Don Carlo, Verdi s’appuie plus que jamais sur le pouvoir émotionnel de la voix humaine. En confiant à Jonas Kaufmann et Anja Harteros, les rôles de Don Carlo et Elisabeth, le festival de Salzbourg ne pouvait pas nous proposer mieux. Quel autre couple lyrique pourrait nous emporter avec autant de justesse et d’intensité dans les affres d’un amour condamné par la raison d’état ? Beauté du timbre, amplitude de la voix, intelligence musicale et engagement scénique illuminent leurs duos d’amour déchirants. Les deux excellents chanteurs-tragédiens nous font entrer dans leur univers et l’on frémit de leur tsunami émotionnel magnifiquement incarné. 

Œuvre profonde et tellurique, l’histoire raconte les retentissements d’un amour interdit partagé par l’infant Don Carlo et la reine Elisabeth de Valois sur fond de puissants intérêts politiques et religieux. La musique de Verdi exprime ce destin tragique en marche dans une œuvre forte dont l’univers mélodique est totalement en phase avec les tourments des protagonistes. Au fil des actes, l’histoire est de plus en plus sombre, les personnages de plus en plus torturés et le public de plus en plus fasciné par cette beauté tragique. 

Guillaume Tell à Pesaro

Bellissime Marathon man

13 août 2013 : Pour ce Guillaume Tell tant attendu, comme j’aurais aimé être dans la salle de l’Adriatic Arena de Pesaro ! En effet, j’ai dû me "contenter" de la diffusion radio d’une qualité technique assez médiocre, mais qu’importe. Car aux dernières mesures de l’œuvre ultime de Rossini, je me dis que parfois l’art lyrique rivalise avec les compétitions sportives de haut niveau. 
Même si certains estiment que Juan Diego Flórez n’a pas la voix héroïque qui "convienne" à ce monument lyrique, on ne pourra pas lui reprocher d’être monté sur le ring, avec courage et préparation. Ou plutôt d’avoir chanté ce marathon musical de cinq heures en gardant suffisamment de vaillance pour projeter les aigus somptueux de son "Asile héréditaire" après quatre longues heures de spectacle. En pleine possession de ses moyens "héroïques", le ténor péruvien a pleinement réussi son entrée dans le rôle athlétique d’Arnold. Assurance technique, aigus vertigineux, magie du timbre, phrasé miraculeux et prononciation du français quasi parfaite : tout ce qu’on aime chez le ténor et qui lui a permis de dominer cette représentation.

Pour ce Rossini Opera Festival de Pesaro, l’ouvrage était représenté dans son intégralité avec les divertissements dansés, une fresque musicale de cinq heures enchaînant de grands moments de bravoure ponctués de quelques accents romanesques liés à l’intrigue amoureuse. Après des années consacrées aux exubérances rythmiques du bel canto, Rossini compose sa dernière œuvre sur une note dramatique. Guillaume Tell retrace l’épisode marquant de l’histoire de la Suisse se libérant du joug de l’occupation autrichienne. Les idéaux de liberté et de patriotisme deviennent le moteur essentiel de l’action, laissant au second plan la romance d’Arnold et Mathilde.

Festival Rossini de Pesaro 2013

La "Rossini Renaissance"

Teatro Rossini de Pesaro
11 août 2013: Ce soir, Première de Guillaume Tell, l’opéra le plus attendu du Festival  Rossini. L'Orchestre du Théâtre communal de Bologne dirigé par Michele Mariotti fera revivre cet ouvrage qui revient à Pesaro après 18 ans d’absence. 
La nouvelle production est confiée à Graham Vick qui qualifie l’ouvrage de véritable "Everest lyrique".
Et dans le rôle himalayen d’Arnold, nul doute que le ténor péruvien Juan Diego Flórez saura négocier l'une des plus terribles partitions du répertoire du XIXe siècle et ses sept redoutables contre-ut concluant la cabalette "Asile héréditaire". L’opéra sera diffusé en direct sur rai radio3.

Pesaro est à Rossini ce que Bayreuth est à Wagner. Un temple consacré au génie d’un seul compositeur. Avec toutefois une différence, Gioacchino Rossini est né dans cette ville, le 29 février 1792. Ce jour de naissance l’amusait beaucoup car il fêta ses "dix neuf ans !" en 1868, quelques mois avant sa mort. Il ne savait pas qu’il mourrait un vendredi 13 !

Rossini composera près de 40 œuvres lyriques entre 18 à 37 ans. Guillaume Tell est son dernier opéra auquel succéderont 40 années de silence car le musicien n’écrira plus un seul opéra jusqu'à sa mort. N’ayant pas de descendance, Rossini lègue sa fortune considérable à la ville de Pesaro. Après sa mort en 1868, ses œuvres sont peu à peu chassées de l’affiche des maisons d’opéras avec l’arrivée des romantiques, de Wagner et des Français. Seuls Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger, Semiramide et La Cenerentola sont régulièrement programmés. La création du Festival d'opéra de Rossini en 1980 sera l’événement fondateur de la "Rossini Renaissance". Chaque année, musiciens et interprètes tentent de faire revivre les opéras oubliés du Maestro et l’art du bel canto.

Juan Diego Flórez

Le Rossini Bel Cantor
Juan Diego Flórez ©Decca/Uli Weber

5 août 2013 : "Phénoménal, prodigieux, pyrotechnique, irrésistible" sont quelques uns des qualificatifs qui auréolent Juan Diego Flórez lors de ses apparitions. Sur scène, le plus talentueux ténor de bel canto actuel chante avec le regard doux et concentré, le geste élégant et le corps puissamment enraciné dans le sol. Et d’entrée, il éblouit par l’énergie, la grâce, l’intensité et la poésie de son chant. 

L’alchimie de la beauté radieuse de son timbre et de la splendeur de ses aigus est absolument unique et éveille une réelle émotion artistique. Sans que nous en ayons pleinement conscience, la perfection de son chant fait naître une sensation inédite, celle du contact avec la beauté pure. Submergé par une douceur à faire fondre la banquise, le souffle est suspendu dans une parcelle d'éternité. Le moelleux de sa voix se savoure, et enivre.  

Le 11 août prochain, dans le cadre du festival Rossini de Pesaro, Juan Diego Flórez se coulera dans les habits d’Arnold de Guillaume Tell. Un nouveau rôle pour enrichir son chant dans une œuvre grandiose. Un tour de force de près de cinq heures afin d’assurer techniquement cette écriture redoutable qui nécessite une élasticité diabolique de la voix.

Cycle de musique du Louvre

Une saison avec le Metropolitan Opera

29 juillet 2013: Depuis 2008, le Louvre organise des retransmissions d’opéra en direct ou d’archives dans son auditorium. Ce cycle a été inauguré avec la soirée d’ouverture de la Scala de Milan le 7 décembre et c’était la première retransmission live du temple de l’art lyrique. Don Carlo de Verdi dirigé par Daniel Barenboïm était retransmis dans l’Auditorium du Louvre, et sur Arte. 
Cette soirée fût le prélude à d’autres partenariats annuels: l’Opéra de Paris, l’Opéra de Vienne, le Royal Opera House de Londres et cette année le Metropolitan Opera de New York.

Depuis la Première numérique du Met en 2006, un vent nouveau souffle sur les institutions de l’art lyrique pressées par la nécessité économique de toucher d’autres publics. Les progrès technologiques les y ont incitées et l’opéra en direct au cinéma ou sur le net est devenu presque banal. Tous ces vecteurs de diffusion grand public jouent un rôle décisif dans l’approche de l’art lyrique et en démultiplie l’audience. En quittant notre loge de velours rouge la tête dans les étoiles, nous pouvons désormais espérer la sortie d’un DVD pour revivre ces instants magiques.

Diana Damrau

Lady D, reine de la nuit

Diana Damrau ©Tanja Niemann
23 juillet 2013: La soprano allemande Diana Damrau vient de chanter Lucia di Lammermoor à Munich en version concert, avec le ténor maltais Joseph Calleja à ses côtés. Depuis 2008 à New York -sa première fois au Metropolitan Opera-, l’un des plus grands sopranos actuels interprète ce rôle avec maîtrise et conviction. 
Le 10 juillet dernier, deux minutes d’applaudissements enthousiastes ont salué sa somptuosité vocale dans le fameux air de la folie.

Un timbre irradiant de séduction
J’adore cette cantatrice aussi lumineuse que son chant. La diva au regard pastille de menthe est une personnalité dont la bonne humeur et le plaisir de chanter inspirent un ravissement instantané. Son pianissimo aérien suivi d’une attaque dramatique des notes suraiguës provoque un coup au cœur imprégné d’une belle émotion. Diana Damrau est une colorature qui s’épanouit en Reine de la nuit - le supplice vocale des sopranos - grâce à ses prouesses pyrotechniques. Epanouie est d’ailleurs le mot qui lui convient bien sur tous les plans.

Robert Carsen, Metteur en scène

Chercheur d’art

Robert Carsen lors d'une répétition de Don Giovanni
 à La Scala de Milan en 2011 - AFP/Teatro alla Scala
16 juillet 2013: Il est des metteurs en scène dont le nom suffit à aiguiser notre curiosité et notre envie d’aller à l’opéra. C’est l'atout du Canadien Robert Carsen qui réussit à faire l’unanimité sur ses créations auprès des mélomanes. Il s’est imposé par l’inventivité et l’intelligence de ses productions dont la scénographie et l’atmosphère sont immédiatement reconnaissables.

Rigoletto de Verdi, sa dernière production 
présentée à Aix-en-Provence en 2013 ©Patrick Berger
Son actualité au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence où il revient pour présenter son premier Rigoletto me permet d’évoquer son art de la mise en scène. 
Les réminiscences de l’efficacité et de la beauté plastique de ses productions sont inscrites dans ma mémoire émotionnelle. 
Les créations de Robert Carsen sont à la fois magiques et délicieusement reposantes. C’est une libération hormonale de dopamine qui envahit le spectateur car le grand art rend intelligent et heureux.



Jonas Kaufmann

Le ténor de l’île déserte

10 juillet 2013: le ténor Jonas Kaufmann a 44 ans, la plus belle voix au monde, des qualités rares, une approche à la fois intelligente et instinctive de son art et un charisme inné. 

Après vingt d’ans de tissage prudent de sa carrière, il est le ténor le plus aimé et le plus demandé actuellement. Timbre envoûtant, aigus à se damner, pianissimo évanescent, le souffle, la ligne de chant, les nuances, en l’écoutant on ne cesse de s’émerveiller.

Mais sa grande force réside dans son engagement sur scène qui donne le frisson grâce à l’implication de tout son corps et de tout son être. Sa nature passionnée mais rigoureusement disciplinée produit l’effet d’une spontanéité bien assise sur une technique sûre et le hisse au sommet de la profession.

Pour moi, le grand choc initiatique se produit au 20e rang de Bastille en janvier 2010. Werther revivait la tragédie du passé et un grand chanteur d'opéra naissait devant nos yeux provoquant le choc dont on ne veut pas se remettre.

Opéra pour tous

L’opéra dans un fauteuil, sans les jumelles


 Photo © Opéra de Paris
6 juillet 2013
Les retransmissions en direct d’opéra en salle de cinéma affichent des records de fréquentation d’année en année. Sans remplacer la véritable émotion des voix sublimées par l’acoustique exceptionnelle des théâtres lyriques, cette alternative séduit un large public curieux de découvrir le répertoire, à moindre coût.
"Désormais si on ne va pas à l'Opéra de Paris, l'Opéra de Paris viendra à vous", tel est le parti pris de son Directeur Nicolas Joel qui a renouvelé l'accord avec UGC pour projeter en direct cinq opéras de la saison 2013-2014 dans le cadre de Viva l'Opéra ! 
Après New York et Londres, l'Opéra de Paris adhère à ces nouvelles possibilités de faire connaître l’art lyrique au plus large public possible.

La programmation de la nouvelle saison est très excitante. Le public découvrira trois des huit nouvelles productions : Aïda de Verdi confiée à Olivier Py et son univers sombre, les Puritains de Bellini signée Laurent Pelly avec un séduisant casting, Traviata et le retour à la mise en scène de Benoît Jacquot. Ajouté à cela, deux productions ayant déjà connu de beaux succès : La Fanciulla del West de Puccini sortie de l’imaginaire hollywoodien de Nikolaus Lehnhoff et Tristan et Isolde revisitée par Peter Sellars et Bill Viola.

Ardent Trouvère

Le feu sans artifices

Le Trouvère - Jonas Kaufmann et Anja Harteros
1 juillet 2013: Avec ses moments de pure gloire vocale, l'événement du festival d’opéra de Munich est bien Le Trouvère, de Giuseppe Verdi.
La diffusion de la Première du 27 juin sur la Radio Bavaroise a permis de découvrir l’incandescence lyrique de la nouvelle production.
C’est là qu’on attendait le premier Manrico de Jonas Kaufmann et le souffle verdien du couple qu’il forme avec Anja HarterosComme toujours, l’immédiateté de la séduction du timbre auquel le ténor allemand ajoute l’aigu brillant et le céleste pianissimo résonne comme une évidence. Et Anja Harteros incarne une divine Leonora de grande intensité. Tous deux insufflent ardeur et désespoir à leurs personnages, sans pathos démesuré. Une longue ovation et des grondements de pieds ont salué la performance inoubliable de ce duo mythique en devenir. 

Avec de tels interprètes, le pouvoir de la musique relègue au second plan cette histoire indigeste, succession de bourdes et loi du talion causant bien du tracas à tous les personnages. Le drame se joue dans l’Espagne du XVe siècle. Le Comte de la Luna et Manrico vont s’affronter jusqu'au funeste dénouement de dernière minute où ils apprendront qu’ils sont frères.

Festival d'Opéra de Munich

Le modèle allemand

Duel Verdi - Wagner pour le Festival d'Opéra de Munich
©Wilfried Hösl / Bayerische Staatsoper
28 juin 2013: Il n’y a rien d’incontournable pour le Bayerische Staatsoper de Munich, comme proposer une des programmations les plus éblouissantes avec une luxueuse kyrielle de grandes voix, qui se trouvent être allemandes pour la plupart. 
L’édition 2013 du Festival d’Opéra se déroule du 27 juin au 31 juillet, avec plus de quinze opéras de Giuseppe Verdi et Richard Wagner
Avec Bayreuth et Salzbourg à deux pas, Munich ferme le triangle d’or des festivals d’été où la programmation et le niveau de chant ont peu d’équivalent.
Célébrant le bicentenaire de la naissance des deux compositeurs, ce festival de "Poids lourds" est illustré en clin d’œil par une communication percutante jouant sur le second degré, le couple Verdi - Wagner s’affrontant dans un combat de boxe se terminant à égalité mais à terre !

Le Trouvère, à première vue

Welcome to the darkness

La photo du Trouvère, objet de la fureur des internautes
©Wilfried Hösl/Bayerische Staatsoper
26 juin 2013: "Bienvenue dans l’obscurité" a titré le metteur en scène Olivier Py dans l'édito du journal du Bayerische Staatsoper de Munich pour présenter sa conception du Trouvère qui se jouera demain soir.
Noir présage car, à l’heure des dernières répétitions, la nouvelle production fait l’objet de sombres attaques véhémentes sur la page Facebook de l’Opéra.

©Wilfried Höst /Bayerische Staatsoper
En effet, dès la parution des premières images de la production, de vives contestations et insultes ont rempli progressivement la page. A côté des heureux impatients de découvrir la diffusion en streaming du 5 juillet prochain, de nombreux commentaires négatifs ont rapidement brouillé les échanges.
Cela a commencé par quelques remarques innocentes et habituelles du genre "les costumes sont laids" ou "la mise en scène est inappropriée". Mais peu à peu, plus de 200 discussions ont dérapé vers l’agressivité et la colère, l’administration de l’Opéra ayant été la première cible. Ensuite, l'attaque directe des artistes étiquetés "malades mentaux" s'est amplifiée jusqu'à des accusations de "méthodes nazies". Après une leçon d’éthique, l’Opéra Bavarois s’est vu contraint de clore les discussions sur Facebook, pour la première fois de son histoire !