La Damnation de Faust de Berlioz à Bastille

Faust facture

Jonas Kaufmann et Sophie Koch
© Opéra national de Paris
29 décembre 2015 : Pour Hector Berlioz, le Doktor assoiffé de vie et d’action est devenu un homme à la recherche désespérée du sens de la vie, envahi par le mal de vivre. 
"Légende dramatique", La Damnation de Faust n’est pas un opéra mais une forme d’oratorio conçue pour le concert. D’où une intrigue décousue et de nombreuses scènes brèves qui constituent un défi pour les re-présenter, entendre: présenter à nouveau ce mythe faustien avec une créativité qui oblige à repenser la portée de l’ouvrage.

Alvis Hermanis, le maître d’œuvre de cette ambitieuse production ne s’en tient pas à imaginer la figure contemporaine de Faust, il s’aventure dans le sillage de Mars, une planète comme seul refuge pour fuir la catastrophe écologique.
Premier volet d’un cycle Berlioz dirigé par Philippe Jordan, cette Damnation devait être le spectacle-événement de la saison ; il le restera par la déception liée à sa mise en scène qui brasse toutes sortes de registres sans parvenir à convaincre. Une accumulation asphyxiante d’éléments de scénographie et un manque d’intérêt réservé aux chanteurs qui ont définitivement allumé le feu dans Bastille. 
Musicalement, pas besoin d’aller sur Mars, les étoiles sont sur scène et dans la fosse. D’autant plus que c’était le retour de grandes voix après des années d’absence sur la scène parisienne. Impressionnant Faust de Jonas Kaufmann dont "l’invocation à la nature" est un moment rare. Lunettes de professeur d’université sur le nez, le ténor chante avec une classe folle. Son génie des nuances, cette intensité du chant et cette poésie d’incarnation ont construit son succès planétaire. Bryn Terfel imposant de stature et de voix, est en grande forme, et Sophie Koch très émouvante en dépit de l’environnement incongru.

Spécial Cadeaux de Noël

Best of des cadeaux lyriques 2015
Le froid et la neige ne sont pas de retour mais la quête de la bonne idée cadeau de Noël se poursuit pour certains d’entre nous. 
Sous le sapin d’Espace Lyrique, vous trouverez de quoi faire plaisir à votre famille : pas encombrants, ni standardisés, ni pratiques, ni high-tech mais des cadeaux adaptés à leur personnalité et tout simplement… lyriques !

Qu’ils soient mélomanes avertis ou non, découvrez ces quelques suggestions de cadeaux pour vos parents, votre moitié, vos frères et sœurs, vos enfants et vos amis. 
Et afin de passer personnellement un Noël paisible, je signale à ma famille et à mes amis, que ces portraits sont purement fictifs et que "toute ressemblance avec des personnes existant serait purement fortuite".

"Le Château de Barbe-Bleue" et "La Voix humaine" à l'Opéra Garnier

Les larmes qui encadrent l’existence

Barbara Hannigan (Elle) © Bernd Uhlig

1 décembre 2015: Après Moïse et Aaron, l’Opéra de Paris poursuit sa quête de modernité dans de nouvelles productions qui fascinent grâce au travail abouti et puissant de leurs metteurs en scène. 
Tragédies lyriques en images fortes du Château de Barbe-Bleue  et de La Voix humaine pour lesquelles Krzysztof Warlikowski réussit à rassembler deux univers dans son théâtre étrange et captivant. Un goût pour le fantastique et les larmes déclinés dans deux opéras courts du XXe siècle, Béla Bartók et Francis Poulenc réunis par un fil conducteur : la face sombre et dévastatrice de la passion. 

Bartók connaissait le poids des douleurs. À propos du Château de Barbe-Bleue, il dira : "Au fond nous faisons notre entrée dans le monde avec des larmes et nous en sortons avec des larmes. Elles encadrent notre existence…".
Images poétiques et glaçantes comme deux facettes d’un polar dans une esthétique d’art déco des années 30. Et un tour de force artistique par la fusion accomplie de la musique et du théâtre. 
La musique de Bartók est comme un volcan en éruption qui déverse sa puissance aux sonorités expressionnistes. Celle de Poulenc est un monologue lyrique d’une intensité absolue. Et l’omniprésence de trois voix humaines et à la hauteur : Barbara Hannigan, Ekaterina Gubanova et John Relyea

Juan Diego Flórez - Philharmonie de Paris

Actualité et nouveaux horizons

Juan Diego Florez - Philharmonie de Paris - 20 Novembre 2015
30 novembre 2015: Et si Juan Diego Flórez était tout simplement le meilleur ténor du monde ? C’est de toute évidence l’un des artistes les plus impressionnants de sa génération, fascinant de facilités vocales et de séduction d’un timbre reconnaissable entre tous. Impact imparable d’un travail technique de titan. 
Il suffit d’une nouvelle soirée de concert avec lui pour retrouver tout ce qui alimente notre admiration. Plaisir immédiat de rentrer dans une bulle de plénitude car c’est une invitation à tout oublier que nous a proposé le ténor péruvien. 
Juan Diego Flórez était en concert à la Philharmonie de Paris le 20 novembre dernier, un exercice dans lequel il excelle et qui rend son public totalement dingo. Pour ce retour parisien, le ténor a concocté un programme original, des pages de ses compositeurs fétiches voisinant des mélodies populaires et des chants tristes. De la Tarentelle de Rossini, à O sole mio, Parlami d’amore ou Arrivederci Roma mais aussi Duparc, Mozart et Donizetti, accompagné du fidèle Vincenzo Scalera au piano.
Couleurs musicales pétillantes après l'entracte : Juan Diego Florez est escorté d’Avi Avital, orfèvre de la mandoline, Ksenija Sidorova à l’accordéon, et Samuel Domergue aux percussions.

Aïda de Verdi - CD référence

En plein dans le Nil !


5 novembre 2015 : Encensé avant d’être découvert, ce sublime enregistrement d’Aïda de Verdi a multiplié en un mois critiques élogieuses et récompenses étoilées avant de caracoler en tête des ventes dans tous les pays.

Cela arrive rarement à l’écoute d’un CD, mais avoir le cœur qui bat comme si l’on était en salle, c’est une performance qui mérite d’être soulignée !


Moïse et Aaron à l'Opéra Bastille

L'un pense et l'autre parle
Aaron & Moïse (© Bernd Uhlig / Opéra de Paris


23 octobre 2015 : Le soir de la première de Moïse et Aaron, une ovation méritée couronnait Philippe Jordan entouré de la centaine de choristes de l’Opéra de Paris, tous ayant réussi à faire passer la pure beauté du son et la puissance du texte de l’ouvrage d'Arnold Schoenberg, pourtant réputé si difficile d’accès. 

Première nouvelle production de la saison programmée par son nouveau directeur Stéphane Lissner et débuts de Romeo Castelluci à Paris. Beaucoup de rumeurs et une grande attente.
Première pour moi également, influencée par le pragmatisme des analystes de cette musique avec les mots "dodécaphonique" ou "atonalité". Des mots qui ont de quoi inquiéter les non-théoriciens de la musique, plutôt adeptes du lyrisme échevelé. Un malentendu vite balayé par la puissance dramatique prodigieuse de l’œuvre. 
Avec cette production, il faut lâcher la raison et accepter de se laisser envahir par une troublante sensation. Et abdiquer sur le moment de toute tentative d’interprétation et de toute référence à son vécu musical pour sentir monter l’émotion dans l’immersion du spectacle: la musique, la partition chorale, la force du texte, sa résonance dans l’actualité comme dans notre spiritualité, le théâtre et ses images-émotions.

A propos de la forte théâtralité de l’ouvrage, Stéphane Lissner disait récemment "Elle ne vient pas seulement des personnages, mais aussi de cette osmose incroyable entre la difficulté de ce qui est demandé au chœur et de ce qui est demandé à l'orchestre. Cela a un impact physique très étrange sur le public, qui, sans la comprendre forcément, se retrouve fasciné et bouleversé par cette partition extraordinaire, où les deux formations essaient de passer l'obstacle.". C’est aussi cela.

Orphée et Eurydice de Gluck à Londres

Humain et mythique


27 septembre 2015 : "Eloignez-vous, ce lieu convient à ma douleur", la douce plainte d’Orphée nous accompagne longtemps après le spectacle. Tout le monde connaît son histoire qui incarne l’un des plus beaux mythes : celui de l’amour absolu, que même la mort ne peut détruire. Orphée et Eurydice est une œuvre sublime de Gluck et cette nouvelle production du Royal Opera House est un moment divin où la musique, le chant et la danse retrouvent l’art de la communion avec le public.
Orphée est ce musicien dont l’art atteint une telle perfection qu’il charme autant les hommes, les animaux que les dieux. Coïncidence troublante, celui qui parviendra à faire pleurer les pierres, fléchir les cœurs les plus endurcis et émouvoir les dieux, ce soir c'est Juan Diego Florez
Vocalement éblouissant, l’artiste dévoile des talents dramatiques que les facéties du bel canto ne lui avaient pas permis d’explorer. Plaisir du cœur car, en plus du galbe de la voix et de la caresse du timbre, le ténor est habité de l’émotion du désespoir. Virtuosité et musicalité confondantes, chair et humanité d’une voix qui se fait douleur, éveil à une nouvelle sensibilité pour ce premier rôle tragique et un tournant dans sa carrière. 

Une journée avec Jonas Kaufmann

"Nessun dorma, The Puccini Album"

12 septembre 2015 : la journée d’hier s’annonçait bien, un entretien réalisé entre deux Fidelio à Salzbourg était le fil rouge d’une journée entière consacrée à Jonas Kaufmann sur France Musique et dès l’aube, on pouvait acquérir son nouvel album.
C’est cliniquement démontré, la voix du ténor est recommandée pour le bien-être et l’harmonie car cette espace réservé fut un long moment de pure jubilation et de profondeur. 
Jonas Kaufmann nous en apprend à chaque fois sur sa façon d’apprendre. Curiosité intellectuelle et passion de l’art, ses interviews sont toujours érudites et tranchent superbement avec la banalité habituelle. On adore sa façon de dessiner les contours de ses personnages avant toute prise de rôle, propos fondateurs de son inventivité théâtrale, lui qui se moule dans leur âme une fois sur scène. 
Et pour la nouveauté musicale, j’ose une anaphore lyrique.

Kristine Opolais

Profession : Thrilling soprano


Kristine Opolais ©Marco Borggreve
14 août 2015
Kristine Opolais vient d’être follement acclamée lors de deux productions de Manon Lescaut de Puccini. Coupée du monde mais enserrée dans les bras de Jonas Kaufmann, toute l’émotion de scène était contenue dans leurs étreintes. Un couple vocal incandescent était né. Unis dans le lyrisme à Londres, Munich, et en mars prochain dans une nouvelle production à New York.

Elle fait partie de cette génération d’interprètes qui ne séparent pas voix et théâtre et qui, en scène, s’avèrent de sidérants chanteurs-acteurs. Elle partage avec le beau Jonas la puissance pure du chant sur notre plexus solaire et la particularité d’extraire son âme pour être à la hauteur du rôle. 
Portrait d’une thrilling soprano (*) à la voix voluptueuse qui voue une passion à Puccini. Elle multiplie les incarnations de ses héroïnes où ses effusions dramatiques font des merveilles : Mimi, Cio-Cio San, Floria Tosca, Magda et Manon.


Carmen de Bizet

Don José, de Londres à Orange


Chorégies d'Orange © Philippe Gromelle
14 juillet 2015 : Dans le Théâtre Antique d’Orange, chaque année, le festival d’art lyrique captive, emporte ou divise. Le plein air lui permet de rayonner jusqu’aux gradins les plus éloignés et la nuit nous plonge dans les tourments les plus universels.
Carmen, le succès planétaire de Georges Bizet, est de retour. Jonas Kaufmann, titulaire en chef du rôle de Don José, réapparaît sur une place lyrique française après cinq ans d’absence, entraînant dans son sillage Kate Aldrich en bohémienne chic. Un couple d’amants magnifiques, superbement théâtral et musicalement accordé. 

Des huées ont accueilli la production de Louis Désiré, le public n’a pas retrouvé la tradition ronronnante de l’Espagne de carte postale. Le metteur en scène a préféré un immense jeu de cartes pour seul dépaysement. Tout est écrit, le destin est en marche et la mort plane. Il voulait des sentiments, du tragique, pas du folklore. Filmé pour l’occasion, Carmen devient intime, le drame se joue dans la relation d’un homme et d’une femme. La scénographie emprunte des chemins inattendus, privilégiant l’esthétisme et la cohérence de son parti-pris, le lyrisme plutôt que la passion. Un malentendu aux échos méprisants bien excessifs car le spectacle ne manque pas de qualités. Et Jonas Kaufmann a mis tout le monde d’accord !

Cela fait dix ans – ou presque – que ce Don José est terriblement humain, fragile et brisé face à Carmen qui reste insensible à sa déclaration d’amour fou. Lors de sa prise de rôle à Londres en 2006, le ténor bouleverse les standards et pleure à la fin de l’air de la fleur, révélant plus tard que ce n’était pas prévu mais que l’émotion était trop forte. 

Guillaume Tell de Rossini à Londres

Gerald Finley, poignant héros déraciné

© Royal Opera House / Clive Barda
10 juillet 2015 : Un enfant s’avance portant une jeune pousse d’arbre et la plante dans la terre jonchant le plateau de Covent Garden. L’arbre mort déraciné s’élève pour accueillir un nouveau cycle de vie. Image de la Suisse naturaliste qui fait des hommes proches de la nature et des vertus simples, attachés à la liberté et hostiles à la tyrannie. Un message humaniste et un moment d’émotion avant que le rideau tombe sur le final élégiaque où chœurs et interprètes se rejoignent dans une harmonie céleste.

Guillaume Tell, chef d’œuvre absolu de l’invention mélodique et rythmique de Rossini clôture la saison du Royal Opera House, après 25 ans d’absence sur cette scène. Grande ouverture, place essentielle donnée au chœur, montée en puissance du drame, l’ouvrage abonde de moments de bravoure nécessitant des voix d’envergure. 
Opéra fort, spectacle fort et réussi dans lequel Gerald Finley incarne un Guillaume Tell magistral, à la fois noble et bouleversant d’humanité. John Osborn affronte avec brio et courage les envolées stratosphériques d’Arnold et Malin Byström est une Mathilde intense. Dans la fosse, Antonio Pappano nous emporte avec passion tout au long des quatre heures de cette œuvre grandiose. Pas un seul temps mort, depuis le début jubilatoire au rythme du galop d’ouverture jusqu’au final au lyrisme puissant. 
Pour Damiano Michieletto, tous les livrets utilisés par Rossini nous parlent de la vie d’aujourd’hui et du monde actuel. Sa mise en scène parvient à créer l’ambiance humaine tangible permettant de faire vivre les personnages et les rendre crédibles et justes. (*)

Teatro alla Scala saison 2015-16

14 juin 2015 : Giovanna d’Arco de Verdi ouvrira la saison 2015-16 du Teatro alla Scala, une nouvelle production après 150 ans d’absence dans le lieu où l’opéra fût créé en 1845. Anna Netrebko incarnera l’héroïne guerrière entièrement vouée à son pays dans sa mission divine. 
Le 7 décembre n'est pas un jour ordinaire à Milan : on fête saint Ambroise, le patron de la ville, et surtout l'ouverture de la saison lyrique. Ce soir-là, tout ce que la Lombardie compte de notables, d’élus et d'élégantes afflue dans le temple du bel canto sous les crépitements des flashs. Cette année, le Maestro Riccardo Chailly est le nouveau directeur musical.
Lors de sa conférence de presse de mai, Alexander Pereira, surintendant et directeur artistique, a pointé la couleur italienne de la saison en annonçant 15 opéras avec 7 grands ouvrages du répertoire italien dont 4 de Verdi.

Parmi les nouvelles productions : I due Foscari de Verdi avec Placido Domingo, La cena delle beffe de Giordano qui resta sans lendemain après sa création en 1924 à Milan, La Fanciulla del West, nouvel opus du cycle Puccini, La Flûte enchantée de Mozart  en collaboration avec les jeunes artistes de l'Accademia Teatro alla Scala, Le Tour d'écrou de Britten, Les Noces de Figaro de Mozart pour le 225e anniversaire de sa mort, avec Diana Damrau et Marianne Crebassa, Fin de partie de György Kurtág et Porgy and Bess de George Gershwin.

Les mélodies du bonheur de Jonas Kaufmann

Concert Du bist die Welt für mich à Paris


25 mai 2015 : Au simple énoncé de son nom, les salles d’opéra se remplissent, les billetteries se vident et les sites web se bloquent les jours d’ouverture de réservation. Ce jour de mai, le Théâtre des Champs-Elysées est en effervescence car Jonas Kaufmann chante Du bist die Welt für mich, le programme de son dernier album, accompagné par l’orchestre de la radio bavaroise. C’est le dernier épisode d’une série de onze concerts européens.

Un merveilleux concert avec le talent, le charme, le swing et l’humour pour un saut cadencé dans les années folles de l’entre-deux-guerres. Le ténor a séduit dans tous les genres et cette fois, l’étoile polyvalente s’aventure dans le monde de l'opérette. Avec la même précision artistique, la même évidence et le même impact jubilatoire sur le public. C’est comme ça, Jonas Kaufmann brille de toutes ses facettes et partout où il passe, les ovations sont interminables et le public repart heureux. 

Macbeth de Verdi au TCE

Œuvre au noir
Susanna Branchini et Roberto Frontali
Lady Macbeth et Macbeth - TCE © Vincent Pontet
12 mai 2015 : Le Théâtre des Champs-Elysées présente une attachante production de Macbeth de Verdi. La mise en scène est confiée au cinéaste napolitain Mario Martone dont le parti pris est d’explorer la sombre psychologie du couple Macbeth dans leur spirale infernale meurtrière. Univers noir et sobriété dans un jeu d’ombres et de lumières pour dépeindre l’intériorité des personnages verdiens. 

L’Orchestre National de France dirigé par Daniele Gatti s’attache également à jouer les contrastes. Pas de bourrasque orchestrale mais des clairs-obscurs, des vibrations pathétiques et un expressionnisme musical dosé. Une tonalité en affinité avec l’esprit de la mise en scène. La distribution est équilibrée et presque 100% italienne.Très belle prestation des chœurs de Radio France.

Royal Opera House saison 2015-16


© ROH / Sim Canetty-Clarke

21 avril 2015 : Le Royal Opera House vient d’annoncer le programme de la saison 2015-16 avec huit nouvelles productions et un certain nombre de chanteurs et metteurs en scène pour la première fois à Londres. 
Le Chef Gianandrea Noseda fera ses débuts dans Il Trovatore, tandis que Juan Diego Flórez, Joyce DiDonato et Bryn Terfel incarneront de nouveaux rôles dans leur carrière. 
Ouverture de la saison sur une nouvelle production d'Orphée et Eurydice de Gluck avec Juan Diego Flórez. Une première scénique du ténor qui ne l’a chanté qu’en version concert en 2008 pour l'enregistrement sur le vif d’un CD. Joyce DiDonato chantera sa première Charlotte dans Werther et Bryn Terfel aura le rôle principal dans la nouvelle production de Boris Godounov. 

Wiener Staatsoper saison 2015-16

Viennoiseries pour tous


Wiener Opera on the Square
20 opéras et ballets par mois sur la place Herbert von Karajan
    
14 avril 2015 : Vienne n’a pas attendu les valses de Strauss pour être bercée par les sanglots longs des violons. Au cœur d’une ville entre toutes musicienne, l’Opéra de Vienne a valeur de symbole. Le 9 avril dernier, son Directeur Dominique Meyer a annoncé la saison 2015-16 avec ses six nouvelles productions, dont un opéra pour enfants en première mondiale.
Mais là où Vienne est unique, c’est dans la qualité régulière musicale de son répertoire, le plus étendu qui soit. Quatre siècles d’art lyrique contenus dans les 54 opéras de la saison déclinés dans près de 300 représentations. Unique au monde également, les 45 représentations en live streaming et les 20 opéras par mois sur écran géant de la place Herbert von Karajan.
Ludovic Tézier incarnera son premier Macbeth avant de rejoindre la distribution 5 étoiles de Don Carlo, Anja Harteros, René Pape, Ramon Vargas, Béatrice Uria-Monzon.
Juan Diego Flórez revient en force de janvier à mai : duc de Mantoue dans Rigoletto avec Olga Peretyatko en Gilda, Ernesto dans Don Pasquale avec Michele Pertusi dans le rôle-titre. Et on l’attend avec impatience dans Gounod et son Roméo et Juliette au côté de Marina Rebeka. Une courte apparition de Jonas Kaufmann, le temps de reformer le trio londonien de Tosca avec Angela Gheorghiu et Bryn Terfel. Et les fidèles : Anja Harteros (Arabella, Don Carlo, Le Chevalier à la Rose), Anna Netrebko (Manon Lescaut, Eugène Onéguine), Krasimira Stoyanova (Un bal masqué, Ariane et Rusalka), Elina Garanca (Werther) et Nina Stemme (Elektra). 

Cavalleria rusticana de Mascagni à Salzbourg

Un jour de Pâques en Sicile


Jonas Kaufmann (Turiddu), Liudmyla Monastyrska (Santuzza)
 Photos © Matthias Creutziger /Festival de Salzbourg
6 avril 2015 : Le Festival de Pâques de Salzbourg affichait deux représentations du diptyque apprécié des amateurs du vérisme abouti porté par une distribution remarquable : Cavalleria rusticana signé Pietro Mascagni et I Pagliacci de Ruggero Leoncavallo. Chaque partition courte, d’un acte, compose le double portrait d’un drame amoureux passionnel et tragique s’achevant dans la mort. De mon salon, je n’ai eu accès qu’au premier ouvrage d’un synchronisme temporel parfait puisque l’intrigue se déroule au moment de Pâques. 
Avec sa naïveté brute et sa force dramatique saisissante, Cavalleria rusticana est un opéra intense et désespéré dont le lyrisme vous prend à la gorge jusqu’aux dernière notes. Une tragédie sombre et pathétique ancrée dans une réalité sociale dans laquelle Jonas Kaufmann et ses partenaires subliment la charge émotionnelle engendrée par les sentiments humains exacerbés. 
Dans ce rôle d’anti-héros infortuné à fleur de peau, la performance vocale et l’investissement dramatique du ténor sont admirables. Il n’est pas le seul car l’étoffe vocale et les élans bouleversants de Luidmyla Monastyrska l’accompagnent. De longues ovations ont accueilli cette nouvelle production, à mettre également au crédit de l’harmonie parfaite régnant entre la direction de Christian Thielemann et l’inventivité scénique de Philipp Stölzl, libérant l’ouvrage du vérisme emprunté souvent caricaturé. Les couleurs et les éruptions musicales explosives de l’orchestre de Dresde parachèvent la magie de cette représentation.

Bayerische Staatsoper saison 2015-16

"Vermessen", l’esprit aventureux de Munich

25 mars 2015 : Le temps d’une conférence de presse présentant sept nouvelles productions, le Bayerische Staatsoper confirme que la qualité musicale et l’esprit aventureux ne connaissent pas d’éclipse à Munich.
Nikolaus Bachler, son surintendant, et Kirill Petrenko, son directeur musical exposent la ligne de force de la saison 2015-16 centrée sur "Vermessen", "tout ce qui nous obsède pour les nouvelles productions" explique le surintendant. On peut traduire ce mot allemand en termes techniques comme "étudier, inspecter, explorer" mais aussi avec le qualificatif "présomptueux", une démarche artistique où se mêlent ambition et confiance affirmées avec obstination. Tout ce qui fait de l’Opéra de Bavière l’un des meilleurs opéras du monde, créatif et stimulant. 

La Donna del Lago de Rossini au Met

Flórez et DiDonato mettent le feu au lac

Juan Diego Florez et Joyce DiDonato
La Donna del Lago
© Ken Howard / Met 
21 mars 2015 : Lorsque Rossini compose La Donna del Lago en 1819, il laisse derrière lui les opéras bouffes qui l’ont hissé au pinacle des jeunes compositeurs italiens. Il découvre The Lady of the Lake, le poème de Walter Scott qui lui inspire une nouvelle veine créatrice teintée de romantisme. Il n’a que 27 ans et c’est une étape importante dans son style. Une beauté singulière traverse cet opéra avec une nouvelle manière de fondre des harmonies romantiques dans son éloquence belcantiste.

Lors de la création à Naples, les interprètes durent pardonner à Rossini les vocalises et ornements en batteries qu’il avait écrit pour eux car c’étaient les meilleurs chanteurs de leur génération. L’opéra vient de faire son entrée sur la scène du Metropolitan Opera avec une distribution stellaire reconstituée : Joyce DiDonato, Juan Diego Flórez et Daniela Barcellona, trio de solistes éblouissants en symbiose, déjà ovationné à Londres, Milan et Paris. L’opéra au romantisme naissant de Rossini était retransmis dans les cinémas du monde entier le 14 mars.

Faust de Gounod à l'Opéra de Paris

Faust et usage de Faust


Faust ©Vincent Pontet /Opéra de Paris 2015
8 mars 2015 : Faust, l’homme revenu de tout et à la recherche de sensations nouvelles, revient à l’Opéra de Paris. 
Le rideau s’ouvre sur la 2663e représentation parisienne de l’ouvrage emblématique de Charles Gounod, l’opéra français par excellence, le plus joué et le plus transformé. Et parfois le plus éparpillé, comme la vision de Jean-Louis Martinoty en 2011, monumentale et fourmillante de détails distrayants qui recueillit quelques ironies médiatiques.
Jean-Romain Vesperini en conserve les odeurs de bibliothèque, de bar-cabaret, d’arbre et la proximité de l’au-delà avec un cercueil qui s’enflamme. Il propose une relecture du mythe entre réalisme et fantastique, comme si l’opéra était la dernière hallucination de Faust sous l’effet d’une substance. Les lumières de François Thouret créent une atmosphère à la fois sombre et onirique non dénuée de charme envoûtant. 
Mais ce qui rend ce spectacle somptueux, ce sont les voix. Piotr Beczala, Krassimira Stoyanova et Ildar Abdrazakov parent de brillance et d’irisation les mélodies du compositeur et les chœurs de l’Opéra de Paris donnent des frissons. Dans la fosse, Michel Plasson et son infatigable énergie à sublimer le répertoire français force l’admiration. Cette façon de façonner la force expressive de l’orchestre avec sensibilité et intelligence est un bonheur renouvelé.

Saison 2015-16 du Metropolitan Opera


28 février 2015 : Le Metropolitan Opera de New York vient d’annoncer le programme de la saison 2015-16. Six nouvelles productions, des voix envoûtantes et une nuée de grands rôles de soprano. 
Jonas Kaufmann et Kristine Opolais, inséparables dans Manon Lescaut, sous l'oeil de Richard Eyre (coproduction avec Baden-Baden). 
Sonya Yoncheva et son ascension fulgurante, dans le rôle de Desdémone et les biceps d’Aleksandrs Antonenko dans Otello qui ouvrira la saison. 
Sondra Radvanovsky incarne les trois Reines Tudor de la trilogie de Donizetti : Roberto Devereux pour la première fois à New York et produit par David McVicar, mais aussi Anna Bolena et Maria Stuarda.
Les Pêcheurs de Perles de Bizet, jamais donné à New York depuis 100 ans (avec à l'époque Enrico Caruso) avec Diana Damrau, Lulu de Berg et l’Elektra de Strauss de Patrice Chéreau avec Nina Stemme dans le rôle-titre.

Iolanta & Le Château du prince Barbe-Bleue à New-York

Ombre et lumière

Anna Netrebko (Iolanta) et Nadja Michael (Judith)

23 février 2015 : Deux opéras en un acte rarement joués, une distribution qui frise l’idéal vocal et dramatique et une mise en scène qui captive immédiatement. 

Le Metropolitan Opera invite au voyage poétique et psychanalytique avec Iolanta, l’éveil psychologique d’une princesse aveugle, l’ultime opéra de Piotr Ilitch Tchaïkovski, et Le Château du prince Barbe-Bleue, l’unique opéra de Béla Bartok, dans lequel la jeune mariée Judith veut déverrouiller sept portes pour découvrir les sombres secrets de son mari.

Enveloppée d’une esthétique de films noirs peuplés d’héroïnes hitchcockiennes, cette double production du metteur en scène polonais Mariusz Trelinski est l’une des plus fortes et troublantes de la saison new-yorkaise. Une proximité musicale audacieuse et réussie avec d’un côté, le lyrisme et le romantisme de Tchaïkovski, et de l’autre, l’écriture moderniste de Bartok soulignant chaque frisson. Anna Netrebko, Piotr Beczala, Nadja Michael et Mikhail Petrenko comblent ce spectacle d’un très haut niveau de chant et d’investissement dramatique sous la baguette de Valery Gergiev.

Saison 2015-16 à l'Opéra national de Paris

Un nouveau souffle et une pluie d’étoiles

Philippe Jordan, Stéphane Lissner et Benjamin Millepied
 © Opéra national de Paris
10 février 2015 : "On a la tête qui tourne !" constate un participant à la conférence de presse du 4 février menée par Stéphane Lissner à la tête de l’Opéra National de Paris après dix ans de Scala. Entouré de Philippe Jordan, Directeur Musical depuis 2011, et de Benjamin Millepied, fraîchement nommé Directeur de la Danse à 37 ans, le nouveau directeur imprime sa marque sur cette première saison.

"Face à la crise, il faut être offensif et produire plus"
En 2015-16, il y aura 9 nouvelles productions lyriques, 10 œuvres de répertoire et 5 récitals en compagnie des plus belles voix du monde et de metteurs en scène internationaux audacieux et inventifs. "Une politique volontarisme qui a une signification", celle de la réaction au repli sur soi si compréhensible face à la crise par "un parti-pris d’exigence pour tirer le public vers le haut". Avec 17 voix exceptionnelles qui avaient déserté ou que l’on n’avait jamais vues à Paris …et que l’on reverra chaque année, la saison renoue avec l’excellence. 

Andrea Chénier à Londres

Jonas Kaufmann, un don fait à l’opéra

26 janvier 2015 : "Même Platon a banni les poètes de sa République", cette citation de Robespierre inscrite sur le rideau du Royal Opera House peint aux couleurs du drapeau français nous prépare au sort d’André Chénier. Un poète romantique dont la pureté créatrice ne s’accommodera pas des crimes de La Terreur, ce qui le mènera à l’échafaud. 

La scène londonienne retrouve le souffle emblématique du drame historico-romantique d’Umberto Giordano grâce au lyrisme irrésistible de la musique, aux brillants interprètes et aux accents passionnés de l’orchestre dirigé par Antonio Pappano

Jonas Kaufmann illumine ce rôle mythique dont les plus grands ténors s’emparent à la maturité de leurs ressources vocales. Depuis que j’ai découvert ce ténor passionnant sur scène, je rêvais de le découvrir dans cette incarnation. La réalité est un enchantement. Ce nouveau Chénier déploie des trésors d’ardeur et de sensibilité, aussi à l’aise dans le feu de ses aigus que dans l’humanité du désespoir. La salle est aux anges. Dans cet enthousiasme du public de rôle en rôle, il n’est question ni d’idolâtrie ni d’adulation tendance mais d’une véritable expérience humaine, celle du contact avec la beauté insensée d’une voix.

Dans le rôle de Madeleine de Coigny, la flamboyante soprano néerlandaise Eva-Maria Westbroek ne manque pas de générosité ni de puissance, quelques aigus tirés sont parfois moins convaincants. Très applaudi, le puissant baryton serbe Zeljko Lucic impose son incarnation sensible et attachante dans l’éprouvant rôle de Charles Gérard.

En attendant Andrea Chénier

Le lyrisme dans tous ses états
19 janvier 2015 : Un poète mort sur l’échafaud à 32 ans au milieu de la tourmente révolutionnaire, voilà un sujet qui se prête aux embrasements lyriques. Lorsque la musique d’un lyrisme sublime fait s’enflammer cet hymne à la fraternité, à l’amour et à la mort libératrice, son effet est garanti sur les âmes sensibles. Et lorsque l’épreuve du feu incombe à Jonas Kaufmann, rare ténor capable de ferveur électrisante et d’incarnation saisissante, l’intensité devrait être à son comble.

Du 20 janvier au 6 février, le Royal Opera House de Londres présente Andrea Chénier de Umberto Giordano. La nouvelle production est confiée à David McVicar, Antonio Pappano est dans la fosse et l’aristocrate Madeleine de Coigny est interprétée par Eva-Maria Westbroek.

Meilleurs Voeux 2015


2014 fut un voyage riche en événements. Animés par la découverte de nouvelles émotions, nos chemins se rejoignent dans ces endroits merveilleux où le temps s’arrête parfois. Car, lors d’une soirée d’opéra riche en intensité, on a l’impression que la conscience du temps a disparu. Comme si le temps de l'harmonie et des émotions était un éternel présent.

Bonne année 2015 !

Petit retour sur le livre d’images 2014 dont la toute-puissance est intimement liée à la conscience d’une expérience unique.