© Christophe Pelé / Opéra national de Paris |
31 juillet 2017 : Pour ceux qui restent en ville cet été, allez voir (et entendre) cette remarquable exposition qui relate les relations particulières et passionnées qui liaient Mozart et la France: "Mozart, une passion française".
Car le compositeur le plus joué à l’Opéra Garnier a dû faire face au mépris et aux controverses de l’intelligentsia parisienne avant que son génie musical soit reconnu post mortem.
Pour exemple, dans ce temple du goût qu’est l’Opéra de Paris en 1805, un débat fait rage autour de Don Giovanni controversé car remanié pour sa création. Les adversaires du compositeur dénoncent le "tintamarre confus" de la musique allemande, et ses partisans qui, ne reconnaissant plus ses œuvres, crient au "vandalisme".
La Bibliothèque nationale de France et l’Opéra de Paris ont réuni plus de 140 pièces - certaines inédites - pour retracer les grande étapes de la reconnaissance du compositeur par le public français : manuscrits et dessins originaux, portraits d’artistes ayant croisé Mozart ou l’ayant interprété, maquettes de costumes et projets de décors pour ses opéras.
Présentation chronologique en trois actes de ces relations tumultueuses puis apaisées : les trois séjours de Mozart à Paris, l’adaptation de ses œuvres au goût français et sa consécration sur les scènes lyriques.
Mozart père, son fils et sa fille, gravure 1764 (1) |
Les trois séjours de Mozart en France
Le jeune Mozart n’a que 7 ans lorsque son père Leopold entreprend ce long voyage de 3 ans dans les cours européennes, jusqu’à la découverte de l’enfant prodige par Louis XV.
De l’éblouissement du 1er voyage aux désillusions du 3ème à l’âge de 22 ans, sa reconnaissance s’enlise dans cette Ville Lumière où les spectateurs y sont méprisants. "Ce qui m’ennuie le plus, c’est que ces idiots de Français croient que j’ai encore sept ans" écrit-il alors à son père.
Mozart adapté au goût français
Il faudra attendre 10 ans après sa mort pour redécouvrir le musicien, mais seulement après avoir adapté ses ouvrages aux goûts français. Ce 2ème volet de l’exposition est passionnant car il relate les condamnables "petits arrangements" que s’autorisent certains avec les partitions originales de Mozart pour attirer le public.
© Christophe Pelé / Opéra national de Paris |
Ainsi, la création à l’Opéra de Paris des Mystères d’Isis est une parodie de La Flûte enchantée. Pour Don Giovanni, le livret de Da Ponte est adapté par un général de brigade et la musique est réorchestrée. Au lendemain de la première, la presse cogne sur ce "barbare Mozart".
La consécration sur les scènes lyriques
Le 3ème volet de l’exposition raconte la consécration de ses opéras, sans omettre de pointer leur réception initiale, source d’amertume du compositeur.
A partir de 1830, un renversement s’accomplit, les controverses se calment, les partitions originales sont respectées et c’est désormais aux chanteurs qu’il revient de révéler la grandeur de Mozart.
Projet de décor de "Don Juan" pour l'OnP, acte IV - 1834 (2) |
Au XXe siècle, il devient l’un des compositeurs les plus populaires en France. Reconnaissance ponctuée d’entrées tardives à l’Opéra de Paris: Don Giovanni pour la première fois en italien en 1960 ou La Flûte enchantée en allemand en 1977.
Il faudra même une éclipse de près de deux siècles pour que Les Noces de Figaro reviennent à l’affiche de l’Opéra de Paris en 1973. Le nouveau directeur Rolf Liebermann rêve d’organiser une "véritable fête mozartienne" pour inaugurer son mandat.
La Chambre de la comtesse, esquisse de décor pour "Les Noces de Figaro" à l'OnP, acte III. - 1973 (3) |
La mise en scène devenue légendaire de Giorgio Strehler charme le public pendant plus de 40 ans, un modèle d’adéquation musicale et dramatique.
L’exposition se termine sur des images des récentes productions, lectures originales, surprenantes, parfois violentes de Luc Bondy, Patrice Chéreau, Michael Haneke, Christoph Marthaler, Robert Carsen, et cette année, Anne Teresa De Keersmaeker pour Cosi fan Tutte.
Seul bémol : la qualité technique médiocre de la projection sur grand écran.
Une exposition passionnante dans la Bibliothèque-musée de l’Opéra Garnier, jusqu’au 24 septembre 2017.
Un somptueux catalogue illustre en détail l’accueil en France des œuvres de Mozart, de son vivant jusqu’à nos jours.
(1) d'après un dessin de Louis Carrogis dit Carmontelle, 1764. BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra
(2) Pierre-Luc-Charles Cicéri, Crayon et sépia, 1834. BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l’Opéra
(3) Ezio Frigerio. Crayon et gouache, 1973. BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l’Opéra
(3) Ezio Frigerio. Crayon et gouache, 1973. BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l’Opéra
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