Luisa Miller de Verdi au Metropolitan Opera

Coup de coeur !

Plácido Domingo et Sonya Yoncheva ©Chris Lee / Met 

15 avril 2018 : Une belle soirée de retransmission d’opéra comme on les aime : le génie de Verdi, des voix de caractère, une tragédie déchirante sur l’amour paternel, un père et sa fille désarmés et désarmant dans un monde hostile, un opéra aux vertus authentiques, vocalement et musicalement.

Luisa Miller, opéra rarement joué, recèle de mélodies passionnées et d’admirables moments de lyrisme. Un 1er acte belcantiste avec ses airs bondissantes, un 2ème qui s’assombrit avec le plaidoyer de Luisa et le duo pour deux basses (Alexander Vonogradov et Dmitry Belosselskiy). Dans l’acte final digne d’un Otello avant l’heure, Verdi soigne les derniers duos père-fille et amants dans une explosion émotionnelle qui nous laisse totalement désarmés…et enchantés. 

Plácido Domingo, Sonya Yoncheva, Piotr Beczala, les voix ont régné en maître répondant aux exigences des rôles avec grâce et émotion, une première fois pour chacun.

En premier, le "patron" Plácido Domingo, lion superbe à la "crinière" blanchie par plus de 50 ans années de passion dévorante pour l’art lyrique, les yeux toujours rieurs embrumés d’émotion. A 77 ans, il ajoute un 149ème rôle à sa carrière et bouleverse dans ce rôle de baryton de père par sa présence dramatique et l’insolence de ses moyens vocaux. On ne peut qu’admirer cette personnalité qui sait encore dominer la scène et extirper chaque émotion d’un opéra. Un dernier acte exemplaire où sa musicalité et sa sincérité touchante font merveille, entretenant la flamme dans le cœur des mélomanes du monde entier. Et ce soir, dans le cœur des new-yorkais qui l’ont vu sur cette scène dans 51 rôles majeurs.

Superbe Sonya Yoncheva au chant pulpeux, puissant et radieux, brillamment investie dans ce rôle qui impose un large spectre dans les couleurs de la voix. En quelques années, la soprano bulgare a conquis la planète entière, elle irradie avant de mourir dans les bras des plus talentueux ténors. Bien que ce soit la première fois qu’elle chante avec Domingo, celui-ci a été influent dans sa carrière en la gratifiant du Prix Operalia 2010. 
Musicienne accomplie, personnalité incandescente, son appétit des grands rôles et son agenda sont impressionnants. Elle sourit des sceptiques avant d’être ovationnée en Norma à Londres ou Elisabeth de Valois à Paris. Cette saison, le Met la consacre Diva Assoluta à 36 ans enchaînant Tosca, La Bohème et Luisa Miller en 4 mois. Après Luisa, elle se rend à La Scala pour Il Pirata de Bellini et l'automne prochain, elle sera Médée de Cherubini à Berlin.


Une prise de rôle très réussie pour Piotr Beczala, Rodolpho merveilleusement chanté dans sa maturité vocale. Ténor discret devenu ultra-présent et reconnu sur les grandes scènes internationales. On admire sa voix de ténor lyrique ensoleillée et son endurance. Visiblement, il aime chanter et il le fait avec brio de sa voix lumineuse où chaque aigu est en place avec facilité. Il peut s’honorer de cette autorité artistique qui ne déçoit jamais dans tous les registres, même comique dans Le Pays du Sourire de Léhar. Sa carrière patiemment construite par son intelligent travail lui permet d’aborder les rôles exigeants, pas à pas et sans concession. 


Luisa Miller, Metropolitan Opera, 14 avril 2018
Sonya Yoncheva, Plácido Domingo et Piotr Beczala ©Chris Lee / Met 

Images ©Chris Lee / Metropolitan Opera

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