Iphigénie en Tauride au TCE

Gaëlle Arquez et Stéphane Degout
(c) Vincent Pontet
Eblouissante Iphigénie

1 juillet 2019 : Gaëlle Arquez émue aux larmes pour la dernière de Iphigénie en Tauride de Gluck au Théâtre des Champs-Elysées. Et cadeau d’anniversaire pour la mezzo française qui fait ses débuts dans ce rôle et au Théâtre. 

A la découverte de cette production de Robert Carsen, on ne peut que partager les éloges du public et de la critique lors de la première de cet ouvrage de Gluck en mai 1779 : " L’émotion la plus vive exprimée sur tous les visages et un attendrissement souvent porté aux larmes".

Gluck offre une page lyrique sublime de la tragédie grecque et nous plonge d’entrée dans l’âme en détresse d’Iphigénie, Gaëlle Arquez, éblouissante interprète



(c) Vincent Pontet
Lorsque le rideau se lève, Iphigénie rapporte son cauchemar macabre aux prêtresses : sa mère lui tend une épée pour tuer son frère. La scène est cernée de hauts murs noirs, les noms maudits sont inscrits à la craie. Famille maudite que celle des Atrides, marquée par le meurtre et le parricide. Poussé par sa sœur Electre, Oreste a tué leur mère Clytemnestre, elle avait assassiné son père Agamemnon à son retour de Troie. Dévoré de culpabilité, il va débarquer en Tauride, soutenu par son ami Pylade. Promue prêtresse, Iphigénie est condamnée à l’office cruel du meurtre expiatoire de l’étranger qui aborde cette presqu’île de la Mer Noire, ce frère qu’elle ne reconnaît pas. La malédiction des Atrides va-t-elle se poursuivre ?

(c) Vincent Pontet
L’intelligence de Robert Carsen et du Chorégraphe Philippe Giraudeau, c’est d’avoir enfermé les protagonistes dans leur enfer mental aux prises avec l’obscurité de la volonté des Dieux. Un sens esthétique habille de poésie cette réalisation intemporelle. Dans cet univers sombre, les expressions des visages sont exaltées par les éclairages. Tous vêtus de noir, chanteurs et danseurs nous projettent dans le supplice des âmes. Rarement un tel investissement dramatique ne nous aura autant saisi le cœur et les entrailles. Métaphore de la tragédie, la puissance de la musique de Gluck donne chair et force à la noirceur.   

Paolo Fanale et Stéphane Degout (c) Vincent Pontet
Confrontés à la cruauté de leur destin, Iphigénie et son frère Oreste ont en eux la nostalgie d’affections plus humaines. C’est tout l’enjeu du drame aux résonnances telluriques portées à leur acmé par Gaëlle Arquez, intense et souveraine dans le rôle-titre. Frémissante d’émotion, timbre chaud moiré et projection lumineuse. 
Comme il en a le talent, c’est véritablement habité que Stéphane Degout campe un poignant Oreste. On admire tout autant la beauté du timbre, le phrasé et son intelligence du texte. Admirable de présence également : Paolo Fanale dans le rôle de l’ami Pylade, ténor italien au timbre séduisant. Alexandre Duhamel incarne le tyran Thoas d’une voix solide tandis que la voix de Diane/Catherine Trottmann surgira du haut du théâtre pour mettre fin à ce cycle de destruction.

Dans la fosse, l’orchestre et les chœurs ajoutent au merveilleux. A la tête du Balthasar-Neumann-Ensemble, le chef Thomas Engelbrock sert admirablement la musique de Gluck, attentif au souffle des interprètes, à l’intensité du texte et à la puissance émotionnelle de cette matière sonore.
Un spectacle parmi les plus accomplis de la saison, réconciliant musiciens, théâtre et interprètes dans une synergie de talents. Et une dernière représentation festive célébrant l’anniversaire de son inoubliable interprète.


Alexandre Duhamel (Thoas), Stéphane Degout (Oreste), 
Gaëlle Arquez (Iphigénie), Paolo Fanale (Pylade)
TCE, 30 juin 2019


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