24 juin 2016: C'était le concert le plus attendu de cette fin de saison. Un mois après Les Wesendonck Lieder de Richard Wagner, Jonas Kaufmann interprète Le Chant de la Terre de Gustav Mahler au Théâtre des Champs-Elysées, accompagné par l'Orchestre Philharmonique de Vienne.
Cette "symphonie avec voix" marque un retour à la vie du compositeur après une série de drames personnels. L’année 1907 fut marquée par trois événements des plus douloureux pour Gustav Mahler, la mort de sa fille aînée Maria âgée de quatre ans, l’obligation de quitter son poste de Directeur de l’Opéra de Vienne et le diagnostic de l’affection cardiaque qui devait l’emporter quatre ans plus tard.
Cette longue méditation sur la dureté de la condition humaine et la douleur de l’âme est poignante d’humanité.
Jonas Kaufmann emmène le spectateur dans cette méditation : six poèmes pour se détacher de la superficialité de la vie et rejoindre l’éternité de la terre. La voix domine l’orchestre puis se fait velours jusqu’au murmure, dans une vérité proprement saisissante, cette vibration de l’âme où il est passé maître dans l’incarnation par la voix.
"Symphonie pour ténor, alto (ou baryton) et orchestre" inscrivit le compositeur sur sa partition. Jonas Kaufmann a cette qualité rare de vouloir, pouvoir, chanter des rôles différents. Par tempérament, par amour de l’art, par curiosité intellectuelle, il ose et propose. Une telle curiosité est un bonheur pour ceux qui restent totalement fascinés par son chant d’une stupéfiante beauté.
Un autre que lui n’aurait jamais pris ce "risque" de chanter les six poèmes écrits pour les deux tessitures la même soirée. Hier soir, sa technique de bronze et sa sensibilité ont fait oublié le contexte devant la performance du l’artiste.
Dans un récent entretien, le ténor pointait l’impact émotionnel du Chant de la Terre, "ne surtout pas se laisser emporter par ses émotions" disait-il. Son engagement dramatique impressionne et émeut, il suffit d’observer son visage à la fin du dernier poème "Der Abschied" ("L’Adieu"), celui dans lequel Malher se prépare lui-même à la mort annoncée. Il lui faudra quelques secondes après la répétition du mot "Ewig" (« éternellement ») qui fait se dissoudre la musique dans le silence pour que son regard assombri retrouve la joie d’être là, face à son public.
Jonathan Nott et Jonas Kaufmann |
Magnifique première partie avec l’ouverture de Coriolan de Beethoven et Mort et Transfiguration de Richard Strauss. L’Orchestre Philharmonique de Vienne, l’un des meilleurs orchestres de la planète était dirigé par Jonathan Nott.
Théâtre des Champs-Elysées
23 juin 2016
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