Anja Harteros, Sonya Yoncheva et Anita Rachvelishvili |
10 octobre : Cette rentrée aura comblé notre appétence pour l’art lyrique et ses lumineux interprètes. Ces artistes qui travaillent des heures dans l’ombre à leur prochaine incarnation, poussant toujours plus loin cette quête de dextérité vocale et d’harmonie. Sacrifier beaucoup, cajoler sa voix, cadeau du ciel, et vibrer de toute son âme le temps d’une soirée de luxe.
Qu’y a-t-il de commun entre Norma, Tosca et Dalila ? Rien, si ce n’est l’émotion et la fascination que trois immenses chanteuses sont parvenues à susciter. Trois voix, trois styles et trois tempéraments.
Anja Harteros dans le rôle de Floria Tosca. La soprano allemande est rare à Paris, s’éloignant peu de son pays natale et remaniant son agenda pour "raisons personnelles". Sa dernière apparition à l’Opéra de Paris, c’était en Eva dans Les Maîtres Chanteurs en 2003. Sa présence dans Tosca était donc très attendue et elle a été sublime.
Sonya Yoncheva pour sa première Norma sur la scène de Covent Garden. La jeune soprano bulgare a fait du chemin depuis ses débuts dans le baroque. Son répertoire s’est étendu bien au-delà pour s’épanouir aujourd’hui dans ce redoutable rôle-titre.
Anita Rachvelishvili en Dalila pour ses débuts à Bastille. La mezzo soprano géorgienne nous avait éblouis en Amnéris en juin dernier, elle revient en prêtresse venimeuse pour une prestation de haut vol.
Tosca de Puccini, Opéra Bastille, 20 septembre
Anja Harteros et Bryn Terfel Tosca OnP |
Dans cette reprise de la production de Pierre Audi, Anja Harteros et Bryn Terfel nous offre un 2ème acte d’anthologie de Tosca à Bastille. Les cris d’effroi de Floria Tosca et les "rugissements" de Scarpia y furent absolument somptueux, deux artistes composant deux portraits d’une grande intensité musicale et dramatique.
Une demi-surprise cependant, leur apparition conjointe ayant fait récemment les délices des Munichois, au côté de Jonas Kaufmann en ardent Mario. La ligne de chant d’Anja Harteros, ses aigus cinglants et envoûtants, sa noblesse d’incarnation font merveille. Son sublime "Vissi d’arte" est à écouter les yeux fermés pour le graver en mémoire émotionnelle.
Face à elle, Bryn Terfel compose un Scarpia magistral de cruauté et de perversité. Qu’il murmure ses tractations vipérines ou qu’il vocifère, l’œil luciférien, ses fulgurances dramaturgiques sont impressionnantes. L'homme est imposant et le chant puissant.
Joseph Calleja et Sonya Yoncheva Norma ROH © Bill Cooper |
Lancement en beauté de la saison 2016-17 à Covent Garden avec une nouvelle production d’Alex Ollé, Antonio Pappano dans la fosse et la première Norma de Sonya Yoncheva. Timbre pulpeux, virtuosité, voix généreuse et enveloppante, il n’aura fallu que cinq petites années à la jeune soprano bulgare de 34 ans pour mettre le public des plus grandes maisons lyriques à ses pieds. Je la découvre en 2011, Cleopatra dans Haendel à Versailles, quasi inconnue mais déjà diva en herbe d’agilité vocale, d’intensité et de présence.
La France lui donne ses premières chances puis elle prend son envol, installant son statut d’étoile de rôle en rôle : Lucia, Violetta, Gilda, Marguerite, Mimi ou Desdémone.
Il y a quelques mois, Anna Netrebko renonce à cette Norma londonienne et Sonya Yoncheva décide d’entrer dans l'imposant costume. Balayant les suspicions d’alors d’un trop grand défi pour une si courte carrière, sa première Norma enflamme le public.
Et comble de bonheur, le Pollione de Joseph Calleja achève d’offrir une magnifique soirée.
Samson et Dalila de Saint-Saens, Opéra de Paris, 7 octobre
Samson et Dalila OnP © Vincent Pontet |
Après 25 ans d’absence, Samson retrouve Dalila dans une forme éblouissante.
Après une magnifique Amnéris dans Aida en juin dernier, la mezzo géorgienne Anita Rachvelishvili se coule dans le costume de Dalila, stupéfiante et auréolée de superlatifs. Graves profonds, aigus opulents, luxuriance et sensibilité.
Au I, son "Printemps qui commence" est élégiaque, au II le temps s’arrête avec "Mon cœur s’ouvre à ta voix", vertigineux et sublime. Assurément l’une des plus grandes mezzo sopranos actuelles.
Chœur magnifique et direction inspirée et attentive de Philippe Jordan. Délicatesse et envoûtement lorsqu’il accompagne les langueurs sensuelles de Dalila, lyrisme bouleversant lors de la plainte du peuple juif, le Chef révèle toute la beauté et le raffinement de la partition de Saint-Saens.
La présence d’Anita Rachvelishvili relègue certains défauts de cette nouvelle production au second plan. On ne voit qu’elle !
Photos : Tosca OnP © Elisa Haberer / Norma ROH © Bill Cooper : Samson et Dalila OnP © Vincent Pontet
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