25 mars 2016: En découvrant ces deux spectacles en DVD, on imagine Verdi, Mascagni et Leoncavallo encore de ce monde et dans la salle…ils ne pourraient que jubiler ! Car Jonas Kaufmann, Anja Harteros et Ludovic Tézier permettent à n’en pas douter de retrouver la force première et la vérité intérieure de leurs créations.
La Forza del destino de Verdi, la captation du Bayerische Staatsoper de décembre 2013 est parue le 11 mars dernier. En cette fin d’année consacrant le bicentenaire de Verdi, les mélomanes du monde entier avaient pu se réjouir de l’harmonie musicale de cette trinité soprano-ténor-baryton. Tous les interprètes sont pénétrés de ce feu verdien, signature de la vocalité généreuse de l’ouvrage.
Mon "Grand Prix de la Création" du mois va à Cavalleria Rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo, la captation du Festival de Pâques de Salzbourg 2015.
Parée de louanges extatiques sur la double prise de rôle de Jonas Kaufmann et sur la mise en scène de Philipp Stölzl, cette magnifique production est disponible depuis le 18 mars.
La Forza del destino de Verdi (DVD/Blu-Ray Sony Classical)
Il y a des soirées dont on reparle longtemps entre amis, celle-ci est une des plus emblématiques. Trois tempéraments vocaux d’exception réunis, le chant poussé à son éblouissante limite dans une variété de couleurs et d’émotions : Jonas Kaufmann et Anja Harteros, Don Alvaro et Donna Leonora, le couple brisé par le destin et Ludovic Tézier, Don Carlo di Vargas, la force obscure. Force et destin, deux mots qui inscrivent l’ouvrage dans un climat bouillonnant de passion, désespoir et vengeance.
Un trio en or dans une dramaturgie qui n’épargne pas les interprètes. Intensité, vérité, tension qui explose dans un stupéfiant duo de ténor-baryton. Une empoignade chorégraphiée au cordeau dans laquelle les deux protagonistes s’affrontent physiquement, rugissant du plus merveilleux des chants. Du jamais vu !
Martin Kujek nous plonge dans la noirceur dantesque de la guerre, plombant un peu le souffle lyrique de l’ouvrage, maltraitant les choristes dans des agitations inutiles.
Le souffle de l’Histoire n’aura pas réussi à décoiffer le ténor bavarois. Pour une fois, la production a (presque) réussi à l’enlaidir ! Un look à mi-chemin entre prince Inca et Brice de Nice qui ne lui a pas facilité ses corps-à-corps virils avec Don Carlo peu enclin à devenir son beau-frère. Au delà de cette anecdote, c’est une captation à savourer dans son salon.
Dès l’ouverture, la musique s’emballe comme un ouragan, le destin est en marche, sa force est celle qui s’ingénie à perdre les personnages, jusqu’à la mort. Dans chaque situation, ils vont perdre le contrôle : le coup de feu malheureux, la rencontre dans l'auberge, sur le champ de bataille. Le destin se moque de ce qu’ils veulent, quoiqu’ils fassent, arrivera ce qui était écrit. C’est tout le génie de Verdi que de faire s’exprimer les plus grandes passions de façon si magistrale.
On reste ébahi par la puissance de cette musique, surtout portée par des artistes qui nous comblent.
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Cavalleria Rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo (DVD/Blu-Ray Sony Classical)
Une brillante réalisation au plan musical et théâtral: de longues ovations ont accueilli ce spectacle, à mettre au crédit de l’harmonie parfaite régnant entre la performance des chanteurs, la direction de Christian Thielemann et l’inventivité scénique de Philipp Stölzl.
Deux opéras de la vie ordinaire, deux drames de la passion, l’un dans un village de paysans un jour de Pâques en Sicile, l’autre au sein d’une troupe de comédiens ambulants en Calabre. Sentiments humains exacerbés, éruptions musicales explosives, les moments forts qui suscitent l’émotion ne manquent pas.
Dans le rôle d’anti-héros infortuné à fleur de peau : Jonas Kaufmann, admirable de présence et d‘émotion. De demi-teintes en éclats, il "crève l’écran" (installé au-dessus de la scène), il raconte une histoire, de la profondeur d’un regard et du mordant d’un timbre.
Dès le magnifique prélude orchestral de Cavalleria, il entre dans la peau de Turiddu. Dos à la scène, le personnage se dit prêt à perdre la vie pour Lola, son ancien amour retrouvé trop tard. S’ensuivent quelques images fortes du père étreignant le jeune enfant, du couple d’amants à sa fenêtre et de la dernière scène des adieux à la mère.
Puis c’est Canio dans Pagliacci, clown blanc désespéré contraint de faire rire alors qu’il souffre cruellement de l’infidélité de sa femme. Sa métamorphose sous les fards alors que le pire se prépare est saisissante d’intensité.
Pour Cavalleria, Philipp Stölzl recrée l’univers en noir et blanc du cinéma néo-réaliste italien des années 50. Six mini-espaces répartis sur 2 niveaux, une vision cinématographique 16/9 des mouvements de foule et des scènes plus intimistes. Les caméras saisissent la puissance dramatique des visages projetés sur écran géant.
Même dispositif compartimenté pour Pagliacci, mais paré des couleurs vives du cirque. Le théâtre dans le théâtre, la foule et le public regardent une scène montée sur des tréteaux, Canio se prépare dans la roulotte des saltimbanques sur le coté.
Luidmyla Monastyrska (Santuzza), Ambrogio Maestri (Alfio) et Maria Agresta (Nedda) complètent la distribution.
Cette double production et son Chef musical sont nommés aux Opera International Awards de l’année.
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