Parsifal © Emilie Brouchon / OnP |
22 mai 2018 : Après de lourds ennuis techniques l'ayant obligé d'annuler quatre représentations, l'Opéra de Paris présente enfin Parsifal de Richard Wagner.
Une œuvre forte qui transporte dès les premières mesures, très peu d’œuvres ont ce privilège. C’est l’opéra de la compassion et de la rédemption universelle. Dès le prélude, Wagner créé un espace musical où le temps s’arrête, le son émerge de la fosse, immatériel, irréel, et l’émotion nous gagne. "Ici, le temps devient espace" chante Gurnemanz au I.
Cet univers envoûtant est déployé dans chaque pupitre, qualités admirables de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra de Paris sous les tempi lents et méditatifs de la direction de Philippe Jordan. "La musique est une nourriture émotionnelle qui synchronise les gens entre eux." dit-il. Comme souvent, ce chef cherche ce qui est grand, beau, sublime. Attentif et concentré, sa force tranquille s’efface derrière la musique, hors du temps, au plus près de l’âme et de l’intense spiritualité de l’ouvrage. Chef et musiciens nous laissent admiratifs du travail accompli gratifié d’une ovation des plus chaleureuses.
Andreas Schager, Günther Groissböck et Anja Kampe
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Du rôle-titre, Andreas Schager en a la parfaite maîtrise. Eminent ténor wagnérien, il a été la révélation de ces dernières années à Bayreuth et Berlin. Il le chante pour la première fois à Paris et il s’impose par sa puissance vocale et la clarté de ses aigus. C’est très beau mais le frisson viendra de Peter Mattei, le plus remarquable et poignant Amfortas actuel, celui dont la plaie béante ne se referme pas. Le jeu d’un réalisme douloureux inouï, l’intonation désespérée, la diction parfaite, la beauté du timbre, la puissance de la projection, c’est sublime !
Fidèle du répertoire wagnérien, la soprano Anja Kampe incarne une magnifique Kundry pour sa première sur la scène parisienne. Impressionnante et troublante dans les égarements et déchirements de son personnage à multi-facettes, elle nous emporte dans la sincérité de son incarnation. Dans le rôle de Gurnemanz omniprésent, Günther Groissböck fait preuve d’une belle endurance, timbre séduisant et aigus racés. Sans oublier Evgeny Nikitin en inquiétant Klingsor.
Œuvre de fin de vie de Wagner, toute l’histoire de Parsifal est dans la musique, l’espace est créé avec le son et Richard Jones doit relever le défi d’unifier le temps et l’espace.
Si sa mise en scène respecte le livret, elle ne se défait pas d’un premier degré un peu plombant. La mise en images de cette secte qui s’invite sur la scène de Bastille ne va pas forcément de soi pour ceux qui découvriraient l’ouvrage.
Les Chevaliers de Graal sont réunis dans une communauté d’apôtres de la non-violence, en errance par moment, et Klingsor est un généticien qui crée des femmes-fleurs hyper-sexualisées sorties de maïs transgéniques.
Richard Jones transpose Parsifal dans des espaces banals : réfectoire de communauté, dressing d’Amfortas ou salle de réunion sans âme. Les Chevaliers sont habillés par Decathlon, le nez plongé dans un épais livre "WORT" ("Mot") écrit par leur maître spirituel, leur gestuelle est détournée de rituels religieux.
Habillée des seules lumières et d’un banc sommaire, la scène du baiser de Kundry manque un peu de la force et de l’envoûtement de ce moment où Parsifal est frappé de clairvoyance.
Une mise en scène qui coupe quelque peu les ailes de la transcendance de l’ouvrage, dans la lignée de celles qui sont oubliables. Mais cinq heures d’une musique méditative qui atteint la perfection, cette musique de Wagner se suffisant à elle-même.
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