© Agathe Poupeney / OnP
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Pourtant l’ouvrage de Meyerbeer regorge de grands moments, c’est furieux, virtuose et les fins d’actes sont absolument vertigineux. Personnellement, j’avoue mon coupable penchant pour cette musique inventive et foisonnante dont le souffle épique emporte les plus dépressifs des spectateurs.
Avec Les Huguenots, quand les lumières s’éteignent, c’est parti pour 5 heures d’opéra-fleuve qui file comme un songe. Coup de foudre, méprise, quiproquos, traîtrise, horreur, tout ce qu’affectionne le drame romantique à l’issue tragique et dont la musique épouse tous les contours possibles.
On redécouvre avec bonheur ce sommet du grand opéra à la française éclipsé plus d’un siècle après son heure de gloire au XIXe siècle, pour diverses raisons : sa grande difficulté technique, son abondante figuration, son orchestre et ses chœurs imposants et le sujet des conflits religieux. Sans oublier sa grandiloquence taxée de vulgarité par l’élite d’un autre siècle, ce qui n’empêcha pas le public de se précipiter à l’Opéra de Paris plus de 1100 fois.
Le sujet est ambitieux, à savoir retracer ce conflit entre catholiques et protestants, jusqu’à la tristement célèbre nuit de la Saint-Barthélemy. En fil rouge, Raoul le protestant et Valentine la catholique sont les Roméo et Juliette au pays des fanatiques.
Une couleur propre à chacun des actes parvient à créer l’intensité dramatique crescendo. Au I, les gentilshommes catholiques festoient dans le château du Comte de Nevers. Au II, l’ambiance est bucolique dans les jardins de la reine Marguerite. Au III, religieux et militaires s’illustrent en duels et provocations. Au IV, on chante l’amour en duo mais la conspiration est en place et le drame devient inévitable. Au V, le massacre et le bain de sang.
Sans renouveler la conjonction d’interprètes d’exception comme à sa création, voire la distribution du Don Carlos de 2017, on ne se plaint pas et honneur aux femmes !
Véritable révélation, la soprano américaine Lisette Oropesala, voix d’ange et aigus aisés, brille de son assurance et de sa grâce dans le rôle de Marguerite. L’engagement d’Ermonela Jaho n’est plus à démontrer, elle campe une vertueuse Valentine toute en sensibilité, l’aigu ample et foudroyant. Voix généreuse et jeu malicieux de Karine Deshayes en page Urbain.
Arrivé quelques jours avant la Générale, le ténor coréen Yosep Kang s’empare de Raoul de Nangis avec ses armes, l’effort est perceptible mais il a beaucoup à offrir, notamment un français remarquable. Belle prestation sensible de Nicolas Testé en Marcel, entouré de compatriotes en pleine forme: Florian Sempey, Paul Gay et Cyrille Dubois.
Et comble de bonheur, le plus bel interprète ayant fait battre nos cœurs ce sont les chœurs de l’Opéra de Paris. Ils ajoutent force et intensité au spectacle, deux qualités soutenues également par le Chef Michele Marrioti, le Rossinien de Pesaro.
Du côté de la mise en scène, Andreas Kriegenburg fait le choix d’une scénographie épurée, mettant à distance la couleur historique. Un cadre immaculé, de belles lumières, des images d’un grand esthétisme où les costumes ressortent flamboyants, comme le sang. Pas de décors réalistes ni d’effets théâtraux participants à la brutalité et l’horreur. Du soft et du beau dans un environnement mettant à nu les personnages dans leurs idéaux, manipulations et penchants obscurs. C’est son choix et cette réhabilitation originale séduit le public.
Que dire de plus : courrez-y, c’est magnifique !
Ou visionner la captation du 4 octobre sur CultureBox
Ou visionner la captation du 4 octobre sur CultureBox
De g. à dte : Paul Gay (Le Comte de Saint-Bris), Nicolas Testé (Marcel), Ermonela Jaho (Valentine) , Michel Mariotti (Direction), José Luis Basso (Chef des Chœurs), Yosep Kang (Raoul de Nangis), Lisette Oropesa (Marguerite de Valois), Karine Deshayes (Urbain), Florian Sempey (Le Comte de Nevers). OnP le 6 octobre 2018
Photos de scène : © Agathe Poupeney / OnP
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