Moïse et Aaron à l'Opéra Bastille

L'un pense et l'autre parle
Aaron & Moïse (© Bernd Uhlig / Opéra de Paris


23 octobre 2015 : Le soir de la première de Moïse et Aaron, une ovation méritée couronnait Philippe Jordan entouré de la centaine de choristes de l’Opéra de Paris, tous ayant réussi à faire passer la pure beauté du son et la puissance du texte de l’ouvrage d'Arnold Schoenberg, pourtant réputé si difficile d’accès. 

Première nouvelle production de la saison programmée par son nouveau directeur Stéphane Lissner et débuts de Romeo Castelluci à Paris. Beaucoup de rumeurs et une grande attente.
Première pour moi également, influencée par le pragmatisme des analystes de cette musique avec les mots "dodécaphonique" ou "atonalité". Des mots qui ont de quoi inquiéter les non-théoriciens de la musique, plutôt adeptes du lyrisme échevelé. Un malentendu vite balayé par la puissance dramatique prodigieuse de l’œuvre. 
Avec cette production, il faut lâcher la raison et accepter de se laisser envahir par une troublante sensation. Et abdiquer sur le moment de toute tentative d’interprétation et de toute référence à son vécu musical pour sentir monter l’émotion dans l’immersion du spectacle: la musique, la partition chorale, la force du texte, sa résonance dans l’actualité comme dans notre spiritualité, le théâtre et ses images-émotions.

A propos de la forte théâtralité de l’ouvrage, Stéphane Lissner disait récemment "Elle ne vient pas seulement des personnages, mais aussi de cette osmose incroyable entre la difficulté de ce qui est demandé au chœur et de ce qui est demandé à l'orchestre. Cela a un impact physique très étrange sur le public, qui, sans la comprendre forcément, se retrouve fasciné et bouleversé par cette partition extraordinaire, où les deux formations essaient de passer l'obstacle.". C’est aussi cela.