Carmen de Bizet

Don José, de Londres à Orange


Chorégies d'Orange © Philippe Gromelle
14 juillet 2015 : Dans le Théâtre Antique d’Orange, chaque année, le festival d’art lyrique captive, emporte ou divise. Le plein air lui permet de rayonner jusqu’aux gradins les plus éloignés et la nuit nous plonge dans les tourments les plus universels.
Carmen, le succès planétaire de Georges Bizet, est de retour. Jonas Kaufmann, titulaire en chef du rôle de Don José, réapparaît sur une place lyrique française après cinq ans d’absence, entraînant dans son sillage Kate Aldrich en bohémienne chic. Un couple d’amants magnifiques, superbement théâtral et musicalement accordé. 

Des huées ont accueilli la production de Louis Désiré, le public n’a pas retrouvé la tradition ronronnante de l’Espagne de carte postale. Le metteur en scène a préféré un immense jeu de cartes pour seul dépaysement. Tout est écrit, le destin est en marche et la mort plane. Il voulait des sentiments, du tragique, pas du folklore. Filmé pour l’occasion, Carmen devient intime, le drame se joue dans la relation d’un homme et d’une femme. La scénographie emprunte des chemins inattendus, privilégiant l’esthétisme et la cohérence de son parti-pris, le lyrisme plutôt que la passion. Un malentendu aux échos méprisants bien excessifs car le spectacle ne manque pas de qualités. Et Jonas Kaufmann a mis tout le monde d’accord !

Cela fait dix ans – ou presque – que ce Don José est terriblement humain, fragile et brisé face à Carmen qui reste insensible à sa déclaration d’amour fou. Lors de sa prise de rôle à Londres en 2006, le ténor bouleverse les standards et pleure à la fin de l’air de la fleur, révélant plus tard que ce n’était pas prévu mais que l’émotion était trop forte. 

Guillaume Tell de Rossini à Londres

Gerald Finley, poignant héros déraciné

© Royal Opera House / Clive Barda
10 juillet 2015 : Un enfant s’avance portant une jeune pousse d’arbre et la plante dans la terre jonchant le plateau de Covent Garden. L’arbre mort déraciné s’élève pour accueillir un nouveau cycle de vie. Image de la Suisse naturaliste qui fait des hommes proches de la nature et des vertus simples, attachés à la liberté et hostiles à la tyrannie. Un message humaniste et un moment d’émotion avant que le rideau tombe sur le final élégiaque où chœurs et interprètes se rejoignent dans une harmonie céleste.

Guillaume Tell, chef d’œuvre absolu de l’invention mélodique et rythmique de Rossini clôture la saison du Royal Opera House, après 25 ans d’absence sur cette scène. Grande ouverture, place essentielle donnée au chœur, montée en puissance du drame, l’ouvrage abonde de moments de bravoure nécessitant des voix d’envergure. 
Opéra fort, spectacle fort et réussi dans lequel Gerald Finley incarne un Guillaume Tell magistral, à la fois noble et bouleversant d’humanité. John Osborn affronte avec brio et courage les envolées stratosphériques d’Arnold et Malin Byström est une Mathilde intense. Dans la fosse, Antonio Pappano nous emporte avec passion tout au long des quatre heures de cette œuvre grandiose. Pas un seul temps mort, depuis le début jubilatoire au rythme du galop d’ouverture jusqu’au final au lyrisme puissant. 
Pour Damiano Michieletto, tous les livrets utilisés par Rossini nous parlent de la vie d’aujourd’hui et du monde actuel. Sa mise en scène parvient à créer l’ambiance humaine tangible permettant de faire vivre les personnages et les rendre crédibles et justes. (*)