Festival d'Opéra de Munich

Le modèle allemand

Duel Verdi - Wagner pour le Festival d'Opéra de Munich
©Wilfried Hösl / Bayerische Staatsoper
28 juin 2013: Il n’y a rien d’incontournable pour le Bayerische Staatsoper de Munich, comme proposer une des programmations les plus éblouissantes avec une luxueuse kyrielle de grandes voix, qui se trouvent être allemandes pour la plupart. 
L’édition 2013 du Festival d’Opéra se déroule du 27 juin au 31 juillet, avec plus de quinze opéras de Giuseppe Verdi et Richard Wagner
Avec Bayreuth et Salzbourg à deux pas, Munich ferme le triangle d’or des festivals d’été où la programmation et le niveau de chant ont peu d’équivalent.
Célébrant le bicentenaire de la naissance des deux compositeurs, ce festival de "Poids lourds" est illustré en clin d’œil par une communication percutante jouant sur le second degré, le couple Verdi - Wagner s’affrontant dans un combat de boxe se terminant à égalité mais à terre !

Le Trouvère, à première vue

Welcome to the darkness

La photo du Trouvère, objet de la fureur des internautes
©Wilfried Hösl/Bayerische Staatsoper
26 juin 2013: "Bienvenue dans l’obscurité" a titré le metteur en scène Olivier Py dans l'édito du journal du Bayerische Staatsoper de Munich pour présenter sa conception du Trouvère qui se jouera demain soir.
Noir présage car, à l’heure des dernières répétitions, la nouvelle production fait l’objet de sombres attaques véhémentes sur la page Facebook de l’Opéra.

©Wilfried Höst /Bayerische Staatsoper
En effet, dès la parution des premières images de la production, de vives contestations et insultes ont rempli progressivement la page. A côté des heureux impatients de découvrir la diffusion en streaming du 5 juillet prochain, de nombreux commentaires négatifs ont rapidement brouillé les échanges.
Cela a commencé par quelques remarques innocentes et habituelles du genre "les costumes sont laids" ou "la mise en scène est inappropriée". Mais peu à peu, plus de 200 discussions ont dérapé vers l’agressivité et la colère, l’administration de l’Opéra ayant été la première cible. Ensuite, l'attaque directe des artistes étiquetés "malades mentaux" s'est amplifiée jusqu'à des accusations de "méthodes nazies". Après une leçon d’éthique, l’Opéra Bavarois s’est vu contraint de clore les discussions sur Facebook, pour la première fois de son histoire !

Sorties d'été

"The Voices"
24 juin 2013 : Pour les inconditionnels de Jonas Kaufmann et Juan Diego Flórez, quelques annonces de sorties CD, DVD & Blu Ray devraient leur redonner un petit coup de fouet. Avec ces parutions, plus besoin de vitamine C pour booster les neurones !
En premier, Matilde di Shabran de Gioachino Rossini enregistré à Pesaro en 2012 sera disponible le 5 août en DVD & Blu Ray. Comme j’ai eu le bonheur d’assister à cette production du Rossini Opera Festival, je peux affirmer que le duo Juan Diego Flórez et Olga Peretyatko est irrésistible et virtuose. 
Le ténor péruvien s’en donne à cœur joie dans cette partition hérissée de difficultés et la ravissante soprano russe excelle dans les vocalises. Cet ouvrage méconnu mais savoureux était longtemps resté dans les cartons car le rôle de Corradino exige un ténor acrobatique difficile à distribuer. En 1996, le festival de Rossini créait l’événement et la surprise en remontant l’ouvrage et en révélant Juan Diego Flórez au monde lyrique. Alors âgé de 23 ans, il remplace brillamment le ténor initialement prévu en apprenant la partition en 3 jours, et sa carrière était lancée !

Cosi fan tutte selon Michael Haneke

Liaisons Dangereuses et Triple Inconstance

Cosi fan tutte de Mozart au Teatro Real de Madrid 
Mars 2013 - Photo ©Javier Del Real
21 juin 2013 : il était prévisible que la vision des jeux amoureux par Michael Haneke ne nous laisserait pas indemne. Sa vision âpre et désenchantée des amants de Cosi fan tutte est une prise de conscience de plus que l’amour fait souffrir et que ses blessures conduisent aux pires égarements de l’âme humaine.

Habituellement, les metteurs en scène exploitent l’inconstance de jeunes femmes immatures et l’ADN de séduction de leurs partenaires dans un jeu où tout le monde joue et où tout le monde perd. On assiste alors à un jeu de masques où tout est faux sauf l’implacable démonstration que les sentiments ne sont pas éternels. Ce que l'on savait déjà. Mais Michael Haneke y ajoute une noirceur désespérante, reléguant aux archives de l’opéra le simple apprentissage d’une trahison vite oubliée et la fascination de l’amour sans nuages. Ici, la leçon est rude et les cœurs sont en miettes, y compris ceux des spectateurs.

Anja Harteros, rare et lumineuse

En attendant le Trouvère à Munich (Acte 3)

Anja Harteros, La Maréchale du Chevalier à la Rose
Photo ©Hösl - Munich
17 juin 2013: Anja Harteros est une soprano allemande de 40 ans qui est rare à plus d’un titre. Elle est rare par l’extrême beauté de son timbre aux couleurs chaudes, sans équivalent aujourd'hui. Elle est rare par la qualité de son interprétation lumineuse enrichie d’une parfaite compréhension du texte. Elle est rare par sa classe de chant et sa sensibilité frémissante.

Anja Harteros est une très grande soprano, pour moi une des plus grandes chanteuses actuelles que j’ai entendue. La découvrir sur scène est une expérience magique car la somptuosité de sa voix n’est absolument pas restituée dans les supports audio ou vidéo. J’ai été bouleversée par ses incarnations vibrantes et déchirantes d’Elisabeth de Valois dans Don Carlo à Munich et d’Elsa von Brabant dans Lohengrin à Milan en 2012. Enfin elle est trop rare sur les scènes françaises.

Le Christ au Mont des Oliviers

Couronne d’olivier pour étoiles montantes

13 juin 2013 : Dans le cadre du Festival de musique de Saint-Denis, dans sa Basilique, le ténor Pavol Breslik et la soprano Julie Fuchs nous ont raconté avec sensibilité et intensité l'épisode biblique du Christ au Mont des Oliviers de Beethoven. 

Cet oratorio - où l’on sent poindre Fidelio le futur opéra de Beethoven- est très exigeant pour la voix et nécessite de grands solistes. 
Le récitatif de Jésus aux accents d’un Florestan meurtri a été magnifiquement interprété par Pavol Breslik.
Julie Fuchs a le timbre clair et une belle couleur d’aigus pour cet ouvrage comportant de nombreuses vocalises et un grand air de soprano. 
Le jeune et dynamique chef Jérémie Rhorer dirigeait le Cercle de l’Harmonie et l’ensemble vocal Vokalakademie de Berlin. Emporté par sa fougue, il en a lâché sa baguette quelques secondes...vite retrouvée à quelques mètres !

Romance acide au Bolchoï


Le danseur Pavel Dmitritchenko dans "Ivan le terrible"
au Bolchoï en novembre 2012
Photo ©Antono Tarasov/Reuters
11 juin 2013 : Un "fait d’hiver russe" attire mon attention ce matin avec le dernier rebondissement dans l'affaire de l’agression au vitriol de Sergeï Filine, le Directeur Artistique du Bolchoï, en janvier dernier. 
Dimanche, on apprend que Nikolaï Tsiskaridzé, danseur étoile depuis deux décennies va quitter le théâtre. Le Bolchoï et le danseur s’affrontaient dans un conflit interne sans précédent depuis l’agression. Le danseur agresseur Pavel Dmitritchenko passé aux aveux est en prison. 
C’est l’épilogue d’une romance acide digne d’un livret d’opéra où pouvoir, calomnies, soupçons, amour, amitié et vengeance assurent la trame de cet opéra-réalité tragique.

Le Bayerische Staatsoper de Munich

En attendant le Trouvère (Acte 2)

Photo ©Bayerische Staatsoper
L’opéra de Munich s’écoute aussi avec le regard. Formes arrondies et strates harmonieuses de fauteuils roses, la salle est d’une beauté classique apaisante. Doté d’une acoustique remarquable, ce cadre élégant séduit le spectateur au premier regard. Des rangées de fauteuils à dominante rose dragée se démultiplient à l’infini dans un alignement parfait. La passion de l’opéra par les Allemands est restée intacte et il n’y a pas d’absents ni de retardataires comme à Paris !

En attendant le Trouvère à Munich

La Bavière à pleins poumons
Anja Harteros et Jonas Kaufmann dans Don Carlo en 2012
Un merveilleux duo au Bayerische Staatsoper de
Munich, Photo ©Wilfried Hösl
Le 27 juin prochain à Munich, l’événement lyrique de l’année sera la nouvelle production du Trouvère de Verdi avec la prise de rôle de Jonas Kaufmann dans Manrico et Anja Harteros en Leonora. 

Le Bayerische Staatsoper est la salle d’opéra la plus productive d’Allemagne mais aussi la plus chanceuse. Habitant à deux pas, les deux interprètes pourront arriver en tramway de leur cottage bavarois. Ce qui devrait limiter leur fatigue et faire monter la tension chez les lyricomanes quand on connaît la fabuleuse alchimie de leurs duos sur scène. 
Basé sur un drame espagnol du XVe siècle, Le Trouvère se dépeint comme l’apothéose de l’opéra italien chanté à pleins poumons. Et côté beaux poumons, on devrait être comblés !