10 juillet 2018 : Emblème de l’âme russe, l’opéra de Moussorgsky concentre deux drames humains qui s’entremêlent: le destin shakespearien du héros et l’épopée du peuple russe maltraité, épuisé, manipulé. D’un côté, Boris, le tsar dans sa toute puissance mais rongé de remords, de l’autre, la fresque collective théâtre de scènes chorales d’une grande puissance.
L’Opéra Bastille présente une nouvelle production en demi-teintes d’Ivo Van Hove. Ildar Abdrazakov y fait d’impressionnants débuts dans le rôle-titre sous la direction de Vladimir Jurowski, toute en nuances et tension dramatique, comme l’interprétation magistrale des chœurs de l’Opéra de Paris.
La basse russe compose un personnage infiniment humain. Physique imposant pour l’endurance, voix de basse tellurique moirée de velours pour l’émotion, son Boris est magnifique. Un rôle où il chante la moitié du temps, concentré, éprouvant. "Le chant est pensé de façon dramatique et pour l’interprète, il est impossible de se reposer." dit-il. La dernière scène de la mort de tsar délivre les derniers accents bouleversants. C’est figé sur l’escalier, épuisé, le regard encore habité de la tragédie qu’Ildar Abdrazakov recueille alors une ovation digne des plus grands.