Spécial Noël

Idées cadeaux 100% lyriques

Si certains d'entre vous sont toujours en panne d'inspiration pour les cadeaux à offrir à la famille et aux amis, un bon CD ou DVD reste encore une valeur sûre. 
Stop aux cadeaux inutiles, encombrants, pas vraiment réfléchis ni adaptés, pensez au destinataire du cadeau, à ses passions et à ses centres d’intérêt. Au moment de l’offrir, parlez de votre cadeau à celui qui le reçoit, cela l’aidera à apprécier encore plus ce présent sur mesure !
Voici quelques suggestions de CD et DVD d’opéra parus en 2014 qui ont séduit les mélomanes. Une sélection garantie sans prise de risque. 

Manon Lescaut de Puccini à Munich

Messagers des dieux de l’émotion


7 décembre 2014 : Dans un dernier frisson, le public respire à l’unisson de l’âme de Manon. Un dernier spasme et la détresse sans fond de Des Grieux nous laissent sous le choc d’un très grand moment d’opéra. 
Ce soir, l’art lyrique est servi par deux artistes en symbiose scénique et musicale. Jonas Kaufmann et Kristine Opolais sont les deux protagonistes principaux de la nouvelle production de Manon Lescaut de Giacomo Puccini au Bayerische Staatsoper de Munich. La fusion parfaite des timbres et des sensibilités, la générosité vocale du ténor et les vibrations pénétrantes de la soprano hissent l’intensité à un niveau rarement atteint. Ils sont les deux messagers des dieux de l’émotion auxquels la musique de Puccini a donné des ailes.


Hans Neuenfels installe sa Manon dans un univers elliptique gris-noir peuplé d’êtres stylisés avec leur chevelure fauve pour seule touche de couleur. Les humains, ce sont Manon et Des Grieux, évoluant dans cet univers signifiant de leur isolement émotionnel. Leurs costumes d’un classicisme romantique se distinguent du modernisme burlesque et coloré de l’ensemble.



Casanova Variations

Eparpillé façon puzzle…


24 novembre 2014 : John Malkovich se prépare à entrer sur la scène de l’Opéra de Lisbonne. Il interprète le rôle de…. John Malkovich qui joue à l’écran le rôle de Casanova durant ses dernières années, et en parallèle, le même rôle sur scène dans une dramaturgie de sa longue vie amoureuse qui associe ses Mémoires à des extraits d'opéras de Mozart. Pour le film dans le film, l’action se situe en Bohême, et pour l’autre partie, on est sur la scène de l'opéra São Carlos de Lisbonne, un écrin baroque du XVIIIe.

Ce subtil jeu d’histoires en miroir aurait pu devenir un film sublime mais pour moi, le charme n’a pas opéré: Michael Sturminger impose au spectateur une forme et un style qui installent progressivement la frustration d’une belle occasion manquée. Le travail d’acteurs et des chanteurs n’est pas en cause, c’est la réalisation. En jonglant entre différentes temporalités, celle du film et celle de la représentation théâtrale et lyrique, le réalisateur peine à assurer la fluidité des scènes. Plus gênant, pas une image sans tourbillons de caméra, pas de plan paisible où le regard pourrait s’attarder sur les visages (mis à part John qui est sur tous les plans) et les merveilleux décors…mal éclairés. Même Jonas Kaufmann est flou !

Les bienfaits de l'opéra sur le plexus solaire

Kaufmann, Florez et beaucoup d’autres…

Kristine Opolais et Jonas Kaufmann
Manon Lescaut au Bayerische Staatsoper
16 novembre 2014 : A peine la diffusion de Manon Lescaut achevée sur la Radio Bavaroise hier soir, j’en mesurais immédiatement les effets bénéfiques sur mon plexus solaire. Preuve qu’un flot d’harmonie quasi céleste peut réveiller l’être profond qui s’était endormi.
En premier, l’alchimie orchestrale de Giacomo Puccini a le pouvoir de nous inonder d’émotion pure. Et accompagnée par des voix d’une sonorité riche et vibrante, la musique se répand en nous à la manière de rayons solaires, évoquant joie et bien-être. Peut-être aussi qu’en laissant la musicalité de voix somptueuses nous envahir, sensations et souvenirs remontent à la surface. En ce sens, la musique nous invite à retrouver une forme d’émerveillement propre à l’enfance.
Cette nouvelle saison s’annonce riche et stimulante et donne envie de sillonner le monde. Certains soirs, il y a des lieux où le ciel de l’art lyrique est grand ouvert, où les dieux secouent la poussière dont il était couvert, où l’on peut assouvir sa gourmandise de lyrisme. A cet effet, j’ai préparé le petit agenda 2015 à l’usage des pigeons-voyageurs.

Tosca de Puccini à l'Opéra de Paris

Sous le signe de la croix

Tosca Acte 1 - Te Deum
25 octobre 2014 : L’Opéra de Paris n’avait pas produit de nouvelle Tosca depuis 20 ans. Après plus de cent représentations, l’antique production de Werner Schroeter disparaît de la scène. Curiosité légitime, la nouvelle production d’un des opéras les plus joués et aimés du répertoire était très attendue. Pierre Audi signe une mise en scène d’un classicisme chic, esthétique et lisse, qui s’inscrit dans l’époque décrite par le compositeur. A défaut d’être saisissante, cette production est soignée et convaincante. Elle remplit paisiblement son office, pas de transposition ni d’effets elliptiques ou clinquants, à deux dérogations près : une croix gigantesque omniprésente et la mort de Tosca.

Intrigue amoureuse et conflit politique s’imbriquent pour faire de Tosca un véritable thriller musical. Dès les premiers accords d’un éclat fracassant, Giacomo Puccini frappe fort. Coups de canon, de poignard et de foudre, les trois héros vont tous succomber à une mort violente. On s’incline devant le chant de Ludovic Tézier dont l’instrument se plie à toutes ses volontés. Martina Serafin incarne une Tosca frémissante et sage. Le timbre soigné et solaire de Marcelo Alvarez ne compense pas sa caricature du personnage de Mario Cavaradossi. 

Macbeth de Verdi au Met

Le sang dans les veines d'Anna Netrebko

Anna Netrebko et Zeljko Lucic
© Marty Sohl/Metropolitan Opera
13 octobre 2014 : Le Metropolitan Opera de New York vient d'ouvrir la septième saison de diffusion mondiale avec Macbeth de Verdi. L’occasion pour le public de découvrir cette production de 2007 d’Adrian Noble, le metteur en scène britannique qui fût longtemps Directeur artistique de la Royal Shakespeare Company. Fasciné par l’univers fantastique du grand Will, Verdi trouve la source de son inspiration dans la mystique écossaise du XIe siècle.  

Macbeth, c’est l’histoire de la frénésie meurtrière d’un couple avide de pouvoir, deux psychopathes dans leurs délires dirait aujourd’hui la psychiatrie. C’est aussi le seul opéra de Verdi dénué de toute histoire d’amour. Dans un clair-obscur oppressant, on assiste à la lente descente aux enfers du couple assassin. Un plateau prestigieux nous entraîne dans ce thriller gothique, amplement dominé par la stupéfiante Lady Macbeth d’Anna Netrebko, au côté de Zeljko Lucic dans le rôle-titre.

Les effets de la musique

D.R.
Musique et détente

11 octobre 2014 : La découverte scientifique de "L’effet Mozart" est devenue une légende. En 1993, des chercheurs ont pensé démontrer que le fait d’écouter du Mozart durant au moins 10 minutes par jour permettrait de développer certaines aptitudes telle que le raisonnement dans l’espace et une plus grande ouverture d’esprit. Les ventes de pianos explosèrent et les conclusions de cette "découverte" rejoignaient simplement celles de la musicothérapie en général.

S’allonger sur un divan et écouter des sons harmonieux peut changer notre état d’esprit. Des études sérieuses ont prouvé que le taux de l’hormone du stress chutait, provoquant une grande détente immédiate. On commence à comprendre pourquoi la musique influe sur nos émotions mais est-ce la même chose avec Mozart, Beethoven ou Wagner?

Le Barbier de Séville de Rossini à l'Opéra de Paris

Merci pour ce moment de théâtre

© Bernard Contant (OnP)    
29 septembre 2014 : Si vous n’aimez pas rire à l’opéra, passez votre chemin car cette nouvelle production du Barbier de Séville est sans doute l’une des plus délirantes de ces dernières années.  
Cette production moderne et originale de Damiano Michieletto créée au Grand Théâtre de Genève en 2010 ouvre la saison de Bastille sur les éclats de rire du public. L’Opéra bouffe le plus célèbre de Rossini converti en Commedia del arte avec ses effets comiques millimétrés et réussis, voilà qui est plutôt inattendu.

Même si certains adorateurs diplômés de Rossini boudent un peu la transposition, ce Barbier est un pur divertissement qui trouve son centre de gravité dans l’univers du théâtre populaire élargi à la dimension de l’opéra. Le tourbillon musical rossinien offre un délirant terrain de jeu aux chanteurs, tous apparemment heureux d’incarner cette dérision poétique, merveilleusement accordés.

Roméo et Juliette de Berlioz au TCE

Et Marianne Crebassa apparut…

21 septembre 2014 : Dans le crépuscule d’un été indien, les portes du Théâtre des Champs-Elysées s’ouvraient sur sa première soirée Shakespeare. A la tête de l’Orchestre National de France, Daniel Gatti fait sa rentrée Berlioz à grands renforts d’effectifs instrumentaux et vocaux. 
Bien que les voix accompagnent généreusement la partition, Roméo et Juliette n’est pas un opéra mais une symphonie avec chœur. Le chant du début prépare aux scènes dramatiques riches de sentiments et de passions exprimés par l’orchestre.
Et Marianne Crebassa s’avance… Il suffit alors de quelques mesures pour qu’un frisson nous envahisse. L’enchantement d’une voix rare projetée avec incandescence, un timbre chatoyant et somptueux provoquant soudain une sidération admirative. Tout le mystère du don, de l’émotion et de la présence réunis.

La saison 2014-15 en numérique HD

© Wiener Staatsoper
L’Opéra à domicile

9 septembre 2014 : Depuis quelques années, les plus grandes maisons lyriques se rapprochent des mélomanes du monde entier via les salles de cinéma et le web. 

A New York, le Metropolitan Opera a été le premier à diffuser ses opéras en direct et en haute définition à partir de 2006. Depuis, cette salle mythique attire en moyenne de 225 000 à 250 000 spectateurs lors des diffusions dans 2000 salles de cinémas réparties dans 64 pays.
Le Royal Opera House de Londres a suivi en 2009, étoffant régulièrement son réseau international pour atteindre près de 1000 salles actuellement. 
L’Opéra de Paris a emboité le pas en réservant la diffusion de 4 à 5 nouvelles productions aux salles UGC. Les opéras de Munich, Vienne et Bruxelles proposent le live streaming de leurs spectacles.

Otello de Verdi aux Chorégies d'Orange

Roberto Alagna, un Maure bien vivant

Roberto Alagna © Boris Horvat/AFP
8 août 2014 : Pire que les débats sur le budget  à l’Assemblée Nationale, il y a ceux sur la prise de rôle d’Otello par Roberto Alagna à Orange. 
"L’affaire" enflamme certains blogs et forums et la cruauté du monde de l’opéra n’a d’égale que celle du monde politique. Roberto vient de se faire retoquer par le conseil constitutionnel des défenseurs de l’art lyrique. Je ne suis pas une groupie du ténor national mais plus les attaques sont rudes plus ses bravoures musicales et médiatiques me sont sympathiques.

Pour ses détracteurs, un parcours sans remous, bien réglé, irréprochable mais ennuyeux pour lui à terme eut été préférable. C’est de l’avoir méprisé qu’il subit leurs foudres. Préférant l’ivresse d’un rôle écrasant au confort d’un havre paisible, Roberto est une personnalité pleine d’énergie à sang froid. Il assume ses choix, le sourire aux lèvres, indéboulonnable. Au lendemain d’un jour de pluie de bons mots et de vols de noms d’oiseaux, une presse dépassionnée - elle-même soupçonnée d’avoir scellé un pacte avec le pauvre diable - salue la performance.

Roberto Devereux de Donizetti à Zürich

Voix d’outre-monde et aigus immortels


© Opernhaus Zürich
20 juillet 2014 : Lorsque Edita Gruberova entre sur la scène de l’Opernhaus de Zürich, on se réjouit d’avance de cette soirée au contact de l’un des derniers monstres sacrés de l’opéra. 
La soprano slovaque foule les plateaux depuis plus de 45 ans, triomphant à Munich, Vienne et Barcelone avec ce rôle fétiche d’Elisabeth 1ère d'Angleterre. Dès son entrée, l’artiste domine parfaitement ses moyens vocaux, se jouant de sa technique, trillant, pianissimant, tonitruant…et enflammant le public subjugué par son art.

Roberto Devereux est l’une des pièces maîtresses de son répertoire. Ce soir, Edita Gruberova vient encore de démontrer qu’elle est une Elisabeth hors d’atteinte à près de 68 ans. L’attaque sidérante de ses aigus, sa projection phénoménale et sa présence scénique font de chacune de ses apparitions un moment d’intensité incomparable. A ses côtés, son compatriote, le jeune ténor Pavol Breslik campe un Roberto Devereux pénétré ; son timbre séduisant et sa voix claire et lumineuse font des merveilles face à la diva. La séduction vocale et l’implication scénique de Veronica Simeoni en Sara et d’Alexey Markov, le duc de Nottingham, parachèvent l’enchantement de cette représentation.

Jonas Kaufmann "Du bist die Welt für mich"

Pourquoi ce look de crooner des années 30 ?

10 juillet 2014 

Jonas Kaufmann rouvre une page de l’histoire musicale allemande dans un CD "Du bist die Welt für mich" qui rend hommage aux opérettes des années 30 à Berlin. 
En pleine crise économique de l’entre-deux-guerres, la République de Weimar (entre la défaite de l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, et la montée d'Hitler au pouvoir en 1933) était le centre d’une création artistique considérable. On assiste alors à une explosion d’œuvres dite "légères" sous la plume de nombreux compositeurs comme Lehár, Stolz, Abraham, Tauber, May et Korngold. Ces musiciens seront victimes du fanatisme racial à l’arrivée du nazisme et subiront un destin tragique pour certains d'entre eux.

A la fois "classique" et "populaire", ces opérettes revêtent la mission sociale de divertir les populations confrontées à une grave crise politique. Jonas Kaufmann rend hommage à ce répertoire spécifiquement écrit pour les ténors.

Manon Lescaut de Puccini au ROH

Londres de choc !

Kristine Opolais et Jonas Kaufmann
ROH ©Bill Cooper
26 juin 2014: Dès les premières mesures, l’alchimie orchestrale de Manon Lescaut nous cueille au plus profond de nous-mêmes et réveille les émotions. Avec Giacomo Puccini, les chanteurs savent d’emblée qu’ils entrent en scène pour se consumer dans le drame. Au Royal Opera House de Londres, Kristine Opolais et Jonas Kaufmann l’ont bien compris. On attendait beaucoup de ce nouveau couple lyrique et nos attentes furent comblées. Ces deux tempéraments lyriques immortalisent ce mélodrame flamboyant dans des duos passionnés. Un degré d’ébullition rarissime et une autre façon d’être présents dans l’inspiration de Puccini, tellement incarnée, presque dépassée, que l’impact de leur chant est d’une puissance rarement égalée. Deux voix qui s’accordent à merveille dans une fusion parfaite des sensibilités et des timbres.

Jonathan Kent signe une mise en scène épicée de sensualité et transpose l’argument dans l’univers contemporain d’un motel, d’une salle du jeu, d’une chambre d’hôtes de charme et de la prostitution filmée en télé-réalité. Même si l’adaptation est osée, elle ne côtoie jamais la vulgarité et encore moins l’ennui car elle repose sur la fascination provoquée par ces deux interprètes incroyables de présence. Le sang puccinien coule dans les veines d’Antonio Pappano, pimentant cette partition de ses plus belles envolées orchestrales d’un lyrisme caressant.

Les 10 raisons d'aimer Puccini

...et Manon Lescaut
21 juin 2014 : Les œuvres de Giacomo Puccini sont d’un romantisme indestructible et parlent à notre sensibilité comme nulles autres.
Manon Lescaut enchante actuellement le public londonien et Jonas Kaufmann vient d’annoncer qu’il aimerait ajouter prochainement le rôle de Calaf de Turandot dans son agenda. Selon lui, le pouvoir de cette musique sublime les émotions humaines de manière unique, ce qui lui permet d’entrer dans le personnage "avec son corps et son sang". Les arias sont tous aussi beaux que difficiles, avec une intensité qui ne laisse aucun répit aux chanteurs qui doivent énormément projeter leur voix pour ne pas se faire étouffer par l’orchestre. Roberto Alagna souligne que ces grandes lignes mélodiques exigent des prouesses de souffle et d’endurance. Et "à force de fréquenter Puccini, on se comprend mieux soi-même." dit-il. Pour comprendre cette fascination des ténors à l’égard de Puccini, petit zoom sur les dix raisons d’aimer sa musique.

La Traviata de Verdi à l'Opéra de Paris

Violetta impériale

© Elisa Haberer / Opéra national de Paris
19 juin 2014 : La Traviata est de retour à l’Opéra de Paris dans la nouvelle production de Benoît Jacquot. En adaptant la Dame aux camélias de Dumas, Verdi poursuit son analyse de l’âme humaine, explorant ses zones d’ombre jusqu’au moment où tombe le masque qui occultait la réalité du cœur. Violetta est une héroïne de roman, une "dévoyée" qui a emprunté le mauvais chemin, celui du pire. Ce qui touche immédiatement dans La Traviata, c’est l’expression de la douleur portée à son incandescence par la musique de Verdi. Quand le rideau s’ouvre, Violetta est face à son miroir, son médecin à ses côtés la réconforte du regard. La maladie est déjà là et le sort tragique de la jeune femme est annoncé par ce sublime prélude où les violons seuls pianissimo nous serrent le cœur.

A Bastille, lors de la dernière production de La Traviata dans la vision anecdotique de Christoph Marthaler, on avait quitté les amoureux grimés en Edith Piaf et  Théo Sarapo. Alfredo s’ennuyait tellement à la campagne qu’il réparait la tondeuse à gazon et Violetta rendait son dernier souffle sur un plancher jonché de fleurs en putréfaction. Rien de tel avec Benoît Jacquot qui préfère cultiver l’exaltation des sentiments. Comme pour Werther en 2010, pas de relecture ni de transposition mais un travail d’esthète sublimant la lumière et les décors, au plus proche du texte et de ses interprètes. Le metteur en scène assume son choix de mettre en exergue le chant, sa force et son drame, surtout quand il est servi par de grands interprètes comme Diana Damrau, Ludovic Tézier et Francesco Demuro.

Manon Lescaut, en direct du Royal Opera House

Âmes sensibles, ne pas s’abstenir

15 juin 2014 : En direct du Royal Opera House le 24 juin prochain à 19h45, dès les premières notes de la musique de Giacomo Puccini, les mélomanes assis dans la pénombre des centaines de salles de cinéma du monde entier retiendront leur souffle. Manon Lescaut revient à Covent Garden après 30 ans d’absence dans une nouvelle mise en scène de Jonathan Kent. Mais surtout, l’affiche brille de mille feux avec la promesse d’un lyrisme radieux. Un nouveau couple lyrique se forme réunissant Kristine Opolais dans le rôle-titre face à Jonas Kaufmann dans son premier Chevalier Des Grieux, une prise de rôle très attendue pour chacun d’eux.

Dès sa création en 1893, Manon Lescaut fût un immense succès couronné par trente rappels. Le monde entier salua le don symphonique de Puccini et l’intensité musicale extrême de l’ouvrage. Le compositeur fût depuis régulièrement raillé pour le sentimentalisme de ses opéras, oubliant son sens aigu de l’innovation harmonique et du langage dramaturgique. A Londres, qui pourra résister au pouvoir émotionnel de cette partition et de ces deux interprètes ?
Premiers échos à découvrir dans les jours suivant la première du 17 juin.

L'Italienne à Alger au TCE

Lemieux au mieux de sa forme

11 juin 2014: Quatrième volet du Festival Rossini présenté au Théâtre des Champs-Elysées, L’Italienne à Alger est composé de pages brillantissimes qui requiert autant d’agilités vocales que de talents comiques. Présentée dans une version de concert, cette bouffonnerie déjantée permet aux interprètes de s’en donner à cœur joie, pour le plus grand plaisir d’un public hilare. A lui seul, le titre de l’ouvrage fait sourire mais c’est bien une belle aventurière qui a enflammé l’imagination du jeune Rossini de 21 ans. L’intrigue invraisemblable mêle corsaires, eunuques et turqueries, tout cela mené tambours battants autour d’une Italienne au tempérament bien trempé, Isabella.

Dans ce rôle haut en couleurs, la contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux confirme son abattage inné. Elle est entourée de chanteurs rôdés aux techniques rossiniennes accolées à un certain talent pour la comédie et beaucoup de truculence. Tous réunis dans le bonheur de chanter cette partition écrite comme une mécanique d’horlogerie. Le talent de Rossini de souligner en musique l’aspect dérisoire et comique des situations est absolument fascinant.

Tancredi de Rossini au TCE

Ciofi, sublime Amenaide

Patrizia Ciofi & Marie-Nicole Lemieux, 
© Vincent Pontet Wikispectacle
23 mai 2014: Après Otello et Le Barbier de Séville, Tancredi est le troisième volet du Festival Rossini au Théâtre des Champs-Elysées. Chanter Rossini relève toujours de l’exploit, exigeant maîtrise technique, flexibilité vocale, légèreté et raffinement. Rossini signe ici deux magnifiques rôles de femmes soprano et contralto et les interprètes de ce mélodrame héroïque en sont le parfait révélateur. 
Patrizia Ciofi domine cette distribution et nous offre l’une de ses plus incandescentes compositions. Son Amenaide déchirée est une merveille de virtuosité, d’engagement scénique et d’émotion. 
Pour sa prise de rôle, Marie Nicole Lemieux réussit son incursion dans le genre seria et incarne un Tancrede éprouvé par le destin, à la fois jeune et touchant. Les accords de voix dont le compositeur joue à merveille sont sublimés par ces deux artistes. La direction de Enrique Menzola est superbe de finesse nous révélant pleinement cette écriture orchestrale si réjouissante. La mise en scène sobre et froide est à l’opposé des couleurs rossiniennes.

Cet opéra contribua à la reconnaissance mondiale du jeune Rossini de 21 ans. En 1813, Tancredi est une révolution dans le genre opera seria. Le compositeur a déjà écrit neuf opéras bouffes et il va apporter au genre la vivacité qui le caractérise et soigner de courts récitatifs pour éloigner l’ennui. Il donne ainsi vie à des mélodies simples qui emportent tout et surtout l’adhésion du public.

La Cenerentola de Rossini au Met

Hymne à la joie 

Joyce DiDonato, irrésistible Cenerentola
© Ken Koward / Metropolitan Opera
14 mai 2014: La saison des retransmissions 2013-14 du Metropolitan Opera de New York s’est terminée sur La Cenerentola de Gioacchino Rossini inspirée du célèbre conte de fées. Rien n’est plus jubilatoire que Rossini au paroxysme de son inspiration dans un irrésistible tourbillon rythmique. 
Une soirée illuminée par deux icônes actuelles du bel canto: Joyce DiDonato et Juan Diego Flórez. Et le Met ne pouvait pas trouver mieux comme partenaires: Alessandro Corbelli, Luca Pisaroni et Pietro Spagnoli. Rossini a le don de faire naître l’humour de sa musique et on perçoit que les chanteurs prennent beaucoup de plaisir dans cette mise en scène qui pétille. Efficacité mécanique, gaîté communicative et ivresse du chant.

Composée en trois semaines par un jeune Rossini de 25 ans, La Cenerentola brille par ses exquises ornementations, expression musicale d’une joie quasi incontrôlable. Mais c’est aussi un chef d’œuvre de grande originalité reposant sur un savant mélange de comédie, romantisme et bons sentiments. Longtemps éclipsé au profit du Barbier de Séville composé un an avant, cet ouvrage s’est finalement imposé comme une des plus belles partitions du compositeur.

Otello de Rossini au TCE

Un Maure à Venise

Cecilia Bartoli et John Osborn dans Otello © Hans Jorg Michel
22 avril 2014: Double jubilation au Théâtre des Champs-Elysées en ce mois d’avril avec le retour de Cecilia Bartoli dans un opéra sur une scène parisienne et cinq représentations du très rare Otello, le premier volet du Festival Rossini. Cette production signée par Moshe Leiser et Patrice Caurier créée à Zurich en 2012 nous permet de découvrir cet opéra illuminé par une distribution de haut vol qui a mis l’auditoire à genoux. La diva italienne ne se produisant que dans des récitals consacrés à des compositeurs oubliés ou sur les scènes de Zurich et de Salzbourg dont elle est la Directrice artistique du Festival, sa présence à Paris est un événement. Les amateurs de bel canto ont été comblés par son chant incomparable.

Gioachino Rossini n’a que 24 ans quand il se tourne vers l’adaptation du consistant Otello de Shakespeare, une inspiration que l’on peut qualifier d’originale en ce début de XIXe siècle. Le grand William n’est pas encore bien connu en Italie et il n’existe que quelques traductions françaises de son œuvre. C’est déjà le dix-neuvième opéra du compositeur, écrit après de beaux succès comme Tancrède, L’Italienne à Alger et Le Barbier de Séville. C’est surtout sa première incursion dans un ouvrage seria ("sérieux"), un mélange d’italianité et de drame. Mais Rossini reste Rossini et son langage musical possède les mêmes qualités de vitalité, de rythme et de prodigieux arias et duos.

Jonas Kaufmann chante Le Voyage d'hiver à Paris

Architecte d’intérieur

© Espace Lyrique
12 avril 2014: A peine revenu de New York après un bouleversant Werther, le ténor qu’on ne présente plus entamait son tour d’Europe pour s’engager dans le cycle sombre et tragique du Winterreise, Le Voyage d’hiver de Schubert.
Après Barcelone, Genève et Londres, Jonas Kaufmann était sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées le 8 avril dernier. En se confrontant aux rôles les plus exigeants, ce chanteur a construit méticuleusement sa réputation de ténor accompli. Interprète caméléon, il se coule dans l’intériorité de ses personnages avec une crédibilité remarquable. Pour lui, toute prise de rôle est une page blanche sur laquelle il a élaboré sa vision du rôle inspirée de son propre ressenti et de la puissance évocatrice de la musique. Sa façon de projeter les émotions dans son chant et son langage corporel est absolument fascinante.

Avec le cycle de Schubert, les défis sont différents. Après avoir tant chanté la passion, Jonas Kaufmann doit entreprendre ce voyage dans une nuit glacée. Winterreise est un long poème racontant la marche désespérée d’un homme trahi par sa bien-aimée. Il se rattache aux souvenirs du passé et erre tel un spectre jusqu’à l’étape ultime de la destinée humaine. Le chanteur semble s’identifier à cet homme en errance, usé, anéanti et figé dans la souffrance. Grâce à l’étendue du talent d’un artiste dans toute sa plénitude, ce voyage intérieur se mue en communion quasi mystique avec le public.

Saison 2014-15 au Bayerische Staatsoper

"Regards, baisers et morsures", une saison en enfer amoureux

©Bayerische Staatsoper
6 avril 2014: L’Opéra de Munich a présenté sa nouvelle saison en mars sous le thème "Regards, baisers et morsures".
"Inspirés par Heinrich von Kleist, ces trois mots cernent assez précisément le monde émotionnel de l'opéra. Le contraste entre l'amour et la haine comme moteur de l'action  est au cœur des nouvelles productions de la saison à venir" précise le Superintendant Nikolaus Bachler, accompagné de Kirill Petrenko, le nouveau Directeur de la Musique.

Le Bayerische Staatsoper est un lieu emblématique de l’art lyrique qui vise le plus haut niveau : des saisons riches et variées, un opéra différent chaque soir avec les meilleurs interprètes, un orchestre de grande qualité dirigé par un nouveau chef créatif et talentueux. La somptuosité de la salle et son excellente acoustique bouclent le cercle du plaisir. Ultime jubilation, la prochaine saison sera rythmée par un défilé impressionnant de grandes voix: Jonas Kaufmann, Anna Netrebko, Anja Harteros, Diana Damrau, Waltraud Meier, Olga Peretyatko, Véronique Gens, Sondra Radvanovski, Sonya Yoncheva, René Pape, Ludovic Tézier, Luca Pisaroni, Simon Keenlyside, Mariusz Kwiecien,  Joseph Calleja. Une saison florissante qui émousse déjà notre curiosité: plus de 40 ouvrages, deux fois plus qu’à l’Opéra de Paris, pour un budget deux fois moindre.

Saison 2014-15 au Wiener Staatsoper

La ville la plus agréable à vivre au monde

31 mars 2014 : La nouvelle saison lyrique 2014-15 vient d’être dévoilée au Wiener Staatsoper. A Vienne, plus qu’ailleurs, la vie est rythmée par la musique. La ville est totalement imprégnée de l’âme d’illustres compositeurs comme Mozart, Beethoven ou Haydn qui en firent la capitale musicale de l’Europe dès le XVIIIe siècle. Mais aussi Berg, Brahms, Mahler,  Schubert, Strauss. 
Une promenade dans les rues étroites permet de visiter leurs demeures-musées. Un week-end dans la capitale autrichienne se révèle à chaque fois un enchantement car l’art est partout. Peintres, designers et architectes ont laissé leur empreinte en plusieurs strates : baroque et rococo, Jugendstil et Secession, moderne et post-moderne. Les vitrines regorgent de tentations pâtissières et on peut y croiser Juan Diego Florez qui habite à deux pas !

La vie lyrique y est très riche tout au long de l’année. Sur la scène du Wiener Staatsoper, on croise les plus belles voix du monde qui font de Vienne un passage obligé. C’est le seul opéra au monde à programmer 50 opéras et plus de 300 levers de rideau par saison. On peut voir un ouvrage différent chaque soir dans la même semaine, comme ce mois d’avril: Lohengrin, Madame Butterfly, Parsifal, Rigoletto, Le Chevalier à la Rose et L’Elixir d’amour . De plus, il règne une courtoisie typiquement viennoise qui à de quoi émerveiller car cette affabilité est de plus en plus oubliée ailleurs. Ce n’est pas un hasard si Vienne arrive régulièrement en tête du classement des villes internationales où il fait bon vivre (1).

Werther de Massenet au Met

Le passé recomposé

Jonas Kaufmann et Sophie Koch
©Ken Howard / Met
17 mars 2014: Quatre ans après le Werther d’anthologie de l’Opéra de Paris, Jonas Kaufmann et Sophie Koch reforment le couple d’amants malheureux et incroyablement beaux sur la scène du Metropolitan Opera de New York. La nouvelle production de Richard Eyre transpose l’argument au XIXe siècle de Massenet, autres temps tout aussi romantiques que le XVIIIe siècle de Goethe. Avant de découvrir cette nouvelle production, on repense à leur prise de rôle miraculeuse à Bastille, cette soirée où la tension dramatique s’inscrivit puissamment dans notre mémoire émotionnelle. Pour revivre une telle intensité, la barre est haute et de toute évidence, les interprètes n’échapperaient pas aux comparaisons. On imagine même leurs pensées secrètes pendant les répétitions avec une impression de remise en jeu de leur titre olympique !

Et pourtant, quel enchantement musical et quel bonheur de retrouver ce couple légendaire animé de la même passion, capable une fois de plus de nous emporter dans un crescendo lyrique d’une beauté sidérante. La preuve qu’on peut faire confiance aux grands talents pour nous surprendre encore et encore dans leur capacité à se renouveler et à nous enchanter.

Saison 2014-15 à l'Opéra national de Paris

Humbles servants du génie créateur

©Patrick Tourneboeuf/OnP
14 mars 2014 : La nouvelle saison de l’Opéra national de Paris vient d’être officiellement dévoilée. La bande-annonce est vouée à nous faire rêver un instant sur le grand air sublime d'Adriana "Io son l'umile ancella", "je suis l'humble servante du génie créateur", interprété par Angela Gheorghiu. Le théâtre dans le théâtre avec la profession de foi de l'illustre tragédienne Adrienne Lecouvreur qui s'abandonne "Il m’offre la parole, et moi je la répands dans le cœur". L’art de l’émotion pour nous projeter dans les seize ouvrages lyriques et leurs interprètes qui laisseront leur empreinte. "Les humbles servants, c’est ce que nous sommes, nous qui sommes au service des compositeurs, des poètes et des chorégraphes" précise son Directeur Nicolas Joël.

Cette nouvelle saison se présente comme une année de transition sage et soignée avant la prise de fonctions du nouveau Directeur Stéphane Lissner en août prochain. Parmi les 16 titres, 6 nouvelles productions vont rythmer cette saison, dont deux œuvres rares : Le Roi Arthus d’Ernest Chausson et Le Cid de Jules Massenet. Avec les reprises de Pelléas et Mélisande, Faust et Alceste, le répertoire français  est bien représenté. Les piliers du grand répertoire tels La Traviata, La Bohème, Don Giovanni, La Flûte enchantée et de nouvelles visions du Barbier de Séville et de Tosca devraient attirer le public en masse. Côté distribution, Kaufmann, Florez, Harteros et Netrebko sont toujours aux abonnés absents mais beaucoup de belles voix sont à l’affiche.

Le Prince Igor de Borodine au Met

Les Champs de pavots du Prince Ildar

Ildar Abdrazakov en Prince Igor 
©Cory Weaver/Metropolitan Opera
9 mars 2014 : C’est le grand retour du Prince Igor au Metropolitan Opera de New York après près d’un siècle d’absence. Cet ouvrage d’Alexandre Borodine retrace la fondation de la nation russe au XIIe siècle. 
La nouvelle production de Dmitri Tcherniakov explore l’esprit tourmenté du prince déchu dans un voyage intérieur saisissant. Le metteur en scène russe est connu pour son penchant pour la transgression assaisonnée d’invraisemblances ou de fantaisies agaçantes. On se souvient de la récente Traviata de la Scala en décembre dernier qui a divisé le public milanais, ou encore ses jeux de rôle freudiens du Trouvère bruxellois en 2012 et son Don Giovanni dérangeant d’Aix en 2010.

Pour ce Prince Igor, pas de détour ni de subversion mais une mise en scène captivante et magnifique. Très inspiré par l’histoire russe, Tcherniakov signe ce spectacle où chanteurs et chœurs nous font vivre un superbe moment de théâtre. Une réussite artistique sur tous les plans : décors, costumes, direction d’acteurs et mouvements de scène. Côté interprétation, une distribution de grande qualité – en majorité russophone - avec le rôle-titre interprété par la basse russe Ildar Abdrazakov dont la profondeur abyssale et expressive de la voix donne des frissons. Alternant lyrisme russe raffiné et explosions orchestrales brillantes, l’écriture riche de Borodine charme et captive sans faiblir.

Le Villi de Puccini au TCE

Le lyrisme puccinien en germe

De g. à d. : Stéphane Petitjean (chef de chœur), 
Ermonela Jaho, Thiago Arancam, Angel Odena, 
Luciano Acocella et Marcello Scuderi (récitant).
23 février 2014 : Le temps d’une soirée de concert, le Théâtre des Champs-Elysées a projeté Le Villi dans la lumière, le premier ouvrage de Puccini et une rareté sur les scènes lyriques. Ce sont les premiers pas du compositeur dans l’opéra qui distillent déjà ce courant magnétique qui donne le frisson. Les trois solistes investis avec brio dans ce lyrisme intense sont accompagnés par le puissant Chœur de Radio France. L’Orchestre National de France est dirigé avec fougue par Luciano Acocella.

Très tôt, l’intuition de Puccini le guide vers la magie de la scène lyrique pour exprimer sa sensibilité musicale. Il puise sa densité dramatique dans la tragédie des êtres livrés à un destin cruel. Dans cet opéra de jeunesse, on découvre les germes de ce lyrisme intense qui fera son succès et ravira ses inconditionnels : la passion fiévreuse, la trahison, le désespoir à fleur de peau et la fin tragique. Comme Manon, Mimi, Tosca ou Cio-Cio-San, Anna l’héroïne attachante meurt tragiquement.

Saison 2014-15 du Metropolitan Opera

Six nouvelles productions et des étoiles en nombre

© Metropolitan Opera
13 février 2014 : La saison 2014-15 du Metropolitan Opera de New York vient d’être dévoilée. On découvre 26 opéras, 6 nouvelles productions et 18 reprises alignant une kyrielle de grands talents : chanteurs, chefs d'orchestre et artistes de théâtre. L’institution lyrique a planifié un mélange de classiques du répertoire et d’ouvrages plus rares, ceci afin de satisfaire aussi bien les habitués que les nouveaux arrivants ou même les amateurs d’expérience musicale.

Cette saison affiche six nouvelles productions très appétissantes, le record de ces dernières années. Toutes les plus belles voix du monde seront sur scène dans un manège de représentations plus alléchantes les unes que les autres. Une saison riche et stimulante qui donne vraiment envie de déménager outre-Atlantique.

Rusalka au Met de New York

Sirène de la renommée

Renée Fleming
10 février 2014 : Rusalka est un conte lyrique qui réussit à nous émerveiller de bout en bout par la beauté de sa ligne mélodique. La dernière diffusion Live in HD du Met a permis de redécouvrir cet ouvrage dans la mise en scène d’Otto Schenk de 1993, fidélissime au livret. Pas d’allégorie ni de lecture psychanalytique mais un réalisme kitch un peu périmé.

Renée Fleming incarne cette nymphe des eaux qui passe des froides profondeurs bleutées de son étang au feu de la passion muette, un rôle-titre qui occupe une place importante dans sa carrière. Le ténor polonais Piotr Beczala campe un prince charmant tour à tour passionné et malheureux.

Rusalka est un merveilleux opéra au lyrisme délicat où éclate le génie mélodique d’Anton Dvorak. C’est le seul ouvrage du compositeur qui a trouvé sa place dans le répertoire des maisons lyriques internationales. Grand admirateur du romantisme allemand, il s’est inspiré des harmonies wagnériennes qui installent une atmosphère mystérieuse et mélancolique mais aussi tendre et voluptueuse. Le somptueux "Chant à la lune" est un moment de pur ravissement pour succomber à la voix enchanteresse de la sirène Renée Fleming.

Agenda 2014-15 de Juan Diego Flórez

Tous les chemins mènent à Roméo

© Josef Gallauer
6 février 2014 : Alors que les annonces des saisons lyriques 2014-2015 se préparent, certains chanteurs commencent à dévoiler leurs agendas. C’est le cas de Juan Diego Flórez ou plutôt de son Agent Ernesto Palacio sur le site International Artists Management

New York, Milan, Vienne, Londres, Lima… le ténor ira poser ses valises bien loin de Paris où les passionnés d’opéra électrisés par sa voix invincible devront attendre son concert de novembre 2015. 
D'ici là, il ira défendre sa première apparition dans Roméo et Juliette de Gounod au Grand Théâtre national de Lima au Pérou en novembre prochain. Une incursion dans le répertoire romantique français après des années de bel canto et un défi vocal pour cette prise de rôle de Roméo. Avec le temps, sa voix prend du volume et des couleurs plus dramatiques. Etape par étape, Juan Diego Flórez aborde de nouveaux ouvrages et élargit son spectre musical. Et il n’a pas cessé de parfaire sa diction de notre langue. Fidèle à lui-même, il reste invariablement un technicien magistral et un musicien intelligent et élégant. Nul doute que le public péruvien va se presser en masse pour applaudir le ténor de retour au pays pour cette prise de rôle.

Werther de Massenet à l'Opéra de Paris

Avec le cœur mais sans les larmes


Karine Deshayes et Roberto Alagna
Werther à l'Opéra Bastille © Julien Benhamou
29 janvier 2014 : Werther revient à l’Opéra de Paris dans la mise en scène légendaire de Benoît Jacquot et sous la baguette de Michel Plasson. Lorsque le rideau se lève sur ce grand retour du chef-d’œuvre de Massenet les ombres de Jonas Kaufmann et Sophie Koch planent encore dans ce lieu. Il y a quatre ans jour pour jour, le couple d’amants romantiques incroyablement beaux et hantés par la tragédie laissa Bastille littéralement sous le choc. Ils apportèrent à ce flux symphonique déchirant une intensité tragique inoubliable. Werther c’est à la fois la simplicité d’une histoire et l’intensité des émotions des protagonistes. Quatre actes pour parcourir les quatre saisons d’un amour impossible : l’éclosion, l’ardeur, la séparation et la mort. Cette musique exige de la part des chanteurs une connexion au centre de gravité des émotions car le chemin est baigné de larmes. 

Ce soir, Roberto Alagna et Karine Deshayes reprennent les rôles de Werther, le poète mélancolique et Charlotte, la jeune fille fidèle à son devoir. La qualité du chant est incontestable et l’implication des artistes est évidente, mais on reste un peu à l’extérieur, en attente de la vague d’émotion. Du cœur à l’ouvrage mais pas de larmes.

Les chiffres de l'Opéra de Paris

Coût de folie le samedi soir
23 janvier 2014: A quelques semaines de l'annonce de la nouvelle saison, on sait déjà que la meilleure performance de l’Opéra de Paris sera la hausse historique du prix des billets. En décembre dernier, son conseil d’administration a voté à l’unanimité une augmentation de 10% du prix des places de catégories 1, 2 et 3, les autres catégories étant préservées. Début janvier, Christophe Tardieu, Directeur général adjoint de l’ONP, précisait qu’une grille modulaire des tarifs en fonction de l’affluence serait mise en œuvre. Ainsi à Bastille, il y aura une hausse de 20% les vendredis et samedis soirs très prisés et une baisse de 20% certains lundis soirs clairsemés. Les raisons sont évidentes : baisse des subventions de l’Etat et nécessité de compenser la perte de plus de 90.000 spectateurs en 2013. 
Dans un communiqué publié lundi, l’Opéra de Paris annonce un taux de fréquentation de 95% de ses deux salles de Bastille et Garnier en 2013, un chiffre dans la ligne des années précédentes. Mais sur cette même période, 764.566 spectateurs sont venus assister aux spectacles alors qu’ils étaient 855.500 l’année précédente (*). Dans le même temps, les diffusions en direct de l'ONP dans les cinémas du réseau UGC ont réuni trois fois plus de spectateurs : 120.000 personnes alors qu’elles étaient 40.000 en 2012. Est-ce une migration du public traditionnel ou une curiosité grandissante pour l’opéra filmé à moindre coût ? 

La Forza del destino de Verdi à Munich (2)

Force 10

Vitalij Kowaljow (Padre Guardiano), Anja Harteros (Leonora)
 Jonas Kaufmann (Alvaro) et Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas)
11 janvier 2014 : Retour de Munich après une représentation de La Forza del destino avec des voix emmenant aux portes d’un rêve éveillée. 
Dans cette nouvelle production du Bayerische Staatsoper, la musique est littéralement portée par un trio vocal qui hisse l’art du chant à un niveau rarement exploré. Anja Harteros, Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier sont les trois piliers de cette expérience lyrique qu’on ne vit que quelques soirs dans sa vie de mélomane.

Après la découverte de la première en streaming (article du 29 décembre), j’ai eu la chance de revivre ce spectacle à quelques mètres de ce casting magnifique. L’atmosphère des grands jours était palpable car une foule impressionnante de passionnés en quête d’un miraculeux billet inondait les marches de l’opéra. Les portes s’ouvrirent alors sur une soirée de grande intensité, au point de concevoir ces trois artistes comme les dignes représentants du patrimoine vocal du XXIe siècle.