Le lyrisme puccinien en
germe
De g. à d. : Stéphane Petitjean (chef de chœur),
Ermonela Jaho, Thiago
Arancam, Angel Odena,
Luciano Acocella et Marcello Scuderi (récitant).
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23 février 2014 :
Le temps d’une soirée de concert, le Théâtre des Champs-Elysées a projeté Le Villi dans la lumière, le premier
ouvrage de Puccini et une rareté sur les scènes lyriques. Ce sont les premiers
pas du compositeur dans l’opéra qui distillent déjà ce courant magnétique qui donne le frisson. Les trois solistes investis avec brio dans ce lyrisme
intense sont accompagnés par le puissant Chœur de Radio France. L’Orchestre
National de France est dirigé avec fougue par Luciano Acocella.
Très tôt, l’intuition de
Puccini le guide vers la magie de la scène lyrique pour exprimer sa sensibilité
musicale. Il puise sa densité dramatique dans la tragédie des êtres livrés à un
destin cruel. Dans cet opéra de jeunesse, on découvre les germes de ce lyrisme
intense qui fera son succès et ravira ses inconditionnels : la passion fiévreuse, la trahison, le désespoir à fleur de peau et la fin tragique. Comme Manon, Mimi,
Tosca ou Cio-Cio-San, Anna l’héroïne attachante meurt tragiquement.
© Editions Ricordi
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Les débuts prometteurs
Giacomo Puccini n’a que 25 ans lorsqu'il compose Le
Villi en 1884. Il vient de quitter le Conservatoire de Milan avec un diplôme de composition en poche et il arpente régulièrement les couloirs de la Scala. On
lui propose un poste d’enseignant dans son ancienne école de musique de
Lucques, sa ville natale, mais il refuse. Le jeune Puccini préfère sa liberté d’artiste et il s'accroche à son ambition de devenir musicien de théâtre. C’est alors que son professeur,
le compositeur Ponchielli, l’encourage à postuler à un concours couronnant un
opéra en un acte organisé par l’éditeur Sonzogno. Le jury ne retient pas Le Villi mais quelques mois plus tard, dans
les salons d’un riche mécène amateur d’art et de musique, son destin se met en marche. Puccini donne des extraits chantés de son opéra devant un auditoire choisi et enthousiaste dont le très influent
Arrigo Boito, compositeur et librettiste de Verdi. Il trouve ainsi le coup de pouce artistique puis le soutien
financier qui lui permettent de représenter Le
Villi au Teatro del Verne de Milan. Le succès est considérable et soulève même
l’admiration de Giuseppe Verdi, le Maestro révéré comme un dieu vivant, alors âgé de 70 ans. Puccini peut désormais
s’adonner à sa passion de compositeur d’opéras.
Ermonela Jaho, Thiago Arancam et Angel Odena |
La légende des Villis
Dans les légendes d'Europe Centrale, les Villis sont les jeunes filles mortes avant
leur mariage, trahies par un fiancé infidèle. Leurs fantômes errent dans la Forêt
Noire, persécutent les traîtres et les tuent. Dans Le Villi de Puccini, on célèbre les fiançailles de Roberto (ténor) et
d’Anna (soprano), la fille du garde forestier Guglielmo (baryton). Anna conjure son fiancé de ne jamais oublier l’amour qui les lie et lui l’assure de sa fidélité
éternelle. Parti recevoir un héritage à Mayence, Roberto succombe au charme d’une autre femme et Anna en meurt de
chagrin. Rongé par le remords, l’infidèle revient au village mais les Villis
apparaissent avec Anna parmi elles. Elles dansent autour de Roberto qui meurt
aux pieds de sa fiancée.
Ermonela Jaho, charme et émotion © Fadil Berisha |
La soprano albanaise Ermonela Jaho s’empare de ce rôle dramatique
avec passion et sensibilité. Son timbre charnu et la puissance de ses aigus
donnent beaucoup d’éclat à sa prestation. Totalement investie dramatiquement, elle laisse couler quelques vraies larmes d’émotion. C’est la première fois que
je vois une chanteuse pleurer naturellement en scène ! Apparemment, cette situation
qui peut devenir dramatique pour la projection de la voix semble plutôt bien
gérée par la soprano.
Silhouette longiligne, posture dramatique, sensibilité frémissante
et magnétisme de la voix, la soprano réveille l’image pénétrante de Maria
Callas, inconsciemment peut-être. Dès son entrée sur scène, avec l’intensité du
regard, le port de tête altier et les cheveux noirs enroulés dans la nuque, on
pense à la Diva.
Thiago Arancam et Angel Odena |
Face à elle, le jeune
ténor italiano-brésilien Thiago Arancam
se montre très expressif avec quelques coups d’éclat sonores. Le baryton
espagnol Angel Odena au timbre
sombre est également scéniquement investi.
Il faut rendre hommage
au Théâtre des Champs-Élysées d’avoir programmé cet opéra rarissime servi par
un plateau vocal très impliqué. Une soirée passionnante qui a vibré de la richesse musicale du compositeur. L’ouvrage étant de courte durée, une première
partie a permis d’entendre les trois artistes dans des œuvres de Ruggero
Leoncavallo, Arrigo Boito, Pietro Mascagni et Francesco Cilea.
Tout le génie musical à
venir de Puccini émerge dans Le Villi.
Comment ne pas être touché par cette musicalité immédiatement reconnaissable,
cette richesse orchestrale et cette intensité du chant qui tourneboulent !
Kiri
te Kanawa chante "Se come voi piccina io fossi"
Le Villi Acte 1
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