La Forza del destino de Verdi à Munich

L’accord parfait

Jonas Kaufmann (Alvaro) et Anja Harteros (Leonora)
29 décembre 2013
En cette fin d’année célébrant le bicentenaire de Verdi, le plus brûlant couple lyrique actuel se reforme dans La Force du destin, une nouvelle production du Bayerische Staatsoper de Munich. Comme d’habitude, le tirage au sort du billet-sésame laissa de très nombreux postulants aux portes de l’opéra bavarois. Le rendez-vous fût toutefois rendu possible par la diffusion en direct de la représentation du 28 décembre. 
Les mélomanes du monde entier ont pu ainsi se réjouir de retrouver Anja Harteros et Jonas Kaufmann, le couple brisé par le destin : Donna Leonora et Don Alvaro. Don Carlo di Vargas, l’autre force obscure du destin, est incarné par Ludovic Tézier. L’harmonie des voix de cette trinité soprano-ténor-baryton est absolument fascinante. Le feu verdien est porté par ces interprètes d'exception qui savent redonner un nouvel éclat à la vocalité généreuse de l’ouvrage.

Jonas Kaufmann (Alvaro), Vitalij Kowaljow (Padre Guardiano),
Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas), Anja Harteros (Leonora)
La Force du destin n’est pas seulement l’opéra avec l’Ouverture la plus célèbre de Verdi. C’est aussi une œuvre admirable qui s’inscrit dans un climat humain bouillonnant qui oscille entre amour ardent, désespoir sans fond et pulsions de vengeance. A ce jeu des exaspérations passionnelles, les artistes rivalisent d’intensité, de splendeur vocale et d’investissement dramatique. A eux seuls, ils font émerger les frémissements de l’âme dans ce drame de l’amour et de la mort. Totalement absorbés par la beauté des voix et le jeu enflammé des artistes, on en oublierait presque la mise en scène de Martin Kujek qui lui a oublié de mettre en relief la dimension si particulière de l’opéra, notamment la Force

Juan Diego Florez dans La Favorite de Donizetti

Tremblement de terre avenue Montaigne !

20 décembre 2013 : Rarement le Théâtre des Champs Elysées n’aura tremblé d’une telle ovation à la fin d’un concert. Cette standing ovation nous la devons au ténor bel-cantiste inondé de superlatifs Juan Diego Florez. Sa voix inouïe et sa virtuosité donnent des frissons de plaisir au public qui salue la performance artistique quasi sportive. 
Ce 18 décembre, La Favorite de Donizetti s’installe à Paris pour une unique représentation de version de concert. Pour clore le programme 2013 des "Grandes Voix" en beauté, le fidèle invité de la série incarne Fernand, le jeune novice amoureux de la maîtresse "favorite" d’Alphonse XI, roi de Castille. Une intrigue qui se joue dans l’Espagne du XVIe siècle, au temps des luttes de pouvoir entre Eglise et Etat et de leurs tumultes illustrés de très belles pages lyriques.

Chaque intervention de Juan Diego Florez est un délice et une performance vocale bénie par ce timbre unique reconnaissable entre tous. Le ténor péruvien affiche l’éclat insolent de ses aigus dans une aisance déconcertante. Tel un ruban d’or, le superbe phrasé et la ligne musicale tendre et moelleuse nous transportent dans le ravissement extatique des cimes du bel canto. Ses possibilités paraissent sans limites et on en tremble pour lui par moment. Mais comment fait-il ? On a l’impression que Juan Diego Florez va puiser au fond de lui-même ces ressources intarissables qu’il souhaite faire partager à ce public déjà conquis par le silence qui précède l’exploit technique.

Dialogues des Carmélites de Poulenc au TCE

Touchées par la grâce

Rosalind Plowright (Madame de Croissy)
et Patricia Petibon (Blanche de la Force
15 décembre 2013 : 
Le Théâtre des Champs Elysées présente une production marquante des Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc
Ce chef-d’œuvre lyrique du compositeur a été joué dans de nombreux théâtres lyriques français  en 2013, célébrant ainsi le cinquantenaire de sa disparition. Très inspiré par la résonance spirituelle de l’œuvre, Olivier Py signe une mise en scène fascinante de pureté, un dénuement scénique monacal et de sublimes lumières qui décuplent la beauté des douze tableaux de l’opéra.

Cette tragédie théologique est inspirée de l’histoire réelle des Carmélites de Compiègne qui furent arrêtées puis guillotinées pour "conspiration" en 1794. Le mystère de la foi comme argument d’opéra, de quoi constituer un réel défi pour un compositeur. La réussite est totale, mêlant l’adaptation ingénieuse du texte de Georges Bernanos à la richesse de sa partition musicale, une écriture "follement vocale", passant du récitatif intimiste au lyrisme bouleversant. La puissance émotionnelle de la musique de Poulenc est portée par un plateau vocal prestigieux composé des plus belles voix françaises.

Les Puritains de Bellini à l'Opéra de Paris

L’amour en cage
8 décembre 2013 : Les Puritains, l’un des sommets du Bel Canto, reviennent à l’Opéra de Paris. Le génie mélodique de Bellini éclate dans cet ultime opéra composé peu de temps avant sa mort à l’âge de 34 ans. Ce bellinissime ouvrage n’avait pas été joué depuis son entrée au répertoire parisien en 1987 à l’Opéra-Comique. En 2012, une version de concert au Théâtre des Champs Elysées en 2012 avait permis de redécouvrir cette partition truffée de difficultés techniques surmontées avec brio par Olga Peretyatko. Le livret étant assez faible et improbable, Bellini exploite le romantisme de la situation dans un florilège de mélodies somptueuses. Ces magnifiques pages furent écrites sur mesure pour un quator de très grandes voix de l’époque. Les jeunes talents qui l’abordent ne doivent pas être trop frileux.
Le drame se joue dans le décor romanesque d’un château anglais du XVIIe siècle. Laurent Pelly appréhende l’espace scénique à travers les mouvements d’une caméra imaginaire et le rideau s’ouvre sur une structure métallique de château sur un plateau tournant, comme une image filaire en 3D conçue avec un logiciel de CAO - Conception Assistée par Ordinateur -. Le décor se réduit à cette immense cage "qui enferme le personnage dans un monde rigoureux et austère, historique et irréel" dit-il. Il ajoute "les costumes sont travaillés sur des lignes d’époque mais complètement épurées". Epure et transparence, un vrai coup de jeune dans la déco !