Hamlet à l’Opéra Comique

En grand et en majesté
23 décembre 2018 : Difficile d’imaginer plus merveilleux Hamlet. Le talent de Stéphane Degout éclate dans son incarnation vibrante du personnage shakespearien. Glorieux de timbre et d’amplitude, le baryton français délivre une performance d’acteur habité corps et âme, dans une détermination qui serre le cœur. Rôle écrasant dans lequel il semble aller jusqu’au bout des sentiments dévastateurs dans les affrontements théâtraux. Sous l’influence du spectre du père qui le pousse à agir, il est fascinant d’intensité, tout autant bouleversant et halluciné dans l'opposition à la mère ou face à Ophélie. Silhouette gracile, pureté des aigus, Sabine Devieilhe incarne Ophélie pour la première fois. Toujours virtuose, la soprano invite à un chant aérien d’une aisance dans les vocalises à se pâmer.
L'ouvrage d'Ambroise Thomas, l’une des plus belles partitions du répertoire français est mise en images à l'Opéra Comique avec une distribution éblouissante.

Simon Boccanegra à l’Opéra Bastille

Pater dolorosus

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) ©Agathe Poupeney /OnP
13 décembre 2018 : A lui seul, Ludovic Tézier justifie de découvrir cette obscure nouvelle production de l'Opéra de Paris. Son interprétation du doge génois est magistrale, habitée, toute en émotion retenue.
Tout au long de la dernière décennie, cet olympien verdien a développé de la façon la plus accomplie son identité vocale. Une carrière où il est allé lentement alors que la voix gagnait en étoffe et en résonnance. 
A 50 ans, le baryton français aligne désormais les grands rôles. L’important c’était d’arriver à l’heure pour le bonheur des scènes internationales, au sommet de sa technique dans Don Carlos, Rigoletto, Macbeth, Il Trovatore, La Traviata, Tosca ou Ernani
Aujourd’hui, il incarne pour la première fois sur scène le rôle-titre de Simon Boccanegra, gravant dans le mémorable la vérité du sentiment verdien. Majesté innée, alliage du timbre et de la musicalité, ampleur dans l’immensité de Bastille. Magnifique !

Otello de Verdi à Munich

L'émotion à l'oeuvre

10 décembre 2018 : Otello de Verdi au Bayerische Staatsoper, drame de la jalousie dans un univers hors d’âge imaginé par Amélie Niermeyer et magistralement interprété. Trois voix d’exception, et plus encore, trois incarnations qui subjuguent par l’intensité du jeu. L’émotion à l’œuvre est contagieuse.
Dans cette œuvre brillante et expressionniste, Verdi débusque les pires travers de l’humanité avec une grâce poétique infinie. Amélie Niermeyer propose un voyage dans la psyché des protagonistes, une mise à nu dépouillée du contexte historique. Otello n’est plus ce chef de guerre auréolé de victoires retrouvant son épouse alanguie par son absence, c’est un officier ordinaire, intérieurement brisé de batailles qui va céder au doute et aux apparences jusqu’à l’acte irréparable.  

Un drame de l’intime dans lequel Jonas Kaufmann et Anja Harteros subliment les moments intenses, du simple regard au tendre baiser. Une telle profondeur du jeu et des sentiments que l’on se sent parfois de trop dans l’intimité du couple. 
Avec de tels artistes, la musique se fait chair, laissant transparaître les souffrances, les cicatrices mais aussi l’humanité des sentiments. Ne jamais sacrifier l’intuition musicale et leur tendre complicité pour ne jamais fabriquer l’émotion mais l’infuser dans le cœur, telle est leur règle d’or.