Don Carlo au festival de Salzbourg

Les voix humaines


Jonas Kaufmann (Don Carlo) et Anja Harteros
(Elisabeth de Valois)
18 août 2013: Avec Don Carlo, Verdi s’appuie plus que jamais sur le pouvoir émotionnel de la voix humaine. En confiant à Jonas Kaufmann et Anja Harteros, les rôles de Don Carlo et Elisabeth, le festival de Salzbourg ne pouvait pas nous proposer mieux. Quel autre couple lyrique pourrait nous emporter avec autant de justesse et d’intensité dans les affres d’un amour condamné par la raison d’état ? Beauté du timbre, amplitude de la voix, intelligence musicale et engagement scénique illuminent leurs duos d’amour déchirants. Les deux excellents chanteurs-tragédiens nous font entrer dans leur univers et l’on frémit de leur tsunami émotionnel magnifiquement incarné. 

Œuvre profonde et tellurique, l’histoire raconte les retentissements d’un amour interdit partagé par l’infant Don Carlo et la reine Elisabeth de Valois sur fond de puissants intérêts politiques et religieux. La musique de Verdi exprime ce destin tragique en marche dans une œuvre forte dont l’univers mélodique est totalement en phase avec les tourments des protagonistes. Au fil des actes, l’histoire est de plus en plus sombre, les personnages de plus en plus torturés et le public de plus en plus fasciné par cette beauté tragique. 

Guillaume Tell à Pesaro

Bellissime Marathon man

13 août 2013 : Pour ce Guillaume Tell tant attendu, comme j’aurais aimé être dans la salle de l’Adriatic Arena de Pesaro ! En effet, j’ai dû me "contenter" de la diffusion radio d’une qualité technique assez médiocre, mais qu’importe. Car aux dernières mesures de l’œuvre ultime de Rossini, je me dis que parfois l’art lyrique rivalise avec les compétitions sportives de haut niveau. 
Même si certains estiment que Juan Diego Flórez n’a pas la voix héroïque qui "convienne" à ce monument lyrique, on ne pourra pas lui reprocher d’être monté sur le ring, avec courage et préparation. Ou plutôt d’avoir chanté ce marathon musical de cinq heures en gardant suffisamment de vaillance pour projeter les aigus somptueux de son "Asile héréditaire" après quatre longues heures de spectacle. En pleine possession de ses moyens "héroïques", le ténor péruvien a pleinement réussi son entrée dans le rôle athlétique d’Arnold. Assurance technique, aigus vertigineux, magie du timbre, phrasé miraculeux et prononciation du français quasi parfaite : tout ce qu’on aime chez le ténor et qui lui a permis de dominer cette représentation.

Pour ce Rossini Opera Festival de Pesaro, l’ouvrage était représenté dans son intégralité avec les divertissements dansés, une fresque musicale de cinq heures enchaînant de grands moments de bravoure ponctués de quelques accents romanesques liés à l’intrigue amoureuse. Après des années consacrées aux exubérances rythmiques du bel canto, Rossini compose sa dernière œuvre sur une note dramatique. Guillaume Tell retrace l’épisode marquant de l’histoire de la Suisse se libérant du joug de l’occupation autrichienne. Les idéaux de liberté et de patriotisme deviennent le moteur essentiel de l’action, laissant au second plan la romance d’Arnold et Mathilde.

Festival Rossini de Pesaro 2013

La "Rossini Renaissance"

Teatro Rossini de Pesaro
11 août 2013: Ce soir, Première de Guillaume Tell, l’opéra le plus attendu du Festival  Rossini. L'Orchestre du Théâtre communal de Bologne dirigé par Michele Mariotti fera revivre cet ouvrage qui revient à Pesaro après 18 ans d’absence. 
La nouvelle production est confiée à Graham Vick qui qualifie l’ouvrage de véritable "Everest lyrique".
Et dans le rôle himalayen d’Arnold, nul doute que le ténor péruvien Juan Diego Flórez saura négocier l'une des plus terribles partitions du répertoire du XIXe siècle et ses sept redoutables contre-ut concluant la cabalette "Asile héréditaire". L’opéra sera diffusé en direct sur rai radio3.

Pesaro est à Rossini ce que Bayreuth est à Wagner. Un temple consacré au génie d’un seul compositeur. Avec toutefois une différence, Gioacchino Rossini est né dans cette ville, le 29 février 1792. Ce jour de naissance l’amusait beaucoup car il fêta ses "dix neuf ans !" en 1868, quelques mois avant sa mort. Il ne savait pas qu’il mourrait un vendredi 13 !

Rossini composera près de 40 œuvres lyriques entre 18 à 37 ans. Guillaume Tell est son dernier opéra auquel succéderont 40 années de silence car le musicien n’écrira plus un seul opéra jusqu'à sa mort. N’ayant pas de descendance, Rossini lègue sa fortune considérable à la ville de Pesaro. Après sa mort en 1868, ses œuvres sont peu à peu chassées de l’affiche des maisons d’opéras avec l’arrivée des romantiques, de Wagner et des Français. Seuls Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger, Semiramide et La Cenerentola sont régulièrement programmés. La création du Festival d'opéra de Rossini en 1980 sera l’événement fondateur de la "Rossini Renaissance". Chaque année, musiciens et interprètes tentent de faire revivre les opéras oubliés du Maestro et l’art du bel canto.

Juan Diego Flórez

Le Rossini Bel Cantor
Juan Diego Flórez ©Decca/Uli Weber

5 août 2013 : "Phénoménal, prodigieux, pyrotechnique, irrésistible" sont quelques uns des qualificatifs qui auréolent Juan Diego Flórez lors de ses apparitions. Sur scène, le plus talentueux ténor de bel canto actuel chante avec le regard doux et concentré, le geste élégant et le corps puissamment enraciné dans le sol. Et d’entrée, il éblouit par l’énergie, la grâce, l’intensité et la poésie de son chant. 

L’alchimie de la beauté radieuse de son timbre et de la splendeur de ses aigus est absolument unique et éveille une réelle émotion artistique. Sans que nous en ayons pleinement conscience, la perfection de son chant fait naître une sensation inédite, celle du contact avec la beauté pure. Submergé par une douceur à faire fondre la banquise, le souffle est suspendu dans une parcelle d'éternité. Le moelleux de sa voix se savoure, et enivre.  

Le 11 août prochain, dans le cadre du festival Rossini de Pesaro, Juan Diego Flórez se coulera dans les habits d’Arnold de Guillaume Tell. Un nouveau rôle pour enrichir son chant dans une œuvre grandiose. Un tour de force de près de cinq heures afin d’assurer techniquement cette écriture redoutable qui nécessite une élasticité diabolique de la voix.