Bellissime Marathon man
13 août 2013 : Pour ce Guillaume Tell tant attendu, comme
j’aurais aimé être dans la salle de l’Adriatic Arena de Pesaro ! En effet,
j’ai dû me "contenter" de la diffusion radio d’une qualité
technique assez médiocre, mais qu’importe. Car aux dernières mesures de
l’œuvre ultime de Rossini, je me dis que parfois l’art lyrique rivalise avec les
compétitions sportives de haut niveau.
Même si certains estiment que Juan Diego Flórez n’a pas la voix héroïque qui "convienne" à ce monument lyrique, on ne pourra pas lui
reprocher d’être monté sur le ring, avec courage et préparation. Ou plutôt
d’avoir chanté ce marathon musical de cinq heures en gardant suffisamment de
vaillance pour projeter les aigus somptueux de son "Asile héréditaire" après quatre longues heures de spectacle. En
pleine possession de ses moyens "héroïques", le ténor péruvien a
pleinement réussi son entrée dans le rôle athlétique d’Arnold. Assurance
technique, aigus vertigineux, magie du timbre, phrasé miraculeux et
prononciation du français quasi parfaite : tout ce qu’on aime chez le ténor et
qui lui a permis de dominer cette représentation.
Pour ce Rossini Opera Festival de Pesaro,
l’ouvrage était représenté dans son intégralité avec les divertissements dansés, une fresque musicale
de cinq heures enchaînant de grands moments de bravoure ponctués de quelques
accents romanesques liés à l’intrigue amoureuse. Après des années consacrées
aux exubérances rythmiques du bel canto, Rossini compose sa dernière œuvre sur
une note dramatique. Guillaume Tell
retrace l’épisode marquant de l’histoire de la Suisse se libérant du joug de
l’occupation autrichienne. Les idéaux de liberté et de patriotisme deviennent
le moteur essentiel de l’action, laissant au second plan la romance d’Arnold et
Mathilde.
Juan Diego Flórez (Arnold) et Marina Rebeka (Matilde) |
Pour moi, la performance de Juan Diego Flórez dans Guillaume
Tell est absolument somptueuse et son chant inouï, mélange de velouté et de virtuosité. Ce que j’ai entendu le 11 août m’a fortement impressionné et cette
prise de rôle d’Arnold prouve que sa voix a gagné en force avec la maturité. D’ailleurs
récemment, le ténor confiait qu’il estimait pouvoir se déplacer progressivement
vers des rôles plus lourds aux accents héroïques.
Nicola Alaimo (Guillaume Tell) |
Le rôle de Guillaume Tell était confié à Nicola Alaimo, jeune baryton italien à
la voix maîtrisée, certainement l’un des plus doués de la nouvelle génération. Dans
le rôle de Matilde, la soprano lettone Marina
Rebeka n’a pas de douceur glamour mais un chant solide avec suffisamment de
puissance. Mon coup de cœur de la révélation est pour la jeune soprano
américaine Amanda Forsythe dont le
chant chatoyant et fleuri et les belles couleurs vocales conviennent bien à la
jeunesse du fils de Guillaume Tell.
Guillaume Tell est aussi une épreuve de vérité
pour le Chef car il faut trouver le bon rythme pour une œuvre aussi longue. A
la tête de l'Orchestre du Théâtre communal de Bologne, Michele Mariotti s’est emparé de cette œuvre monumentale avec
passion. Dès l’ouverture à l’ampleur immédiatement reconnaissable, le Chef a sublimé ces brillantes pages rossiniennes. Les chœurs
de Bologne ont aussi largement contribué à l’intensité de la soirée.
Le langage musical de Rossini est tellement
expressif que les interprètes ont pu déployer sans retenue toute une palette de
sentiments et d’émotions dans leur chant. Cette œuvre grandiose emporte les
spectateurs dans un crescendo d’ardeur patriotique et de sentiments fougueux, écartant
toute tentation de lassitude ni même de fatigue !
Morceaux
choisis
Voici quelques extraits de la diffusion
audio de la Rai Radio3 du 11 août dernier, malheureusement de qualité sonore médiocre. Je n’étais pas dans la salle mais je sais ce dont Juan Diego Flórez est capable pour l’avoir entendu souvent sur
scène. Je ne dirais jamais assez que la beauté de sa voix - comme celle des autres chanteurs - n’est
jamais pleinement restituée lors de ces retransmissions.
"Oui,
vous l’arrachez à mon cœur" (acte II) : le grand duo de Matilde
(Marina Rebeka) et d’Arnold (Juan Diego Flórez) qui se déclarent leur amour, rivalisant de beauté des
vocalises et de grâce. Duo d'amour de l'acte II
"Mon
père, je ne te reverrai plus" (Trio de l'acte II) : toute en demi-teintes, la
poignante souffrance d’Arnold qui vient d’apprendre la mort de son père, immédiatement
suivie d’un moment de vaillance patriotique réactivée par Guillaume Tell
(Nicola Alaimo) et Walter Furst (Simon Orfila). Arnold jure alors de venger la
mort du père. Trio de l'acte II
Final acte II : l'ouvrage de grande intensité comporte également une part de charge émotionnelle aux accents
verdiens. Le final de l’acte II avec les chœurs en rappelle le lyrisme puissant. Final acte II
"Asile
héréditaire" (acte IV) : le chant divin du ténor qui enveloppe la salle entière d’une
douceur désespérée, et quelques aigus insensés ! La douleur du fils qui pleure son père faisant naître l’exaltation
du désir de vengeance. L’instant tant attendu par le public qui l’honore d’une
longue ovation accompagnée de grondements de pieds. "Asile héréditaire"
Distribution : Nicola Alaimo (Guillaume Tell),
Juan Diego Flórez (Arnold Melcthal), Simon Orfila (Walter Furst), Simone
Alberghini (Melcthal, père d’Arnold),
Amanda Forsythe (Jemmy, fils de Guillaume Tell), Luca Tittoto (Gesler,
gouverneur Suisse), Alessandro Luciano (Rodolphe), Celso Albelo (Roudi,
pêcheur), Wojtek Gierlach (Leuthold),
Marina Rebeka (Mathilde), Veronica Simeoni (Hedwige)
Orchestre et Chœurs du Théâtre
communal de Bologne sous la direction de Michele Mariotti
Photos © Rossini Opera Festival de Pesaro
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