Casanova Variations

Eparpillé façon puzzle…


24 novembre 2014 : John Malkovich se prépare à entrer sur la scène de l’Opéra de Lisbonne. Il interprète le rôle de…. John Malkovich qui joue à l’écran le rôle de Casanova durant ses dernières années, et en parallèle, le même rôle sur scène dans une dramaturgie de sa longue vie amoureuse qui associe ses Mémoires à des extraits d'opéras de Mozart. Pour le film dans le film, l’action se situe en Bohême, et pour l’autre partie, on est sur la scène de l'opéra São Carlos de Lisbonne, un écrin baroque du XVIIIe.

Ce subtil jeu d’histoires en miroir aurait pu devenir un film sublime mais pour moi, le charme n’a pas opéré: Michael Sturminger impose au spectateur une forme et un style qui installent progressivement la frustration d’une belle occasion manquée. Le travail d’acteurs et des chanteurs n’est pas en cause, c’est la réalisation. En jonglant entre différentes temporalités, celle du film et celle de la représentation théâtrale et lyrique, le réalisateur peine à assurer la fluidité des scènes. Plus gênant, pas une image sans tourbillons de caméra, pas de plan paisible où le regard pourrait s’attarder sur les visages (mis à part John qui est sur tous les plans) et les merveilleux décors…mal éclairés. Même Jonas Kaufmann est flou !


Le film reprend les écrits de Casanova au soir de sa vie. Le célèbre Vénitien a alors accepté la proposition du Comte Waldstein de devenir le bibliothécaire du château de Dux en Bohême. Il va se consacrer à la rédaction de ses Mémoires. Sa vie est des plus passionnantes, il étudie la chimie, les mathématiques, la philosophie et le droit, avant d’envisager une carrière ecclésiastique….et déraper. Car les femmes ont été une grande préoccupation pour ce libertin mondain en bas de soie qui mentionne près de cent cinquante conquêtes dans "Histoire de ma vie".

Dans le château de Bohème, Casanova reçoit la visite d’Elisa von der Recke, une femme écrivain qui s’intéresse à son manuscrit. Il ne reconnaît pas sous les traits de cette femme charmante la jeune fille qu’il avait séduite jadis et qui avait voulu mourir pour lui. Les échanges entre les deux personnages vont servir de lien narratif entre les deux univers. Casanova et Elisa se confrontent en joutes verbales d’un côté et en chants lyriques de l’autre.

Côté chant, l’affiche est musclée: Miah Persson, Florian Boesch, Anna Prohaska, Kate Lindsey, Barbara Hanigan, Topi Lehtipuu et Jonas Kaufmann, pour interpréter les quelques pages d’opéras de Mozart extraites des Noces de Figaro, de Cosi fan tutte ou Don Giovanni. Le ténor bavarois avait participé à deux jours de tournage à Lisbonne et son apparition est donc très brève. Il incarne le Comte Branicki, un concurrent en séduction avec lequel le coureur de jupons engage un duel après 1h30 de film. Blessé et à terre, il reste quelques secondes au ténor pour murmurer pianissimo le "Soave sia il vento" de Cosi fan tutte, avec la surprise de l’entendre en baryton dans le rôle de Don Alfonso.


L’idée de Michael Sturminger est d’entremêler littérature, théâtre, opéra et cinéma. Le concept est séduisant sur le principe mais passé l’étonnement, on se lasse un peu de ces changements d’espace et de temps, ces Variations qui démultiplient le réel et les illusions. Le synopsis avait tous les ingrédients de la réussite : un exercice de style croisant l’opéra, des personnages forts, les écrits de Casanova autant libertin qu’homme d’esprit et philosophe, les opéras de Mozart et un beau plateau vocal. Dommage que la réalisation échoue à concrétiser la géniale idée originelle mais ce film fascine autant qu’il irrite !




1 commentaire:

  1. Vous confirmez mes doutes concernant ce film, qui ne m'avait attiré que grâce au nom de Kaufmann au générique... Après visionnage de la bande-annonce, j'avais gardé l'image d'un film à l'aspect et au contexte plutôt "brouillons"... Cette impression a donc l'air d'être tout à fait fondée, lorsque je lis votre avis ! ^_^
    A bientôt !

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