Les 10 raisons d'aimer Puccini

...et Manon Lescaut
21 juin 2014 : Les œuvres de Giacomo Puccini sont d’un romantisme indestructible et parlent à notre sensibilité comme nulles autres.
Manon Lescaut enchante actuellement le public londonien et Jonas Kaufmann vient d’annoncer qu’il aimerait ajouter prochainement le rôle de Calaf de Turandot dans son agenda. Selon lui, le pouvoir de cette musique sublime les émotions humaines de manière unique, ce qui lui permet d’entrer dans le personnage "avec son corps et son sang". Les arias sont tous aussi beaux que difficiles, avec une intensité qui ne laisse aucun répit aux chanteurs qui doivent énormément projeter leur voix pour ne pas se faire étouffer par l’orchestre. Roberto Alagna souligne que ces grandes lignes mélodiques exigent des prouesses de souffle et d’endurance. Et "à force de fréquenter Puccini, on se comprend mieux soi-même." dit-il. Pour comprendre cette fascination des ténors à l’égard de Puccini, petit zoom sur les dix raisons d’aimer sa musique.


1/ Sa musique a une portée universelle

Les sorts tragiques de Mimi, Madame Butterfly ou Tosca ne peuvent laisser personne indifférent. Opéra après opéra, Puccini creuse les secrets de l’âme féminine. Lorsque La Tosca est donné pour la première fois à Rome en janvier 1900, c’est un événement mondial. L’opéra résume toutes les tendances musicales du moment, les transcendant avec génie, plaçant Puccini au sommet absolu de la création lyrique de son temps.
Au cours de la Première Guerre mondiale, "Ch'ella mi creda" de La Fanciulla del West est devenu le tube des soldats italiens pour se donner du courage.
2/ Ses airs poussent les chanteurs à leur limite
Et quel impact ! Le rôle de Calaf n’a rien d’une promenade de santé. Dans "Nessun Dorma", le dernier "Vincero !" est d’une extrême difficulté exigeant un contre-ut suivi d’un contre-ré tenu le plus longtemps possible. Lorsque trois grands ténors du XXe siècle le chantent ensemble, une onde de frissons parcoure des millions d’épines dorsales.

3/ Son art reflète sa vie
Selon la légende, lorsqu’il étudiait la musique au conservatoire de Milan, le jeune Giacomo était si démuni qu’il partageait un seul hareng avec ses trois amis. Une anecdote reprise dans La Bohême. Mais pour ses biographes, la nonchalance sympathique et le manque d’assiduité de jeune étudiant sont plus proches de la réalité, une vie de bohême dont s’inspire l’acte I.

4/ Ses héroïnes meurent dans une dignité tragique
Il a un sens théâtral très poussé et cultive les ingrédients éternels du mélodrame. Il a ennobli ce genre de fort impact sur les profondeurs du spectateur. Il adorait composer sur les morts brutales. «Je suis le bourreau de ces pauvres et frêles créatures » disait-il de ses personnages féminins. Et comme elles ont souffert ! Manon Lescaut succombe à la déshydration dans le désert, Tosca se jette du haut des remparts d’un château et Madame Butterfly s’éventre.
5/ Son perfectionnisme impressionne

Angela Gheorghiu et Jonas Kaufmann
 dans La Tosca ROH 2011 ©Catherine Ashmore
Ah ces thèmes pathétiques et ces cordes larmoyantes à souhait ! 
Cette veine harmonique apparaît dans le célèbre "E lucevan le stelle" de Mario Cavadarossi attendant son exécution dans la prison du château Saint-Ange. Au dernier acte de La Tosca, le rideau se lève sur un sublime prélude illustrant l’aube romaine. Le musicien s’efforça de glisser des éléments exacts pour préparer cet aria. Puccini fît le voyage à Rome afin d’aller écouter les cloches des différentes églises, telles qu’on pouvait les percevoir du château. Il nota avec soin leurs différents timbres et leurs différentes distances.
6/ Il restait philosophe en toute circonstance
Après la première désastreuse de Madame Butterfly, Puccini déclara : "Ce fut un véritable lynchage. Ces cannibales n'ont pas écouté une seule note. Quelle effroyable orgie de fous furieux ivres de haine ! Mais ma Butterfly ne mourra pas." Et il avait raison.
Lorsque qu’il choisit de mettre en musique le thème de Manon Lescaut, son librettiste pointa l’ombre périlleuse du succès obtenu par la Manon de Massenet. "Lui le sent à la française, avec poudre de riz et menuets, moi je le verrai à l'italienne, porté par une passion désespérée." répondit-il.
7/ Il nous fait voyager
Jonas Kaufmann et Nina Stemme dans La Fanciulla del West
  Wiener Staatsoper © Michael Pöhn
    
Le Japon avec Madame Butterfly, la Chine avec Turandot et les Etats-Unis avec La Fanciulla del West. Il alla même jusqu'à déployer des instruments exotiques tels que les gongs chinois et les cloches des temples japonais.
8/ Son inventivité était sans limite
Puccini avait constamment de nouvelles idées. Il avait commencé à préparer des opéras basés sur la vie de Marie-Antoinette et de Sainte-Marguerite de Cortone, la patronne des prostituées repenties.
9/ Sa musique ajoute de l’émotion au cinéma
Dans le récent Yves Saint Laurent de Jalil Lespert, la voix de Maria Callas chantant "Vissi d’arte" hausse encore l’émotion d'un cran. Dans Chambre avec vue de James Ivory, l’amour naissant dans les délicieuses couleurs de la Toscane s'accompagne de "Chi il Bel Sogno di Doretta" de La Rondine
Les publicitaires ont aussi bien compris le pouvoir émotionnel de sa musique. Turandot et "Nessun Dorma" pour des irrésistibles cachemires et un yeti qui serre dans ses bras une femme en pull moelleux. Gianni Schicchi et "O moi Babbino Caro" pour la signature de Nespresso "le café, le corps et l’âme". Madame Butterfly et "Un bel di vedremo" pour Alfa Romeo "Et si la perfection était juste une question de volonté ?"
10/ Il parcourût 20 km à pied pour aller écouter Verdi
Statue de Puccini devant sa maison natale de Lucques
La légende dorée dit que son inspiration pour l’art lyrique est née à 18 ans le jour où il voit Aïda à Pise, en revenant la tête dans les étoiles ! 
Si le fait est exact, cet événement a été enjolivé par la tradition et ses biographes ont mis beaucoup d’énergie à en démontrer l’insignifiance. En 1876, Verdi n’est pas seulement considéré comme un grand compositeur mais comme le plus grand Italien de l’époque. Le Théâtre de Pise décida de monter Aïda et deux trains entiers furent affréter pour le public de Lucques où Puccini vivait, et où il était né. Le train fût annulé et il y alla à pied avec ses amis.
Par ailleurs, l’image d’un Puccini sous le choc ne correspond aux aspirations du compositeur, alors versé dans la musique d’église et symphonique. Mais on peut concevoir que ce fût la révélation d’un autre opéra possible, d’un autre traitement des personnages, d’une autre approche des voix et des chœurs. Sous l’anecdote se cache une part de vérité essentielle.

Bibliographie : Puccini par Sylvain Fort - Actes Sud / Classica


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