Macbeth de Verdi au Met

Le sang dans les veines d'Anna Netrebko

Anna Netrebko et Zeljko Lucic
© Marty Sohl/Metropolitan Opera
13 octobre 2014 : Le Metropolitan Opera de New York vient d'ouvrir la septième saison de diffusion mondiale avec Macbeth de Verdi. L’occasion pour le public de découvrir cette production de 2007 d’Adrian Noble, le metteur en scène britannique qui fût longtemps Directeur artistique de la Royal Shakespeare Company. Fasciné par l’univers fantastique du grand Will, Verdi trouve la source de son inspiration dans la mystique écossaise du XIe siècle.  

Macbeth, c’est l’histoire de la frénésie meurtrière d’un couple avide de pouvoir, deux psychopathes dans leurs délires dirait aujourd’hui la psychiatrie. C’est aussi le seul opéra de Verdi dénué de toute histoire d’amour. Dans un clair-obscur oppressant, on assiste à la lente descente aux enfers du couple assassin. Un plateau prestigieux nous entraîne dans ce thriller gothique, amplement dominé par la stupéfiante Lady Macbeth d’Anna Netrebko, au côté de Zeljko Lucic dans le rôle-titre.

Pour la quatrième année consécutive, Anna Netrebko ouvre la saison du Met. Après les variations belcantistes d’Anna Bolena en 2011 et de l’Elixir d’amour en 2012, puis le romanesque russe d'Eugène Onéguine en 2013, la soprano y fait sa première incursion dans ce rôle dramatique, et ses ressources semblent sans limites.

On ne sait qu’admirer le plus : le velouté et l’épaisseur du timbre, les aigus crucifiants, la ligne de chant contrôlée ou son tempérament en éruption. Si on ajoute son investissement de chaque instant, on obtient une performance intense dans l’irréversible destruction psychique de Lady Macbeth, culminant dans la scène du somnambulisme. Blonde fatale, elle ressuscite le glamour sophistiqué des films noirs hollywoodiens des années 50. Puis, le venin s’insinue dans ce romantisme sombre pour nous montrer l’un des reflets du monstre que quiconque peu devenir (comme elle le confiera lors de la pause !). Il émane de la soprano une force ardente qui la rend capable de tout !

A ses côtés, Zeljko Lucic a les moyens vocaux d’un authentique baryton verdien. Il incarne un Macbeth au gabarit imposant, plus soumis que démoniaque. Car c’est Lady Macbeth qui mène la danse pour transformer ce roi hésitant en un tyran sanguinaire. Un personnage aux failles psychologiques palpables auquel le baryton prête son expérience du rôle. Au Macbeth faible et indécis du début succède un régicide compulsif.

Dans le rôle de Banquo, René Pape détient cette force tranquille, cette présence et ce timbre envoûtant qui font que dès qu’il apparaît, le chant prend toute sa noblesse. Le ténor Joseph Calleja et son timbre de velours est un touchant Macduff au regard humide et en grand désarroi. Il faut dire que Verdi a mis dans les mélodies de ces deux personnages et des choristes toutes les douleurs du cœur humain. Composante essentielle de l’œuvre, les chœurs du Metropolitan Opera sont en grande forme. Dans la fosse, le feu verdien anime Fabio Luisi dont la direction précise et pleine de couleurs exalte l’intensité et le majestueux de l’ouvrage. 

La scène du somnanbulisme
 de Lady Macbeth
Passés les tics vestimentaires du début (les sorcières en pyjamas "Petit bateau" et socquettes blanches), la mise en scène est plutôt lisible et efficace. Adrian Noble mélange des éléments modernes, fantastiques et mélodramatiques sans grand souci de cohérence. Costumes et situations du XIXe siècle, 1944, 1950, 2000, …, on ne sait plus au juste. Mais peu importe, la tension dramatique prend son envol avec le somptueux plateau vocal. L’atmosphère surnaturelle des sorcières et des spectres côtoie les remords hallucinatoires des diaboliques, tout cela dans une grande fluidité théâtrale. La scène de somnambulisme de Lady Macbeth est un beau moment de chant porté par une stupéfiante magie scénique.

Une soirée hantée par la démesure de la folie humaine et servie par des interprètes remarquables accueillis triomphalement.

Photos © Marty Sohl/Metropolitan Opera



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