Le sang dans les veines d'Anna Netrebko
Anna Netrebko et Zeljko Lucic © Marty Sohl/Metropolitan Opera |
Macbeth, c’est
l’histoire de la frénésie meurtrière d’un couple avide de pouvoir, deux
psychopathes dans leurs délires dirait aujourd’hui la psychiatrie. C’est
aussi le seul opéra de Verdi dénué de toute histoire d’amour. Dans un clair-obscur
oppressant, on assiste à la lente descente aux enfers du couple assassin. Un
plateau prestigieux nous entraîne dans ce thriller gothique, amplement dominé
par la stupéfiante Lady Macbeth d’Anna
Netrebko, au côté de Zeljko Lucic
dans le rôle-titre.
Pour la quatrième année consécutive, Anna Netrebko ouvre la
saison du Met. Après les variations belcantistes d’Anna Bolena en 2011 et de l’Elixir
d’amour en 2012, puis le romanesque russe d'Eugène Onéguine en 2013, la soprano y fait sa première incursion dans
ce rôle dramatique, et ses ressources semblent sans limites.
On ne sait qu’admirer le plus : le velouté et l’épaisseur du
timbre, les aigus crucifiants, la ligne de chant contrôlée ou son tempérament
en éruption. Si on ajoute son investissement de chaque instant, on obtient une
performance intense dans l’irréversible destruction psychique de Lady Macbeth, culminant
dans la scène du somnambulisme. Blonde fatale, elle ressuscite le glamour sophistiqué des films noirs hollywoodiens
des années 50. Puis, le venin s’insinue dans ce romantisme sombre pour nous
montrer l’un des reflets du monstre que quiconque peu devenir (comme elle le
confiera lors de la pause !). Il émane de la soprano une force ardente qui
la rend capable de tout !
A ses côtés, Zeljko
Lucic a les moyens vocaux d’un authentique baryton verdien. Il incarne un
Macbeth au gabarit imposant, plus soumis que démoniaque. Car c’est Lady Macbeth
qui mène la danse pour transformer ce roi hésitant en un tyran sanguinaire. Un
personnage aux failles psychologiques palpables auquel le baryton prête son expérience du rôle. Au Macbeth faible et indécis du début succède un
régicide compulsif.
Dans le rôle de Banquo, René
Pape détient cette force tranquille, cette présence et ce timbre envoûtant
qui font que dès qu’il apparaît, le chant prend toute sa noblesse. Le ténor Joseph Calleja et son timbre de velours
est un touchant Macduff au regard humide et en grand désarroi. Il faut dire que
Verdi a mis dans les mélodies de ces deux personnages et des choristes toutes
les douleurs du cœur humain. Composante essentielle de l’œuvre, les chœurs du
Metropolitan Opera sont en grande forme. Dans la fosse, le feu verdien anime Fabio Luisi dont la direction précise
et pleine de couleurs exalte l’intensité et le majestueux de l’ouvrage.
La scène du somnanbulisme de Lady Macbeth |
Passés les tics vestimentaires du début (les sorcières en pyjamas "Petit
bateau" et socquettes blanches), la mise en scène est plutôt lisible et
efficace. Adrian Noble mélange des
éléments modernes, fantastiques et mélodramatiques sans grand souci de
cohérence. Costumes et situations du XIXe siècle, 1944, 1950, 2000, …, on ne sait plus au juste. Mais peu importe, la tension dramatique prend son envol avec le somptueux plateau vocal. L’atmosphère surnaturelle des sorcières et des
spectres côtoie les remords hallucinatoires des diaboliques, tout cela dans une grande fluidité
théâtrale. La scène de somnambulisme de Lady Macbeth est un beau moment de chant porté par une stupéfiante magie scénique.
Une soirée hantée par la démesure de la folie humaine et servie par des interprètes remarquables accueillis triomphalement.
Une soirée hantée par la démesure de la folie humaine et servie par des interprètes remarquables accueillis triomphalement.
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