Orphée et Eurydice de Gluck à l’Opéra Comique

L’éternité n’est pas de trop 



Marianne Crebassa, Orphée / © Stefan Brion
13 octobre 2018 : La voix de Marianne Crebassa a trouvé son écrin dans l’œuvre sublime de Gluck. "Eurydice !", aux premiers lamentos déchirants d’Orphée, la mezzo française est vocalement éblouissante. 
Orphée vient de perdre Eurydice et sa douleur s'exhale en longs cris que soutiennent les chœurs de déploration. 
Jusqu’au bouleversant "J’ai perdu mon Eurydice", la puissance dramatique enveloppée d’émotion contenue de son chant ne faiblira pas. Que de sanglots retenus, que de larmes dans cet engagement royal emplissant tout l’espace de la Salle Favart. Marianne Crebassa est portée par le luxe musical de l’œuvre, tous les airs de Gluck ayant la grâce et la beauté de l’éternité qui sublime la mort.



Marianne Crebassa (Orphée)
C’est l’un des plus beaux mythes : celui de l’amour absolu, que même la mort ne peut détruire. Soutenu par Amour, Orphée entreprend de descendre au royaume des Ombres chercher sa bien-aimée. Du seul regard interdit, il la perdra une seconde fois.
Orphée se retourne vers Eurydice et tout son destin bascule. C’est ce qui a inspiré la scénographie d’Aurélien Bory. Pour faire écho au mythe, c’est tout l’espace scénique qui se retourne. Il utilise la technique du "Pepper’s ghost", un procédé de magie théâtrale élaboré au XIXe siècle. Un grande miroir entraîne une inversion de l’espace et permet de multiplier les effets poétiques comme l’élévation d’Orphée ou le ballet des créatures des Enfers. Les personnages sur scène ont leurs images réfléchies, comme suspendues dans les airs, la matérialité du terrestre et l’immortalité des âme au ciel se font face. C’est d’une poésie ensorcelante et magique, comme la technique utilisée.

Marianne Crebassa et Héléne Guilmette / © Stefan Brion
L’Ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon fait aussi des merveilles. "Cette instrumentation douce et faible donnant si bien l'idée de la paix infinie" comme aimait à le souligner Berlioz, auteur de cette version remaniée de 1859 (amputée ce soir du retour de l’Amour qui rendait Eurydice à la vie). 


L’harmonie céleste de la musique devient enchantement: les violons épousent le drame, le solo de flûte émeut et les cors se soulèvent vers les spectateurs. Douleur, douceur et lyrisme soutenus par les chœurs dans une remarquable implication. Hélène Guilmette incarne Eurydice avec beaucoup de sensibilité. Dans le rôle de l’Amour, il faut bien du mérite à Lea Desandre pour garder sa ligne de chant dans ses acrobaties aériennes. 

Une grande soirée de théâtre et un triomphe pour cet Orphée magnifique dont la virtuosité et le timbre attachant nous accompagnent longtemps après. 

Le spectacle sera diffusé en direct sur Arte Concert le 18 octobre à 20h00 et sur France Musique le 28 octobre.



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