Roméo et Juliette de Berlioz au TCE

Et Marianne Crebassa apparut…

21 septembre 2014 : Dans le crépuscule d’un été indien, les portes du Théâtre des Champs-Elysées s’ouvraient sur sa première soirée Shakespeare. A la tête de l’Orchestre National de France, Daniel Gatti fait sa rentrée Berlioz à grands renforts d’effectifs instrumentaux et vocaux. 
Bien que les voix accompagnent généreusement la partition, Roméo et Juliette n’est pas un opéra mais une symphonie avec chœur. Le chant du début prépare aux scènes dramatiques riches de sentiments et de passions exprimés par l’orchestre.
Et Marianne Crebassa s’avance… Il suffit alors de quelques mesures pour qu’un frisson nous envahisse. L’enchantement d’une voix rare projetée avec incandescence, un timbre chatoyant et somptueux provoquant soudain une sidération admirative. Tout le mystère du don, de l’émotion et de la présence réunis.


Marianne Crebassa - DR
L’incroyable beauté du chant de mezzo-soprano lyrique explique la fulgurante ascension de la jeune artiste française de 28 ans. Rien de surprenant qu’en quatre courtes années le talent de cette jeune femme à la grâce naturelle et à l’instinct dramatique inné ait définitivement conquis le public.
Après des études au Conservatoire de Montpellier, elle est recrutée à 24 ans à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, se confrontant à la scène de Bastille et participant à ses productions. On remarque déjà sa voix voluptueuse et son interprétation dramatique dans Orphée et Eurydice de Gluck. Après quelques raretés lyriques, elle aborde Dorabella dans Cosi fan tutte, puis Siebel dans Faust, et elle s’envole cet été pour Salzbourg pour incarner le rôle-titre de Charlotte Salomon. On rêve déjà de ses premiers grands rôles : Carmen, Charlotte, …tous ces personnages du répertoire, intenses, théâtraux et riche en émotions.

Très tôt, le théâtre révéla Shakespeare à Berlioz mais c’est une représentation florentine de I Capuletti e i Montecchi de Bellini (qu’il déteste aussitôt) qui ravive son exaltation. De retour à Paris, il est à nouveau hanté par Shakespeare, il songe à Beaucoup de bruit pour rien ou Hamlet mais finalement il compose sur un tout autre choix et créé Benvenuto Cellini qui reçoit un accueil désastreux. Quelle œuvre entreprendre pour oublier ces déboires ? 

Il a alors l’idée de composer Roméo et Juliette. Pour en décrire le caractère inédit, il faut lire ce que Berlioz écrit de sa conception : "Après une assez longue indécision, je m’arrêtais à l’idée d’une symphonie avec chœurs, solos et récitatif chorale, dont le drame de Shakespeare serait le sujet sublime et toujours nouveau. J’écrivis en prose tout le texte destiné au chant entre les morceaux de musique instrumentale, Emile Deschamps le mis en vers et je commençai (…)
De quelle ardente vie je vécus pendant tout ce temps ! Avec quelle vigueur je nageai sur cette grande mer de poésie, caressé par la folle brise de la fantaisie, sous les chauds rayons de soleil d’amour qu’alluma Shakespeare, et me croyant la force d’arriver à l’île merveilleuse où s’élève le temple de l’art pur." 


Daniele Gatti 
Photo Radio France © Christophe Abramovitz
Très inspiré, Berlioz écrit l’une des œuvres les plus singulières de son répertoire, la réponse d’un artiste qui se plonge tout entier dans son rêve.
Une partition tour à tour mélancolique et passionnée, alternant infinie douceur et funèbres élans. Sous la baguette de Daniele Gatti, l’Orchestre National de France souligne tous les climats, la plainte amoureuse comme la violence des déchirements entre Capulets et Montaigu.


Concert à réécouter sur France Musique

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