Lucrezia Borgia de Donizetti au Bayerische Staatsoper

Bel Canto Roi et Reine

Edita Gruberova, Juan Diego Flórez 
© Wilfried Hösl / BSO
5 mai 2018 : Lucrezia Borgia, une course folle aux billets pour cette reprise de la production de 2009 au Bayerische Staatsoper, motivée par la rencontre de la mère empoisonneuse et de son fils illégitime sous les traits d’Edita Gruberova et Juan Diego Flórez. Tous deux follement acclamés, Grubie pour sa longévité et son sang-froid dans les fureurs royales, le ténor pour son art du bel canto qu’il porte en lui poétiquement et intensément.

Après le concert de Salzbourg en août dernier, c’est sa première scénique dans le rôle de Gennaro : beauté radieuse d’un timbre enjôleur, agilité vivifiante et légato de miel. L’énergie à l’œuvre dans les aigus est toujours un régal, comme la perfection technique polie par les années et l’élégance du phrasé. La beauté de son "Partir deggio...T'amo qual" ouvrant l’acte II soulève la salle. Une merveille de chant et de sons purs ayant pour vertu d’adoucir dans l’instant tous les conflits de l’âme !
D’entrée, Edita Gruberova fascine par son timbre unique et l’impact d’une voix consistante capable d’autant de véhémences contrôlées et de suraigus emblématiques que de plaintes parmi les plus douces. Mais aussi, attachante prestation d’une artiste qui n’a pas cessé de démontrer l’impossible. A 71 ans, ce n’est pas la moindre des prouesses que de toujours s’investir et oser les rôles plus lourds plus d’un demi siècle après la Rosine de ses débuts. Certes, la voix s’émousse de quelques imperfections et mais l’altitude reste impressionnante.




Juan Diego Flórez, Franco Vassalo (Don Alfonso)
Une découverte dont le nom est à retenir : la mezzo-soprano Teresa Iervolino dans le rôle de Maffio Orsini. Voix chaude et riche, impressionnante dans ses notes aiguës et dans la profondeur de son incarnation. Dans la 2ème partie, ses arias et duos avec Flórez sont magnifiques.

Franco Vassallo est Don Alfonso, 4ème époux de Lucrezia. Un chant solide, une voix très italienne, partenaire parfait dans les duos conjugaux musclés. 

Juan Diego Flórez, Teresa Iervolino (Orsini)
Dean Power (Rustighello)
Si le chant culmine, la production de Christof Loy mise sur le minimalisme. Alors que les spectateurs s’installent encore dans la salle éclairée, Flórez apparaît dans la pénombre de la scène (peu d’entre eux le remarquent), bientôt rejoint par le chœur d’hommes vêtus de pantalons noirs et courts d’écoliers. Avec le temps, les pantalons s’allongent et les chemises sont souillées du sang des meurtres des Borgia.

Un espace scénique dépouillé où l’on peut voir "LUCREZIA BORGIA" en lettres lumineuses énormes. Lorsque la noirceur de l’empoisonneuse lui sera révélée, Gennaro plein de haine fera tomber le "B".
Pensant supprimer un ennemi, Lucrezia Borgia empoisonnera ce fils illégitime, seul homme à trouver grâce à ses yeux. Inconsolable, elle le suivra dans la mort, une fin éminemment tragique où l’engagement des deux protagonistes est admirable et émouvant. 

De longues ovations ont conclu cette soirée mémorable grâce à la présence d’une légende de l’opéra, d’un maestro du bel canto et d’une jeune mezzo à suivre.


Bayerische Staatsoper, 27 avril 2018



De g. à dte : Franco Vassallo, Edita Gruberova, Juan Diego Flórez et Teresa Iervolino


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