La Force du destin à Bastille


©Julien Benhamou /Opéra national de Paris
24 juin 2019 : L’Opéra Bastille s’anime de la fatalité et de la malédiction de La Force du destin de Verdi, une version mise en images par Jean-Claude Auvray en 2011. 
Absolument divine, Anja Harteros insuffle toute la beauté poétique des sons célestes d’un chant pénétrant. Pour ses premiers pas in loco, le ténor Brian Jadge séduit d’emblée par une facilité de projection et une attachante empreinte juvénile. Après son Scarpia peu machiavélique, Željko Lučić incarne le frère vengeur assez paisiblement. 
L’opéra se caractérise par de forts contrastes, avec des moments de musique sublime et des tableaux plus surprenants musicalement, comme le "Rataplan" particulièrement réussi ce soir. Sans atteindre l’intensité de La Forza londonienne et son trio magique, la soirée s’avère réjouissante à bien des égards.



©Julien Benhamou /Opéra national de Paris
La scénographie très épurée laisse un vaste espace de jeu aux protagonistes. De rares éléments, toiles peintes, longue table ou immense Christ en croix habillent la noirceur d’un plateau quasi nu. Cette mise en scène de facture classique minimaliste est très agréable à l’œil avec ses éclairages rasants réussis, ses costumes d’époque flatteurs et ses déploiements de choristes bien travaillés. 
Basé sur un drame espagnol du XIXe siècle, une mécanique fatale est enclenchée dès le coup de feu involontaire mortel au prologue. L’œuvre regorge d’occasions de scénographie suggestive des passions dans cette histoire d’honneur et d’amour. Au centre se trouve Leonora, traumatisé et culpabilisé après la mort soudaine de son père provoqué par son amant Alvaro. Alors que son chemin sera celui de la solitude dans un ermitage, l’amant maudit sera poursuivi plusieurs années par son frère Carlo animé du désir de vengeance. Une trajectoire belliqueuse tissée par le destin jusqu’au dernier coup mortel de la vengeance.



©Julien Benhamou /Opéra national de Paris
Anja Harteros campe une magnifique Leonora, douce et vibrante. Elle a tout pour émouvoir et fasciner : les aigus enchanteurs, l’intelligence musicale, le souffle et le port altier.
Dans le rôle de l’impétueux malchanceux Alvaro, Brian Jadge se révèle au public parisien armé de belles qualités, un timbre séduisant, une puissance de bon aloi, un ténor à suivre. L’incarnation manque encore de zèle personnel mais les capacités vocales sont remarquables.


Face à ce couple, Željko Lučić incarne Carlo, plus sombre qu’assoiffé de vengeance. Le baryton est un pilier des rôles verdiens et le métier l’assure de trouver l’ampleur et la prestance qui conviennent.
Présence et timbre sombre pour Rafal Siwek en Padre Guardiano, prestation enlevée de Varduhi Abrahamyan dans le rôle de Preziosilla entourés d’excellents seconds rôles : Gabriele Viviani en Fra Melitone et Carlo Cigni en Marquis de Calatrava. 
Le chef Nicola Luisotti nous emporte dans la fougue de la célèbre symphonia et le souffle verdien des chœurs nous fait frissonner. 





La Force du destin, Opéra Bastille, 18 juin 2019

De g. à dte : Gabriele Viviani (Fra Melitone), Varduhi Abrahamyan (Preziosilla), 
Željko Lučić (Don Carlo di Vargas), Nicola Luisotti (Direction), 
Anja Harteros (Leonora), Brian Jadge (Don Alvaro), Rafal Siwek (Padre Guardiano)



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