Robert Carsen, Metteur en scène

Chercheur d’art

Robert Carsen lors d'une répétition de Don Giovanni
 à La Scala de Milan en 2011 - AFP/Teatro alla Scala
16 juillet 2013: Il est des metteurs en scène dont le nom suffit à aiguiser notre curiosité et notre envie d’aller à l’opéra. C’est l'atout du Canadien Robert Carsen qui réussit à faire l’unanimité sur ses créations auprès des mélomanes. Il s’est imposé par l’inventivité et l’intelligence de ses productions dont la scénographie et l’atmosphère sont immédiatement reconnaissables.

Rigoletto de Verdi, sa dernière production 
présentée à Aix-en-Provence en 2013 ©Patrick Berger
Son actualité au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence où il revient pour présenter son premier Rigoletto me permet d’évoquer son art de la mise en scène. 
Les réminiscences de l’efficacité et de la beauté plastique de ses productions sont inscrites dans ma mémoire émotionnelle. 
Les créations de Robert Carsen sont à la fois magiques et délicieusement reposantes. C’est une libération hormonale de dopamine qui envahit le spectateur car le grand art rend intelligent et heureux.





Capriccio de Richard Strauss à l'Opéra de Paris (DR.)
Chaque tableau de l'opéra est une véritable œuvre d’art conçue comme une toile de maître. Il déchiffre la partition et le livret pour en scanner la profondeur et les intentions de l'auteur. La psychologie des personnages est subtile, mettant en lumière un élément du livret qui nous avait échappé jusque-là. Chaque fragment de décor renferme une valeur symbolique du drame qui va se jouer. Son imagination fertile, la force poétique des images et la maîtrise de la lumière nous plongent dans un univers fascinant.

Don Giovanni de Mozart à La Scala de Milan (DR.)
Robert Carsen aime profondément la musique, les chanteurs et bien sûr le théâtre. Chaque relecture de l’œuvre est intelligente, élégante et inventive. Il ne fait pas le choix de détourner l’attention par la dérision grotesque ou la provocation. Il n'y a pas de thèse fumeuse, pas d’agitation inutile ni de regard halluciné, pas de jeu obscène, pas de décors insignifiants ni de costumes disgracieux. Bien au contraire, son travail fascine par la pertinence de son "concept" et par la beauté de l'ensemble. Et même si on n’adhère pas à l'un de ses concepts, on ne reste pas insensible à la qualité de la réalisation.

Tosca - Emily Magee - chante Vissi d'arte
Opéra de Zurich © Suzanne Schwiertz
Une Tosca inoubliable
Magie du dépouillement, de la direction d’acteur et de l’incarnation inspirée des chanteurs : la Tosca imaginée par Robert Carsen en 1992 et reprise à l’Opéra de Zurich en 2009 (captée en DVD). L’une de ses premières mises en scène et l’une des plus puissantes.  
Théâtre dans le théâtre, le rideau de scène s’ouvre sur un autre rideau et un vaste plancher orné de quelques accessoires symboliques. Cet espace dépouillé et harmonieux suffira à la cohérence et à l’intensité du drame qui se chante devant nous : à l’acte I, la fresque Renaissance peinte par Cavadarossi et quelques chaises pour les spectateurs qui assisteront au Te Deum dans l'église Sant'Andrea de Rome. Au II, une table et un fauteuil dorés au milieu de la scène qui évoquent le Palais Farnese et un halo de lumière sur Floria Tosca qui chante Vissi d’arte.

Tosca - Jonas Kaufmann et Emily Magee
Opéra de Zurich © Suzanne Schwiertz
Au troisième acte, le paroxysme du dépouillement et la seule expression corporelle d’un ténor-tragédien sur un vaste plancher incliné réservent pourtant un grand moment d'émotion. Cavadarossi a été torturé et quelques heures plus tard, il attend son exécution à l'aube dans la prison du château Saint-Ange. 
Habillé d’un banal pantalon et d’une chemise blanche tachée du sang de la torture et de la peinture de ses toiles, Cavadarossi - Jonas Kaufmann - se couche sur le sol pour exprimer souffrance et désespoir. L’heure de sa mort approche et il pense à Tosca. Pas de chant mais le lyrisme extrême de Puccini, effleurements sensuels du corps imaginaire de Tosca, mouvements douloureux et respiration étouffée par quelques sanglots à peine perceptibles. Puis il se lève pour dessiner l’œil noir de la Diva sur le mur de pierre de la prison, moment doux et rêveur pour capter son image une dernière fois. 
Et toute cette simplicité subtile prépare à l’un des plus poignants E lucevan le stelle de l’histoire de l’opéra. Du très grand art !

L'intensité de Puccini, le génie de Carsen
 et la puissance émotionnelle de Kaufmann

Puis E Lucevan le stelle (Et les étoiles brillaient)
submergé par le souvenir de Tosca.
"L'heure s'est envolée, et je meurs désespéré. 
Et je n'ai jamais autant aimé la vie !"



Robert Carsen est né en 1954 à Toronto au Canada. Il connaît ses plus grands succès en Europe, notamment en France avec les plus beaux spectacles lyriques de ces vingt dernières années. L’Opéra de Paris l'a accueilli dès 1991 pour Manon Lescaut.
Quelques 25 années plus tard et plus de 70 créations, le théâtre de Robert Carsen sert toujours l'opéra avec grandeur et imagination. Les images parlent d’elles-mêmes.





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