American beauty
Nina Stemme et Jonas Kaufmann ©Espace Lyrique |
20 octobre 2013 : La nouvelle production de La
Fanciulla del West de Giacomo Puccini
vient de triompher à Vienne, après 25 ans d’absence et 100 ans après son entrée
au répertoire de l’opéra autrichien.
Nina
Stemme et Jonas Kaufmann sont
les éblouissants interprètes de cette œuvre forte d’une grande richesse
harmonique. Ils illuminent la soirée par leur splendeur vocale et leur
engagement dramatique.
En réunissant l’une des plus belles distributions
actuelles, la nouvelle production confiée à Marco Arturo Marelli redonne vie et
âme à l’œuvre la plus méconnue et la moins jouée de Puccini. Après des années
d’exclusion des maisons lyriques, on redécouvre les qualités musicales
incontestables de l’une des plus belles compositions du Maestro. Alternant
lyrisme délicat et éclat orchestral, cette structure musicale moderne dégage
une puissance qui réserve de grands moments d’émotion.
Wiener Staatsoper ©Michael Pöhn |
Car La Fanciulla del
West est un opéra très moderne qui raconte l’histoire des pionniers du
grand Ouest qui ont tout quitté pour se lancer dans une aventure singulière. Fuyant
la pauvreté en Europe et projetés dans la rudesse d’un eldorado captivant mais cruel,
ils accomplirent leur destin rêvé dans des conditions de vie incroyables.
Marco
Arturo Marelli déplace l’histoire dans l’Ouest américain contemporain. Pas de saloon ni d'Indiens mais une conception d’une grande crédibilité qui redonne dignité et humanité à ces nouveaux immigrés logés au sein d'un camp de mobile homes. Le metteur en scène approfondit
la psychologie des personnages grâce à une
direction d’acteurs exemplaire et une maîtrise des détails scéniques. La
signature dramatique de la musique est renforcée par le jeu subtil des protagonistes et l’expression des visages. On est touché par la cohérence de cette
transposition et on assiste à un spectacle d’une grande intensité porté par la
fougue et l’intelligence musicale de Nina Stemme et Jonas Kaufmann.
© APA |
La première représentation de La Fanciulla del West donnée au Metropolitan Opera de New York en 1910 fût
un immense succès et cet opéra resta le favori de Puccini. Elle était dirigée par
Toscanini avec Emmy Destinn dans le rôle de Minnie et Enrico Caruso dans celui de Dick Johnson.
La partition est
musicalement somptueuse mais ne comporte quasiment pas de grands airs. Il faut alors
tout le talent d’acteurs-chanteurs pour recréer un cadre dramatique propice aux
échanges amoureux, ce qui a été merveilleusement réussi par le couple viennois.
Wiener Staatsoper ©Michael Pöhn |
Nina Stemme est
une bouleversante Minnie. La soprano suédoise est totalement investie dans le
rôle et très impressionnante par sa puissance et son timbre aux réserves
inépuisables. Elle compose un personnage touchant et son expression dramatique
fait oublier qu’elle a dépassé l’âge du rôle. La figure maternelle protectrice du
début fait place à l’amoureuse déçue et désemparée aux accents d’une Tosca
meurtrie. Lorsque le masque de Dick Johnson tombe, sa fureur s’exprime comme un
spasme aux aigus spectaculaires. Le thème musical de Minnie est d’une beauté
renversante, l’une des plus belles pages de Puccini.
Selon Jonas Kaufmann, les plus grands défis vocaux sont pour la cantatrice. A lui de rendre crédible son personnage emprisonné dans ses mensonges alors qu'il adresse de tendres paroles à Minnie.
Selon Jonas Kaufmann, les plus grands défis vocaux sont pour la cantatrice. A lui de rendre crédible son personnage emprisonné dans ses mensonges alors qu'il adresse de tendres paroles à Minnie.
Wiener Staatsoper ©Michael Pöhn |
Jonas Kaufmann incarne Dick Johnson, le bandit qui va transformer le destin de Minnie. Il compose un personnage passionné et ardent, emporté malgré lui dans la violence d’un destin qui basculera dans le drame. C’est du plus profond de l’âme qu’il se confiera à Minnie dans une touchante confession au 2ème acte. Analyste des profondeurs de ses personnages, Jonas Kaufmann passe leur personnalité secrète au scanner. Il en résulte une richesse et une profondeur de son incarnation qui expriment toutes les complexités de l’âme humaine.
Comme
d’habitude la somptueuse voix du ténor fait merveille. Son timbre, sa puissance
et sa gamme de nuances nous laissent délicieusement anéantis par tant de
beauté. Il compense l’absence d’arias gratifiants en chantant tout l’opéra
comme un aria avec chaque phrase inspirée par sa grande intelligence du texte. Son
art de créer les émotions par sa voix est toujours aussi fascinant. Son "Un bacio" du 2ème
acte est d’une belle intensité et son "Ch’ella
mi creda libero" final est tout simplement sublime.
Tomasz Konieczny et Nina Stemme Wiener Staatsoper ©Michael Pöhn |
Le baryton polonais Tomasz
Konieczny campe le shérif Jack Rance avec une grande crédibilité et une
composition artistique très convaincante. Il est doté d’une belle voix grave et
puissante qui lui permet d’exprimer les sentiments extrêmes de son personnage.
Au final, plus de deux heures d’un bonheur infini grâce à la musique
sublime de Puccini, au talent de ces interprètes et à la lumineuse production. Et il fallait aux chanteurs une belle
assurance de leurs moyens vocaux pour émerger de l'emprise athlétique du chef Franz
Welser-Möst, celui-ci les entraînant au bout de leurs possibilités manifestement indéfectibles !
©Espace Lyrique |
Puccini a écrit un dénouement tendre, presque utopique ou tout
semble désormais à distance du drame qui s’est joué. Pour respecter le choix du
compositeur, Marelli précise qu’il a tenté d'exprimer ce final dans une image
poétique, Minnie et Johnson s'enfuyant vers le ciel dans une montgolfière
aux couleurs de l’arc-en-ciel.
(1) Touchante confession et décibels à l'acte 2
(2) "Ch'ella mi creda libero"
(3) Le final pendant la montée de la montgolfière
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire