Coût de folie le samedi soir
23 janvier 2014: A quelques semaines de l'annonce de la nouvelle saison, on sait déjà que la meilleure performance de l’Opéra de Paris sera la
hausse historique du prix des billets. En décembre dernier, son conseil
d’administration a voté à l’unanimité une augmentation de 10% du prix
des places de catégories 1, 2 et 3, les autres catégories étant préservées. Début
janvier, Christophe Tardieu, Directeur général adjoint de l’ONP, précisait qu’une
grille modulaire des tarifs en fonction de l’affluence serait mise en
œuvre. Ainsi à Bastille, il y aura une hausse de 20% les vendredis et samedis
soirs très prisés et une baisse de 20% certains lundis soirs clairsemés. Les
raisons sont évidentes : baisse des subventions de l’Etat et nécessité de
compenser la perte de plus de 90.000 spectateurs en 2013.
Dans un communiqué publié lundi, l’Opéra de Paris annonce un taux de fréquentation
de 95% de ses deux salles de Bastille et Garnier en 2013, un chiffre dans la
ligne des années précédentes. Mais sur cette même période, 764.566
spectateurs sont venus assister aux spectacles alors qu’ils étaient 855.500
l’année précédente (*). Dans le même temps, les diffusions en direct de l'ONP dans les cinémas du
réseau UGC ont réuni trois fois plus de spectateurs : 120.000 personnes
alors qu’elles étaient 40.000 en 2012. Est-ce une migration du public
traditionnel ou une curiosité grandissante pour l’opéra filmé à moindre coût
?
Dans un entretien de janvier 2013, Stéphane Lissner - qui sera aux
commandes de l’ONP en août prochain - affirmait ne pas souhaiter une augmentation
des tarifs malgré la diminution annuelle de 2,5% de la participation de l’Etat pour
les années 2013-2015. Même si la culture est mieux lotie en France que dans
d’autres pays, les réalités économiques ont finalement contraint l’institution
lyrique à revoir sa politique tarifaire.
Les montants des subventions versés aux
opéras d’Europe sont très hétérogènes. Allant de 10 à 100 millions d’euros, ils
peuvent représenter de 20 à 80% des budgets. A Paris, cela représente 50% du
budget de 200 M€ et 24% du budget de 130 M€ à Londres. Paris a deux fois plus
de places que Londres mais proposent deux fois moins de représentations : 855.500
spectateurs ont assisté à 200 représentations parisiennes et 692.600
spectateurs ont vu les 428 représentations londoniennes (chiffres 2012). Les
recettes provenant des billets représentent 32% à Paris et 36% à Londres alors
que le mécénat récolte 9 M€ à Paris et trois fois plus à Londres avec 27 M€ (*).
Bayerische Staatsoper de Munich |
"Comparativement aux autres grands opéras à l'étranger,
nous ne sommes pas si cher", explique Christophe
Tardieu. Effectivement, Paris propose une gamme de prix allant de 5€ à 180€ et
se situe dans la fourchette européenne. Une place en catégorie 1 coûte 185€ à
Vienne, 164€ à Munich, 210€ à Milan et 235€ à Londres. Mais l’équivalent d’une
place allant de 90 à 130€ en catégorie 3 à Paris coûte respectivement 92€, 83€,
85€ et 85-100€ dans ces autres villes d’Europe. Je précise "équivalent" car depuis 2010, il existe une catégorie "Optima" plus chère insérée dans le contingent de la catégorie 1, reléguant
une catégorie 3 en catégorie 4. Pour un samedi soir lyrique parisien, il faudra
désormais débourser jusqu’à 216€ en cat.1 et 156€ en cat.3. De quoi doucher les plus amoureux de l’art
lyrique !
"Nous avons fait quelques sondages qui montrent que notre
public était prêt à nous suivre" précise
Christophe Tardieu. Certes, une fraction du public sera toujours prête à payer pour un
spectacle qui en vaut la peine et quelques euros ne dissuaderont pas les
passionnés inconditionnels. Mais une telle augmentation ne risque-t-elle pas d’en
décourager un plus grand nombre ?
En France,
on véhicule l’idée que l’art lyrique est élitiste. Depuis que j’aime l’opéra,
j’ai rencontré des mélomanes de tous horizons et pas forcément aisés. Les émotions
vécues à l’opéra sont tellement belles que cette passion peut alimenter des
folies récurrentes. Le prix des places hisse l’opéra au rang des addictions
onéreuses. La sélection n’est pas culturelle, elle est financière.
Sources : Rapports d'activité de l'Opéra national de Paris et du Royal
Opera House de Londres. Communiqués AFP
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