Don Pasquale à l'Opéra Garnier

Michel Pertusi (Don Pasquale), Pretty Yende (Norina)
Photo ©Vincent Pontet /OnP
Viva la Comedia !

Modèle du genre bouffa, l’opéra de Gaetano Donizetti est repris à l’Opéra Garnier dans la mise en scène de Damiano Michieletto qui fait vivre cet ouvrage pétillant et drôle, évitant les clichés du "dépoussiérage". 
L’intrigue faisait le miel de la Commedia dell’arte: un riche célibataire ronchon s’est mis en tête de se marier sur le tard mais il va se faire berner par son neveu et sa fiancée. Les interprètes en assurent la drôlerie émaillée de romanesque : Don Pasquale (Michele Pertusi), le vieux garçon pingre et naïf, son neveu Ernesto (Javier Camarena), l’amoureux candide, Norina (Pretty Yende), la jeune femme audacieuse et insolente, le rusé et facétieux Malestata (Christian Senn). Une production enjouée et enlevée, truffée d’incursions hilarantes comme le selfie, l’appel sur smartphone, les enregistrements vidéo sur fond vert ou la séance teinture coiffeur. 

Sous l’apparence de la légèreté, Donizetti pointait le visage de deux générations: l’ordre établi des anciens et la vitalité déstructurante de la jeunesse, un thème universel et toujours d’actualité. D’un côté, l’angoisse d’un homme vieillissant en quête de compagne pour assurer sa descendance, de l’autre une jeune femme voulant échapper au statut de ménagère pour affirmer sa propre identité. Le rideau s’ouvre sur le vieux célibataire portant robe de chambre et pantoufles dans un décor de mobilier sixties, la jeune épouse y apportera la révolution design à grands frais. Si le plateau est dépouillé et le décor stylisé, la lisibilité de l’intrigue est assurée, la direction d’acteurs est soignée et surtout, les voix sont un bonheur pour l’oreille, en qualité et ampleur. 

Après La Fille du régiment au Met, Pretty Yende et Javier Camarena reforme un duo savoureux, tous deux riches d’une technique belcantiste éprouvée. La jeune soprano sud-africaine revient en artiste adulée du public parisien. Voix charpentée, timbre fruité, aigus ronds bien projetés, aisance fascinante dans les vocalises, elle a la vivacité et la drôlerie du personnage. Ingénue ou harpie, le charme opère. 
Le ténor mexicain campe l’amoureux timide et attendrissant, l’aigu solaire est royal de facilité, le timbre est velouté, la ligne de chant séduit, piani et nuances ajoutent douceur et élégance dans "Povero Ernesto". 

Dans le rôle du barbon manipulé, ahuri mais finalement touchant, Michele Pertussi s’amuse des latitudes comiques du personnage. Le baryton italien est un fidèle de ce répertoire, son métier et son inventivité font merveilles. Christian Senn incarne Malatesta avec aisance et technique accomplie, notamment dans le morceau de bravoure du moulin à syllabes trépidantes avec Don Pasquale. 

Dans la fosse, le jeune chef Michele Mariotti dirige l’ouvrage avec précision et virtuosité, des tempos vifs alternant avec la douceur mélancolique des arias des amoureux.

Une très agréable soirée distillant une irrésistible bonne humeur !


De g. à dte : Javier Camarena (Ernesto), Michele Pertusi (Don Pasquale), 
Pretty Yende (Norina), Christian Senn (Dottor Malatesta)
Opéra Garnier - 25 mars 2019

Photos ©Vincent Pontet /OnP

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire