Tristan et Isolde à l'Opéra de Bavière

Tristanesque !

31 juillet 2021: Ce premier Tristan de Jonas Kaufmann est magistral: la vibration, les couleurs, le souffle, l’engagement dramatique. Le chant vérité et son pouvoir d’ouvrir les cœurs. 
Pour cette dernière représentation au Bayerische Staatsoper (vue en streaming), on attendait de lui le plus rare à entendre et nous avons été comblés !
Ce rôle que le ténor porte en lui poétiquement depuis si longtemps, nous le découvrons enfin. Modèle d’incarnation, l’âme est incarnée dans la voix, Kaufmann revit Tristan devant nous, son intelligence du texte et musicale font des merveilles.

Anja Harteros, sa partenaire de cœur depuis 20 ans, incarne son Isolde, une première pour elle aussi, toute aussi remarquable dans son frémissement dramatique. La soprano se fond dans tous les tourments du personnage, en contrôle souverain de sa voix. Stupéfiante symbiose.

Le duo d’amour de l’acte 2 est sublime, extatique. A l’acte 3, Tristan blessé, les yeux extasiés, ce sont 45 minutes d’une intensité bouleversante. Le chant galvanisé par la puissance de la musique, Kaufmann nous emporte dans la narration de la souffrance de ce Tristan perdu dans un torrent d’émotions. Virtuosité dans la mezza voce, dans l’expression du désespoir de l’âme, les couleurs et le souffle dans les sons filés miraculeux de technique, ce Tristan est un somptueux cadeau aux spectateurs. Intense et inouï.  

Pour l’événement de ses deux prises de rôle, Kirill Petrenko est dans la fosse, sa dernière soirée avant de rejoindre l’Orchestre Philharmonique de Berlin. La beauté orchestrale ajoute à la magie, enchantement enveloppant, couleurs dramatiques, le spectacle atteint des sommets.

La mise en scène élégante et froide de Krzysztof Warlikowski est truffée de symboles psychanalytiques et de leurs détails signifiants : divan de Freud, couple d’humanoïdes et enfants-pantins abandonnés d’orphelinat, duo d’amour en fauteuils éloignés, imaginaire vidéo des amants engloutis dans une eau sombre. 

L’impossibilité d’un amour est ainsi née dans le passé tragique des protagonistes. Vision allégorique de leur tentative de suicide en chambre d’hôtel et de leur réunion dans l’au-delà, une illustration poétique du vécu et du rêvé, sibylline et néanmoins attachante grâce à l’implication des artistes portés par la beauté musicale. La musique avant tout, c’est pour les yeux de Tristan et d’Isolde que le public est venu.


Tristan et Isolde, BSO, 31 juillet 2021

Photos © Wilfried Hösl / BSO

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