Lucia di Lammermoor à l'ONP

Sonya Yoncheva à l’assaut de Bastille et de ses décors

Sonya Yoncheva  ©Javier del Real
30 septembre 2013 : Pour sa première apparition à l’Opéra de Paris, Sonya Yoncheva a littéralement enflammé le public dans le rôle-titre de Lucia di Lammermoor, l’une des œuvres les plus inspirées de Donizetti. 
La jeune soprano bulgare au timbre aussi pulpeux que sa silhouette nous a réjouis tout au long de cette partition si difficile. Ses moyens vocaux paraissent inépuisables et cette voix généreuse enveloppe chaque spectateur dans l’espace infini de Bastille. Armée de son timbre fruité, de sa virtuosité et de son aisance, Sonya Yoncheva a confirmé quelle grande artiste elle est déjà. Sa performance a été saluée par de longues ovations après "Regnava nel silenzio" du premier acte et après le fameux "Air de la folie".

©ONP
Et comble de bonheur, l’Edgardo bien-aimé de Lucia était musicalement à sa hauteur. Le jeune ténor américain Michael Fabiano a été révélé au public parisien qui a découvert cette voix puissante projetée magnifiquement. Grâce à son intensité dramatique et sa vigueur vocale, il nous a offert une émouvante scène finale particulièrement réussie (une graine de star-ténor en germination qui m’a fait penser aux timides débuts d’un Jonas Kaufmann). Le couple apparaît scéniquement comme une évidence et on n’avait pas vu un public aussi enchanté et enthousiaste à Bastille depuis bien longtemps.



C’est aussi un parcours de combattante auquel Sonya Yoncheva a dû se plier physiquement. Car la mise en scène d’Andrei Serban - créée en 1995 - s’illustre par de contraignantes acrobaties qui demandent équilibre et sang-froid.  De quoi déconcentrer n’importe quel artiste en pleine déclamation de ses aigus. Pendant plus de deux heures, la soprano doit grimper sur des poutres, ramper sous un filet, escalader le portique d’altères jusqu'à se pencher dans le vide à quelques mètres au-dessus du sol. Conditions extrêmes qui n’altèrent en rien la beauté de son chant et on en est doublement émerveillé !

Lucia di Lamermoor à l'ONP
 Mihaela Marin/ONP
Lucia di Lamermoor raconte les querelles de deux familles écossaises rivales avec la jeune héroïne au centre de manigances cruelles qui lui feront perdre la raison puis la vie. Pourquoi une tel éloignement des landes brumeuses de l’Ecosse du XVIe siècle de Walter Scott ? En effet, le metteur en scène a choisi l’intérieur d’un Fort Boyard vert de gris comme cadre de ce mélodrame romantique. Le rideau s’ouvre sur un plateau de portiques et de cordes sur lesquels évoluent militaires ou prisonniers, on ne sait pas bien. Quelques bodybuilders vêtus de caleçons molletonnés gris époque Grande Guerre s’évertuent à des numéros de gonflettes. Parabole sportive probablement destinée à illustrer les affrontements virils entre les Ashton et les Ravenswood. Même si cette mise en scène n’est pas dérangeante et plutôt esthétiquement réussie, on se trouve plongé dans un univers pour le moins décalé et surprenant.

Sonya Yoncheva et Michael Fabiano radieux 
à la représentation du 29 septembre 2013
Fort heureusement, notre esprit se détourne rapidement de ce grand écart historique au bénéfice de la musique et de ses interprètes. Leur bonheur de chanter, leur fraîcheur teintée de générosité, et tout simplement la conscience d’être à leur place dans l’immensité de Bastille, tout cela est palpable et émouvant. Sonya Yoncheva irradie d’un charme déconcertant de naturel et dès qu’elle apparaît sur scène, on ne regarde qu’elle.

L'aria "Regnava nel silenzio" de Lucia di Lamermoor
interprété par Sonya Yoncheva

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