Royal et captivant
Don Carlo est un opéra «tellurique» d’une puissance dramatique et musicale qui engendre une grande fascination pour le génie de Verdi. C’est un déchaînement de passions humaines avec des moments de grâce pure. Aucune faiblesse passagère mais une intensité crescendo et des personnages dotés d’un caractère exalté en font mon préféré dans l’œuvre de ce compositeur.
Les affrontements des personnages inspirent des duos
intenses et des monologues émouvants. Vocalement, ces confrontations exigent pas
moins de six grandes voix aux possibilités et subtilités infinies. La production
scénique proposée par le Théâtre des Champs Elysées s’annonçait à la hauteur de
ce monument de l’art lyrique. La magie opère rapidement car les interprètes
sont d’authentiques talents, même si le
grand vainqueur d’une soirée Don Carlo sera toujours la musique de Verdi.
Petite surprise au début quand un représentant du TCE s’avance
sur scène, un peu chahuté par les spectateurs devenus instantanément nerveux
(apparition annonçant toujours une défection ou un problème ORL !). En
effet, le mois d’avril glacial et déminéralisant a frappé le ténor Ramon Vargas
resté au chaud et il est remplacé par Stefano Secco. Ludovic Tézier et Barbara
Frittoli sont ensuite annoncés souffrants mais ils ont toutefois accepté de
chanter. Ouf…le calme peut revenir dans la salle.
Ildar Abdrazakov - Philippe II |
Ce spectacle sera captivant de bout en bout. Les artistes, l’Orchestre
et le chœur se retrouvaient quelques
jours après la dernière représentation de Don Carlo au Teatro Regio de Turin. Les
chanteurs ont l’air heureux et très à l’aise ensemble, les affrontements et les
merveilleux duos sont joués sans le nez sur la partition.
La belle surprise de la soirée est Ildar Abdrazakov, jeune Philippe
II puissant et royal. Très belle présence scénique et richesse des nuances. Une
interprétation « Kaufmann-like » pleine de sensibilité et de justesse
de ton. Dans le paysage de la nouvelle génération des chanteurs quadra charismatiques
et doués, il manquait une imposante basse.
Ildar Abdrazakov est un très grand chanteur que j’inscris désormais dans
mon Top Ten des grandes voix.
Ludovic Tézier - Posa |
Même affaibli, Ludovic Tézier/Posa nous charme par l’excellence
de sa voix et la clarté de sa diction. Avec la facilité et la conviction qu’on
lui connaît, le baryton français utilise souvent la mezza voce pleine de
douceur pour gérer son handicap ponctuel. Remplaçant de dernière minute, Stefano Secco/Don Carlo est convaincant avec une belle voix solaire et de l’énergie à revendre. On sent qu’il maitrise et aime ce rôle.
On sent que la reine Elisabeth est enrhumée. Le nez dans les effluves d’eucalyptol
d’un mouchoir et les yeux larmoyants, la
soprano Barbara Frittoli a probablement fait un gros effort pour chanter ce
soir. Dans cette version sans costume, je constate la beauté radieuse et la
plastique avantageuse de la chanteuse. Une présence magnétique que madame
Frittoli accessoirise d’une élégante robe crème de champagne et se transforme
en veuve chic et royale après l’entracte (c’est la première fois que le père est
plus jeune que son fils et qu’Elisabeth est aussi sexy !).
Stefano Secco & Barbara Frittoli |
Dans le rôle de l’intrigante Princesse Eboli, la mezzo Daniela Barcellona séduit par son ampleur vocale et sa forte personnalité. Le grand
inquisiteur et le moine sont très convaincants. L’orchestre plein d’éclats et
de nuances et le magnifique chœur du Regio sont sous la direction enflammée et
brillante du Chef italien Gianandrea
Noseda.
Au final, gros triomphe des interprètes de grande qualité et
une excellente soirée malgré quelques incidents ORL.
Et je suis très heureuse
d’avoir pris autant de plaisir à revoir Don Carlo sans Jonas Kaufmann ni Anja Harteros
et René Pape. C’est possible !
Ildar Abdrazakov Photo ©Teatro Regio de Turin – Ramella & Giannese |
Don Carlo - Opéra en quatre actes (*) de Giuseppe Verdi (1884) – TCE 28 avril 2013
Stefano Secco (Don Carlo) - Barbara
Frittoli (Elisabetta) - Ludovic Tézier (Posa) - Ildar Abdrazakov (Philippe II)
- Daniela Barcellona (Eboli) - Marco Spotti (Le grand inquisiteur) - Roberto
Tagliavini (Un moine) - Dario Prola (Le Comte Lerma) - Luca Casalin (Araldo) - Erika
Grimaldi (Une voix céleste) - Sonia Ciani (Tebaldo).
(*) de Don Carlos à Don Carlo, il y a un «s» de différence pour une version écourtée d’un acte et de 30mn. Il fût écrit pour l’Opéra de Paris à la fin du dix-neuvième siècle et les critiques qui devaient prendre le dernier train à minuit vingt-cinq quittaient la salle avant la fin de l’opéra. Verdi remania son œuvre pour que le public reste assis jusqu'à la fin (toutefois cette pratique parisienne a peu changé, certains spectateurs pressés se propulsent hors de leur siège dès la dernière note).
(*) de Don Carlos à Don Carlo, il y a un «s» de différence pour une version écourtée d’un acte et de 30mn. Il fût écrit pour l’Opéra de Paris à la fin du dix-neuvième siècle et les critiques qui devaient prendre le dernier train à minuit vingt-cinq quittaient la salle avant la fin de l’opéra. Verdi remania son œuvre pour que le public reste assis jusqu'à la fin (toutefois cette pratique parisienne a peu changé, certains spectateurs pressés se propulsent hors de leur siège dès la dernière note).
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